Ces dernières années, le gouvernement tchadien multiplie les mesures et les actions pour juguler la flambée des prix des denrées de première nécessité, mais le phénomène va toujours crescendo, au grand dam des consommateurs. Aujourd'hui, il revient à la charge, avec plus de fermeté.
Depuis 2009, les autorités tchadiennes ont pris des dispositions pour juguler la cherté de vie: fixation des prix des denrées de première nécessité par consensus avec les opérateurs des produits de première nécessité, achat et vente subventionnée des céréales par l'Office national de sécurité alimentaire (Onasa), défiscalisation de certains produits importés, interdiction des exportations des denrées alimentaires, etc. Il a été fait obligation aux commerçants d'afficher ces prix officiels sur les produits et devant leurs échoppes. Des numéros verts ont été mis en place pour dénoncer les commerçants véreux, etc.
Le Premier ministre Kalzeubé Payimi Deubet a rappelé les " différentes réponses et les décisions variées" destinées à faire face à la cherté de la vie qui "a toujours été une brulante préoccupation".
Il y a quelques semaines, M. Payimi Deubet et le président Déby Itno ont organisé un séminaire consacré à la problématique de la cherté de vie. A cette occasion et à travers un processus participatif auxquels des opérateurs économiques ont été conviés, un diagnostic clair, franc et courageux a été posé et des recommandations contenues dans une feuille de route ont été adoptées. Des réunions de suivi de la mise en oeuvre de cette feuille de route sont tenues régulièrement autour du chef du gouvernement.
Le train de mesures arrêtées comprend des réformes qui, si elles sont engagées, devraient donner une nouvelle impulsion: réorganisation des circuits de distribution; maîtrise des structures des prix et des marges pour certains produits de première nécessité, en réduisant les niches des surcoûts; conditions de surveillance et d'approvisionnement du marché national en produits de consommation courante; réponses adéquates accordées par exemple à un secteur névralgique comme celui des hydrocarbures pour garantir une fourniture stable de ces produits aux populations à des coûts maîtrisés, supportables et ne grevant pas la compétitivité de l'économie, etc.
"Les premières mesures prises par le gouvernement, c'est d' abord de lever toutes les entraves au niveau des régions puisque les produits circulent sur tout le territoire. Des instructions formelles ont été envoyées par le ministre de l'Intérieur et de la Sécurité publique à tous les services déconcentrés de l'Etat, de telle sorte qu'on ne paie plus indûment des taxes qui ne sont pas conformes à la loi", affirme Aziz Mahamat Saleh, ministre tchadien de l'Economie, du Commerce et du Développement touristique.
M. Aziz Mahamat Saleh reconnaît que les taxes actuellement pratiquées dans son pays sont "très élevées". Aussi promet-il que dans la loi des finances 2015, un certain nombre de taxes vont être réduites de telle sorte que tout le monde puisse les payer. Il ajoute également que les contrôles seront intensifiés par la Direction de la concurrence et de contrôle des prix sur la régularité des prix et leur affichage.
Excédé par "certaines situations conjoncturelles, alliées à des comportements déviants de certains opérateurs, [qui] semblent contribuer fondamentalement à annihiler les laborieux efforts consentis par les uns et les autres, dans le cadre des mesures parfois consensuelles arrêtées", le Premier ministre a fini par taper sur le poing samedi.
"Les dérives actuelles de certains opérateurs économiques doivent cesser", a martelé M. Payimi Deubet.
Mais du côté des commerçants, l'on justifie la hausse des prix des marchandises par des difficultés liées à leur importation.
"La frontière entre le Tchad et le Nigeria, via le Cameroun, est devenue inaccessible à cause de l'insécurité", indique Mahamat Adoum Brahim, vendeur de divers articles au marché central de N' Djaména.
Il y a un mois, en effet, les autorités tchadiennes ont décidé de fermer la frontière avec le Nigeria au niveau du Lac, pour prévenir toute infiltration du virus d'Ebola sur leur territoire. Le Cameroun voisin ayant également fermé ses frontières avec le Nigéria, cette décision a très vite eu des répercussions économiques sur la région du Lac et tout le Tchad, un pays totalement enclavé et qui dépend économiquement de ses deux voisins.
Ainsi le gouvernement tchadien a-t-il décidé, le week-end dernier, d'ouvrir un corridor sécurisé à la frontière avec le Nigeria, au niveau du Lac Tchad, pour permettre l' approvisionnement en marchandises et la coopération économique entre les deux pays voisins. Certains véhicules de marchandises venant du Nigeria, devront transiter par le Niger, plus au nord.
Par ailleurs, vu l'engorgement du port de Douala, au Cameroun, par où transitent une partie des importations vers le Tchad, et les tracasseries sur le corridor Douala-N'Djaména, M. Payimi Deubet a invité vivement les opérateurs économiques de son pays à utiliser la voie du Port-Soudan. Il a promis qu'à cet effet, une zone de libre-échange sera bientôt créée à la frontière entre les deux pays.
En attendant que toutes ces nouvelles annonces ne produisent d' effets, la plupart des consommateurs tchadiens continueront à vivre le jour au jour, supportant à peine la flambée des prix des denrées de première nécessité sur les marchés. Les produits importés, tels que le riz, la farine de froment ou la pâte alimentaire, subissent le plus cette hausse incessante. Même les produits locaux, notamment les céréales, n'en sont pas épargnés.
"Cette inflation est récurrente. Les consommateurs tchadiens, déjà paupérisés et mis à genou par la cherté de vie sans pareille, ont de la peine à subvenir à leurs besoins élémentaires", observe Dingamnayal Nely Versinis, président du Collectif tchadien contre la vie chère.
Mais le ministre tchadien de l'Economie, du Commerce et du Développement touristique, appelle ses compatriotes à la patience car les mesures contre la cherté de vie "demandent du temps et un travail de sensibilisation".
"La baisse des prix, ce n'est pas une question d'un jour ou d' un mois, c'est un travail de longue haleine", conclut M. Aziz Mahamat Saleh.