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Boko Haram : vers un accord de gestion des frontières harmonisée entre le Cameroun et le Nigeria

Xinhua | 13.12.2016 08h55

Un accord pour une gestion des frontières harmonisée est en passe d'être conclu par le Cameroun et le Nigeria pour permettre de relever le défi sécuritaire posé par Boko Haram et d'autres groupes armés, soulignent les objectifs d'une réunion tenue à Yaoundé avec la participation d'officiels et d'experts des deux pays voisins d'Afrique centrale et de l'Ouest.

Connus pour être les poids lourds respectifs des économies de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui forment un ensemble de 26 pays, le Cameroun et le Nigeria sont aussi cités comme les plus touchés par la crise sécuritaire et humanitaire du lac Tchad causée par Boko Haram.

En ce qui concerne le Cameroun, "plus de 1.500 civils et militaires ont été égorgés, décapités et mutilés" dans les violences commises, notamment dans la région de l'Extrême-Nord depuis 2013, par les extrémistes, a rapporté le week-end écoulé le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary.

Selon les Nations Unies, cette crise a aussi provoqué un afflux de près de 75.000 réfugiés nigérians dans cette partie du territoire camerounais et environ 210.000 déplacés internes, des populations en détresse en besoin d'assistance humanitaire d'urgence.

En plus de l'opérationnalisation d'une force multinationale mixte (FMM), la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT), formée du Nigeria, du Cameroun, du Tchad et du Niger a validé fin 2015 à Yaoundé un plan de développement de près de deux milliards de dollars de financements de coût, qui met l'accent sur la résilience économique et le renforcement de la sécurité sur la durée dans la région.

Depuis lundi jusqu'à mardi, les autorités d'Abuja dépêchent dans cette ville une importante délégation de plus d'une quarantaine de membres mêlant des officiels et des experts pour des discussions avec le pouvoir camerounais sur cet objectif, dans le cadre d'un atelier axé sur le thème "la coopération transfrontalière Cameroun-Nigeria : défis et opportunités".

La délégation est conduite par Ahmad Muhamad, directeur général de la Commission nationale des frontières, et la présence en son sein du général Abba Muhammed Dikko, secrétaire exécutif de l'Agence de développement des collectivités territoriales et chef de la délégation nigériane au sein du comité de sécurité transfrontalière créé par les deux pays, traduit le principal enjeu de ces assises.

A leurs côtés également, les représentants de l'exécutif de l'Etat pétrolier d'Akwa Ibom dans le delta du Niger, avec celui de l'Etat de l'Adamawa, une des cibles des attaques de Boko Haram dans le Nord-Est puis de l'Etat de Taraba.

Entre les enjeux et les défis de la coopération transfrontalière, les domaines et les modes opératoires de celle-ci puis la gestion intégrée des frontières comme principaux sujets de réflexion, ce rendez-vous met en avant l'intérêt commun des deux pays de s'accorder pour un modèle de gestion des ressources transfrontalières, dans le but de promouvoir un développement local concerté.

Plus de 2.000 kilomètres de frontière terrestre et maritime les séparent. Une situation commune à beaucoup de pays africains, cette frontière est réputée poreuse et facilite de ce fait les mouvements de bandes armées et de criminels en tout genre, à l'exemple notamment de Boko Haram qui s'est vite imposé grâce à un environnement social caractérisé par l'extrême pauvreté de part et d'autre.

Deuxième économie africaine après l'Afrique du Sud, le Nigeria représente le plus grand marché de consommateurs du continent avec une population de plus de 170 millions d'habitants.

Par ailleurs deuxième plus grand producteur et exportateur de pétrole africain derrière l'Angola après avoir été pendant longtemps premier, le géant ouest-africain, aujourd'hui plongé dans une grave crise économique, n'a pas su se montrer capable de d'impulser un développement économique au profit de l'ensemble de ses citoyens.

Egalement doté d'un sol et d'un sous-sol riche en ressources naturelles, le Cameroun n'est pas non plus en reste, avec une population de 8 millions de pauvres, en particulier dans les régions septentrionales, sur un total de plus de 22 millions d'habitants.

Opposés par un long conflit frontalier de 15 ans après l'occupation par l'armée nigériane en 1993 de la péninsule de Bakassi, un territoire du Sud-Ouest camerounais, les deux pays manifestent désormais une volonté commune de tirer profit de la résolution de cette crise par un arrêt rendu en 2002 par la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye (Pays-Bas), suivie d'un accord diplomatique conclu en 2006 à New York (Etats-Unis).

Sous l'égide des Nations Unies, ils ont mis en place une commission mixte de suivi de la mise en œuvre de cet arrêt qui œuvre à la démarcation de la longue frontière terrestre et maritime commune et a permis de relancer la commission mixte de coopération, dans le cadre de laquelle un comité de sécurité transfrontalière a aussi vu le jour.

Pour les deux pays donc, une gestion des ressources transfrontalières efficiente n'est possible que si une mutualisation des efforts de sécurisation des territoires communs est opérée dans le cadre d'un mécanisme conjoint permanent, pour consolider la coopération militaire bilatérale amorcée dans le cadre de la force régionale de la CBLT et qui a permis d'affaiblir Boko Haram.

Le défi est immense et mérite d'être relevé pour permettre aux populations riveraines de vivre une cohabitation harmonieuse, avec la construction d'infrastructures de base qui font aujourd'hui défaut, a souligné dans son allocution le ministre camerounais délégué auprès du ministre de l'Administration et de la Décentralisation, chargé des Collectivités territoriales, Jules Doret Ndongo.

Un forum des gouverneurs des Etats fédérés et régions frontaliers lient déjà les deux pays. Entre Enugu (Nigeria) et Bamenda (Cameroun) puis Jabbi Lamba (Nigeria) et Garoua (Cameroun), deux corridors routiers permettent en outre de les relier et contribuent à la libre circulation des personnes et des biens.

Le premier de ces axes représente un tronçon d'un des projets de routes transafricaines de l'Union africaine (UA). Pour le chef de la délégation nigériane, Ahmad Muhamad, la construction d'autres infrastructures similaires est nécessaire pour permettre de densifier les échanges encore faibles entre les deux voisins.

Cette concertation est la troisième du genre, la précédente avait eu lieu à Uyo, dans l'Etat d'Akwa Ibom, en janvier 2015.

Par Raphaël MVOGO

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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