Dernière mise à jour à 09h58 le 15/01
Zhang Tiantian, col blanc à Guangzhou, est fan de shopping. Elle fut la première à remarquer la boutique Louis Vuitton fermée aux vitrines totalement vides dans le centre commercial de la Perle, dans l'arrondissement Yuexiu. Seul l'enseigne de la boutique restait visible.
Le bail de cette boutique expirait début novembre 2015 et Louis Vuitton ne l'a pas renouvelé. TAG Heuer et Coach ont eux aussi fermé cette année leur magasin amiral à Hong Kong.
Pourtant, le marché des produits de luxe s'est maintenu dans le reste du monde malgré divers facteurs potentiellement inquiétants. En 2015, le marché du luxe mondial a atteint un record de 255,2 milliards de dollars, la consommation des Chinois représentant 116,8 milliards de dollars, soit 46 % des produits de luxe achetés dans le monde. Bien que l'écart de prix entre les produits de luxe vendus en Chine et à l'étranger se réduise, passant de 50 % en 2011 à 25 % cette année, la « fuite vers la consommation » reste massive, les Chinois préférant acheter le luxe à l'étranger.
« Fuite vers la consommation » et vague de fermetures
En 2015, Louis Vuitton a fermé trois de ses boutiques chinoises tandis qu'il en inaugurait deux nouvelles, à Beijing et à Hangzhou. « Nous procédons au réajustement de certaines boutiques pour conserver les plus réussies et optimiser la présence de notre marque », nous a expliqué le responsable de Louis Vuitton en Chine. « Le marché chinois des produits de luxe est riche de perspectives commerciales pour nous. Dans l'avenir, nous allons continuer d'investir en Chine. En 2016, notre plan prévoit l'ouverture de nouvelles boutiques et la rénovation des magasins existants. »
Les loyers élevés et des ventes très peu satisfaisantes, telles sont les raisons qui poussent les marques de luxe à réorganiser leur réseau de boutiques. « La performance d'une boutique (mesurée en chiffre d'affaires par mètre carré) doit couvrir l'investissement consenti pour ouvrir cette boutique, le design et la décoration, mais aussi les frais opérationnels, le loyer, le coût de promotion, etc. Cependant en Chine, et particulièrement dans les principales mégapoles comme Hong Kong, Shanghai ou Beijing, le loyer des boutiques dans les centres commerciaux haut de gamme situés dans les quartiers prestigieux atteint des niveaux astronomiques, hors de portée de nombreuses enseignes » analyse Gachoucha Kretz, expert du marché des produits de luxe et professeur de marketing à HEC Paris. Les marques de luxe commencent donc à remettre en question la rentabilité des boutiques sous franchise.
Zhou Ting est directrice de l'Institut de recherches Fortune Character. C'est une institution de conseil spécialisée dans les études de marché sur les produits de luxe. D'après elle, le mode d'exploitation des boutiques de luxe a évolué suite au ralentissement du marché de luxe et à l'apparition de Big Data et des outils en ligne. « Avec le développement de l'e-commerce, les marques de luxe cherchent à repositionner leur produits et services suivant le schéma O2O. Les points de vente physiques servent surtout à promouvoir l'image de la marque et à compléter le service en ligne. Ce changement de mode d'exploitation oblige les marques de luxe à revoir la structure de leur réseau de vente. »
Selon le Rapport sur les produits de luxe en Chine 2015 publié par Fortune Character, les achats de produits de luxe réalisés par les consommateurs chinois atteindrait 116,8 milliards de dollars en 2015, soit une croissance de 9 % par rapport à 2014. Il faut noter que la part de la Chine sur le marché mondial des produits de luxe est passé de 11 % en 2014 à 10 % en 2015. Dans le même temps, les consommateurs chinois achètent de plus en plus de produits de luxe à l'étranger : 91 milliards de dollars en 2015, soit une croissance de 12 %. C'est-à-dire que 78 % des produits de luxe achetés par les Chinois à l'étranger, un exode massif de la consommation de luxe.
Les enquêtes montrent que les consommateurs chinois attribuent principalement cet écart entre les prix intérieurs et extérieurs aux taxes très élevées (38 %), à des canaux de distribution compliqués (24 %) voire à une augmentention intentionnelle des prix par les marques en Chine (19 %). Des facteurs qui heurtent les sentiments des consommateurs chinois.