La biométrie peut être introduite dans le processus électoral au Tchad, selon une étude réalisée par un cabinet étranger et qui a été validée mardi par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce qui est considéré comme un pas important vers les prochaines élections générales dont certaines pourraient cependant être reportées.
"L'introduction de la biométrie dans le processus électoral aura pour résultante de créer une base de données avec 6 millions de citoyens tchadiens enregistrés de façon unique et irréfutable", indique le rapport de l'étude dont Xinhua a obtenu une copie.
Pour les experts, la mise en oeuvre d'une solution de recensement biométrique, au vu du contexte tchadien, peut être considérée comme une opération complexe, mais elle peut de la même manière être considérée comme une opportunité pour le pays de réduire les irrégularités constatées dans les élections précédentes et donc de conduire les élections dans un climat apaisé.
Ils notent par ailleurs que le système actuel des bases des données électorales au Tchad est hors de service.
Selon le rapport, le projet de la biométrie peut être conduit en dix mois depuis le démarrage du premier recensement jusqu'à la disponibilité des cartes d'électeur pour leur distribution. L'investissement financier à considérer pour mettre en place cette nouvelle génération de système s'établit à 32 millions d'euros ou 21 milliards FCFA pour une période de cinq ans couvrant la maintenance pendant cette période. Il doit être ajouté un pourcentage de 10 % pour les imprévus.
"Ce budget est basé sur une série d'hypothèses de travail à valider en fonction des conditions de déploiement et prend en compte à la fois une installation de recensement biométrique de bout en bout adapté au contexte du Tchad, son maintien en condition opérationnelle sur 4 ans après la période de garantie, l'émission d'une nouvelle carte d'électeur biométrique et la capacité à faire évoluer le système dans le futur", précise le texte.
Le Tchad a commencé un processus démocratique marqué par la tenue de plusieurs consultations électorales et référendaires pendant ces vingt dernières années. Plusieurs évaluations et études ont été menées pour déterminer quels seraient les domaines d'amélioration à recommander pour les élections futures, eu égard aux insuffisances constatées.
La réforme électorale issue de l'accord politique de 2007 a prévu l'introduction de la biométrie dans le processus électoral au Tchad. Une première étude sur l'introduction de la biométrie commanditée par la CENI avait conclu au report de la mise en place de la biométrie à un cycle électoral futur, au vu des contraintes de déploiement d'un système électoral biométrique et les exigences du calendrier électoral de l'époque.
La CENI a sélectionné le cabinet Sofie pour conduire une étude sur l'introduction de la biométrie dans le processus électoral tchadien, de façon à lui permettre de valider les conditions d'utilisation de cette technologie dans toutes ces facettes: technique, opérationnelle, financier et administratif.
Début juin 2014, le gouvernement tchadien a mis à la disposition du Programme des Nations-Unies pour le développement ( PNUD, qui soutient le processus) une somme de 500 millions CFA ( environ 1 million USD) pour l'étude de faisabilité de la biométrie.
"Les résultats de l'étude sur la biométrie permettront à la CENI d'établir les chronogrammes du recensement biométrique et des différentes opérations électorales", explique M. Royoumbaye Nanadoumngar, président de l'institution électorale.
Si une avancée décisive vient d'être faite sur la question de la biométrie, l'installation des CENI locales (au niveau des régions et des départements du pays) coince toujours depuis plusieurs mois. Pour le processus en cours, la CENI doit être plus large et paritaire à tous les niveaux (17 membres de la majorité présidentielle, 17 de l'opposition, ainsi que 6 représentants de la société civile), ce qui est une innovation dans le jeu démocratique tchadien.
Dès avril 2013, sous l'égide du président Déby Itno, des tractations ont été organisées entre les différents acteurs politiques, ayant abouti à la mise en place d'un Cadre national pour le dialogue politique (CNDP) qui a pour mandat de proposer à la classe politique la préparation du recensement biométrique et des élections départementales et régionales en 2014, mais également des élections législatives de 2015 et présidentielles de 2016.
Dans la classe politique tchadienne, l'on reconnaît unanimement que le retard considérable accusé bouleverse le chronogramme électoral. "Il est impossible de tenir les élections locales en 2014", affirme Pahimi Padacké Albert, président du CNDP, qui reste également sceptique sur l'organisation des législatives en 2015.
Même le président Déby Itno l'a reconnu en août dernier: les élections locales (régionales et départementales) ne pourront pas avoir lieu cette année. Mais les élections législatives de 2015 et la présidentielle de 2016 doivent être organisées aux dates prévues, "au risque de créer un vide juridique", a-t-il prévenu.
"L'examen et la validation du rapport final permettra d'entamer immédiatement les étapes suivantes du processus, dans le souci de rattraper le retard accusé", conclut M. Royoumbaye Nadoumngar. Il appelle toutes les parties prenantes à s'impliquer sans relâche afin que le processus ne connaisse plus de retard.