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France : polémique sur la démission du chef d'état-major des armées

Xinhua | 21.07.2017 09h12

Le chef d'état-major des armées françaises, le général Pierre de Villiers, a démissionné mercredi suite au bras de fer qui l'a opposé par médias interposés au président de la République Emmanuel Macron pendant plusieurs jours. La polémique n'a cessé d'enfler depuis.

A l'origine de la brouille : le refus du général d'accepter la baisse du budget de la Défense de 850 millions d'euros en 2017.

Auditionné par la commission de la Défense de l'Assemblée nationale le 12 juillet dernier sur cette éventuelle réduction du budget, le chef d'état-major des armées a laissé éclater sa colère en utilisant des mots durs.

"Le grand écart pour les objectifs assignés à nos forces et les moyens alloués n'est plus tenable (...) On a déjà tout donné" ou encore "Je ne me laisserai pas b..... comme ça", aurait déclaré le militaire lors de cette audience à huis clos.

Ces propos qui ont fuité dans la presse vont vite faire réagir, dès le lendemain, le président français Emmanuel Macron.

"Je considère pour ma part qu'il n'est pas digne d'étaler certains débats sur la place publique. J'ai pris des engagements. Je suis votre chef. Les engagements que je prends devant nos concitoyens et devant les armées, je sais les tenir et je n'ai à cet égard besoin de nulle pression et de nul commentaire", a réagi M. Macron lors de la traditionnelle adresse aux armées, à la veille du 14-Juillet, sans jamais nommer M. de Villiers.

Au lendemain de ce recadrage, le général publie sur son compte Facebook un texte intitulé : "Confiance" qui ressemble fort à une réplique au président Macron. "Choisissons donc d'agir comme si tout dépendait de nous, mais sachons reconnaître que tel n'est pas le cas", écrit-il dans ce post adressé aux jeunes recrues de l'armée. Plus loin, il termine par une recommandation sur la notion de confiance.

"Parce que la confiance expose, il faut de la lucidité. Méfiez-vous de la confiance aveugle, qu'on vous l'accorde ou que vous l'accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité. Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d'être aveuglément suivi", conclut-il.

Cette sortie du général Pierre de Villiers semble être celle de trop pour le président français qui, dans une interview parue le 15 juillet dans le JDD, invite le militaire à la démission. "Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change (...) Il a ma confiance à condition de savoir quelle est la chaîne hiérarchique et comment elle fonctionne dans la République comme dans l'armée", martèle M. Macron.

Dans un communiqué publié après sa démission, le général de Villiers, qui avait pourtant été reconduit dans ses fonctions le 1er juillet dernier par M. Macron pour une année entière, indique "ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel (il croit) pour garantir la protection de la France et des Français".

Cette démission a fait réagir à la fois d'anciens officiers et les politiques, notamment l'opposition parlementaire qui parle de crise sans précédent.

Pour le député LR, Eric Ciotti, M. Macron a fait preuve "d'autoritarisme" et s'est lourdement trompé sur le fond. "Il a préféré les coupes comptables aveugles aux mises en garde du chef d'état-major des armées qui connaît la menace à laquelle est confronté notre pays, qui connaît le prix payé par nos soldats sur les théâtres d'opération extérieurs en Irak, Syrie. Le président de la République a commis une faute très lourde qui aura des conséquences majeures", a-t-il averti.

Le député socialiste Olivier Faure parle d'humiliation du général de Villiers. Selon lui, en recadrant publiquement le chef d'état-major des armées, Emmanuel Macron l'a humilié, le conduisant à la démission.

Conséquence : "cela amène à une double crise. D'abord une crise de confiance entre le chef de l'Etat et les armées et une crise démocratique parce qu'il appelle à l'autocensure toutes celles et ceux qui devront s'exprimer devant le Parlement puisqu'ils savent qu'on ne peut pas tout y dire par risque de recadrage", a dit l'élu socialiste.

Au FN, on parle aussi de nouvelle crise inquiétante à la fois "pour la sécurité des Français et pour le moral de nos troupes", selon Marine Le Pen. La députée FN ajoute que "c'est surtout inquiétant sur le fond car cela veut dire que le président de la République exige des personnalités qui ont des responsabilités et qui sont auditionnées par nos commissions parlementaires le mensonge. Il met en cause le fonctionnement même de la démocratie", a-t-elle indiqué.

Quant à Jean-Luc Mélenchon de La France insoumise, le général de Villiers s'est exprimé de cette façon parce qu'il y a un vrai problème. "Ce problème, c'est l'utilisation qui a été faite des matériels et des hommes dans des conditions telles qu'ils se sentent aujourd'hui en limite d'efficacité".

Selon lui, Pierre de Villiers pose donc le problème de l'efficacité des moyens qu'on met en œuvre pour atteindre les objectifs que les politiques ont fixés. "Alors si son devoir est de servir et d'obéir, son devoir est aussi de prévoir et de dire la réalité de la situation", a dit M. Mélenchon, accusant le chef de l'Etat de créer une situation insupportable.

Du côté de l'armée, d'anciens officiers comme le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole de guerre, ont qualifié la situation de "grave crise politico-militaire".

"Le rôle du général de Villiers est de défendre la France et les Français. Donc il a raison de démissionner. C'est une crise extrêmement grave. La plus haute crise politico-militaire depuis le putsch des généraux du 21 avril 1961. Un demi-siècle que la tension n'a pas été à ce niveau là", a-t-il jugé sur BFMTV, ajoutant que M. Macron n'avait pas tenu sa promesse faite aux militaires de ne pas toucher au budget de la Défense.

L'ancien chef d'état-major de l'armée de l'Air Jean-Paul Paloméros a invité, sur la même chaîne, à faire des budgets "sincères" pour éviter de tels "tiraillements" à l'avenir. "Il peut y avoir des adaptations mais là, on est dans la coupe sévère. Il faut également que les lois de programmation soient en phase avec notre environnement", a-t-il conseillé.

Le général de Villiers a été remplacé par le général François Lecointre, un officier général issu de l'infanterie de marine. "Lecointre aura non pas un budget à défendre, parce que ce n'est pas le rôle du chef d'état-major, mais celui de la ministre des Armées, mais des troupes à conduire, des opérations à mener, une stratégie, des capacités à défendre et à proposer au chef des armées qui est le président de la République", a déclaré mercredi soir Emmanuel Macron.

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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