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Observations sur le défilé militaire chinois (5)

La Chine au présent | 22.10.2015 10h27

Et les pays européens alors ?

Ce n'est pas non plus un hasard si les pays européens n'ont pas envoyé de hauts représentants à Beijing.

Tout le monde peut manifestement voir l'alliance militaire tissée entre les États-Unis et le Japon. En revanche, leurs liens étroits dans le secteur des finances échappent souvent à l'œil des médias. Pourtant, cette coalition financière est à la base du front uni établi par les deux pays. En comparaison, les relations entre l'UE et les États-Unis ne font pas le poids. Après tout, l'UE a émis sa propre monnaie, l'euro.

L'Europe s'inquiète, d'une part, de voir l'Organisation de coopération de Shang-hai, avec la Chine et la Russie en tête de file, évoluer en un rival de l'OTAN. Mais ce qu'elle craignait le plus en répondant positivement à l'invitation de la Chine, c'est encore d'offenser les États-Unis et le Japon, notamment parce qu'un défilé militaire est une cérémonie hautement symbolique. Ainsi, sous divers prétextes tels que son opposition à l'annexion de la Crimée par la Russie, son soutien aux sanctions économiques imposées à la Russie ou encore la présence de M. Poutine à Beijing, les hauts dirigeants européens ont décliné l'invitation. À vrai dire, le comportement de l'Europe s'est révélé conforme à son état actuel, à sa position et à sa puissance : par ses actes, l'UE a démontré qu'elle est toujours un « géant économique » mais un « nain politique ». Cinq pays européens ont chacun mandaté un émissaire spécial : la France, l'Italie et la Hongrie ont envoyé leur ministre des Affaires étrangères ; les Pays-Bas ont dépêché leur ministre d'État ; le Royaume-Uni a envoyé son ancien ministre de la Justice. L'Allemagne, elle, a été représentée par son ambassadeur en Chine. Une sorte d'« option sans option » révélant l'embarras de l'Europe qui manque encore d'une vision stratégique globale à long terme. D'un côté, elle veut maintenir ses relations avec la Chine, mais de l'autre, elle ne veut pas que ces relations portent atteinte d'une certaine façon aux bons rapports qu'elle entretient avec les États-Unis et le Japon. Par conséquent, il me semble que les envoyés spéciaux des pays européens avaient pour mission principale d'expliquer à Beijing pourquoi leur chef d'État avait décidé de ne pas venir.

En fait, les pays européens ont déjà fait leur choix entre la Chine et les États-Unis. Bien qu'ils n'aient pas envoyé leur chef d'État à Beijing le 3 septembre, ils ont manifesté leur soutien actif à l'AIIB initiée par la Chine. Ces deux prises de position, apparemment contradictoires, sont conformes à la logique et aux intérêts de l'Europe. Il faut savoir que sur le plan politique, et plus particulièrement militaire, l'UE est fortement contenue par les États-Unis. À ce jour, elle n'ose pas lever son embargo sur les ventes d'armes à la Chine appliqué depuis un quart de siècle, en raison de l'opposition de Washington sur cette question. Toutefois, de nombreux pays européens ont adhéré à l'AIIB, en dépit de l'avis contraire des États-Unis et du Japon, car ce sujet engageait les intérêts primordiaux de l'Europe.

Dans le monde d'aujourd'hui, les alliances financières prévalent sur les alliances militaires. À l'ère nucléaire, les puissances disposant de l'arme de destruction massive ne craignent pas d'être militairement marginalisée par la communauté internationale. C'est la raison pour laquelle la Russie a envoyé son armée en Crimée, en dépit des vives protestations formulées par tout l'Occident, y compris l'OTAN. En contraste, sur le plan financier, s'observe une interdépendance croissante entre les pays. L'Europe, avec l'euro, et la Chine, avec le yuan, affichent de plus en plus d'intérêts communs en termes financiers. Et l'attachement de l'Europe pour l'AIIB est étroitement lié à la proposition chinoise de construire « une Ceinture et une Route ». Comme l'a dit l'ancien premier ministre français Dominique de Villepin, « c'est actuellement, dans notre monde, l'unique plan économique viable à même d'apporter de gros profits à l'Europe ». Il est évident pour l'Europe que renforcer sa coopération avec la Chine est en adéquation avec ses intérêts à long terme, à condition de ne pas se mettre en froid avec les États-Unis et le Japon.

Les observateurs ont remarqué la forte volatilité des bourses à travers le monde, notamment celle de Shanghai, à la veille du défilé militaire à Beijing. Le taux de change de la monnaie chinoise a aussi connu des fluctuations. Au premier regard, il n'y a pas de lien entre ces deux phénomènes, mais cette « coïncidence » révèle pourtant le rôle de plus en plus majeur que joue la finance dans notre conjoncture mondiale. En un certain sens, la finance supplante les considérations telles que territoire, ressources et marchés pour devenir, dans les relations internationales, un « champ de bataille » aussi crucial que le potentiel militaire d'un pays.

Revenons à la fin de juin 2015, moment où l'AIIB, sous les auspices de la Chine, a été officiellement fondée à Beijing. Cet événement est lourd de sens, puisque presque tous les grands pays occidentaux, excepté les États-Unis, le Japon et le Canada, sont devenus membres de cette nouvelle banque.


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(Rédacteurs :Yin GAO, Wei SHAN)
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