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Le chinois vit : une langue millénaire à l’ère d’Internet (4)

La Chine au présent | 16.11.2015 16h32
Le chinois vit : une langue millénaire à l’ère d’Internet
星巴克 (xīn g bāk è), la traduction chinoise de Starbucks. (YU JIE)

Innover dans la tradition

Même ce que l'on croirait être les derniers bastions de la tradition linguistique, les proverbes et expressions fixes appelées chengyu, voire même les caractères chinois eux-mêmes, sont secoués par le vent frais de la modernité.

Les chengyu sont des expressions classiques composées de quatre caractères, et donc autant de syllabes, qui résument au plus court des sagesses séculaires ou des anecdotes issues de la culture chinoise classique. Ces derniers temps, les internautes chinois se sont mis à inventer de nouvelles formes créatives pour ces expressions à quatre mots. Prenons par exemple l'expression 不明觉厉 (bùmíngjuélì) qui exprime en quatre signes le sens de la maxime 虽然不明白, 但是觉得很厉害 (suīrán bù míngbai, dànshì juéde hěn lìhai), qui peut se traduire par « sans rien y comprendre (à ce qui est fait ou dit), je trouve cela drôlement fort ». Selon le contexte, on peut comprendre ce chengyu d'internaute de deux façons différentes : soit il s'agit d'exprimer l'admiration respectueuse que l'on éprouve vis à vis des déclarations ou des actions d'un vrai expert en action (« Je ne comprends pas tout ce que tu fais mais j'admire ta maîtrise »). Mais il peut aussi s'agir de se moquer des déclarations ou des actions d'un expert autoproclamé (« Je ne sais pas ce que tu fais ni quel but tu poursuis, mais au moins tu l'exprimes de façon imagée »). Cette formule, dans la tradition des chengyu, définit précisément et avec concision une situation précise ou un sentiment particulier.

On voit même que les caractères chinois n'échappent pas à l'esprit d'innovation créative des mandarinophones. L'un des exemples les plus récents concerne l'onomatopée « duang », qui restitue à l'oral le son d'un ressort qui se détend. Après le succès viral d'une vieille publicité pour un shampoing dans laquelle on voit Jackie Chan, légende du kung-fu, répéter plusieurs fois ce terme, des internautes chinois se sont décidés à combler une lacune de la langue de Confucius en créant un caractère duang. Pour cela, ils ont compilé en un seul les caractères 成 et 龙 qui composent le nom chinois de l'acteur !

Même une langue des signes telle que le chinois peut donc, grâce à la créativité de ses locuteurs, poursuivre une évolution vers la modernité, et il est passionnant de voir comment les influences externes sont perçues et intégrées.

Avec l'accroissement du poids économique de la Chine, il est probable que ce seront désormais de plus en plus souvent des expressions et des concepts chinois qui viendront enrichir les vocabulaires occidentaux. Il existe déjà des exemples de ce phénomène. Après les termes déjà établis depuis des années comme le feng-shui (风水 fēngshuǐ), le qigong (气功 qìgōng) ou le taï-chi (太极拳 tàijíquán), on entend maintenant parler de guanxi (关系 guānxi) pour décrire les relations sociales qui sont si importantes en Chine, un terme qui a fait son apparition dans les langues occidentales. L'exemple le plus récent est l'adjectif chinois mafan (麻烦 máfan) qui vient d'être adopté par le dictionnaire britannique en ligne Urban Dictionary. « ''Mafan'' est un terme originaire du chinois mandarin qui exprime le sentiment de frustration ou d'agacement créé par une situation, avec à peu près le même sens que les mots ''compliqué'' ou ''embêtant'' », y est-il expliqué. Parmi ceux qui apprennent le chinois, un certain nombre a dû se réjouir de cette nouvelle entrée au dictionnaire, parce que traduire cet adjectif chinois dans toute la richesse de ses nuances est effectivement assez « mafan ».


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(Rédacteurs :Yin GAO, Wei SHAN)
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