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Famille nombreuse, famille heureuse

La Chine au présent | 16.11.2015 16h14

Comme beaucoup de jeunes Tibétains, Tashi Bazong, jeune femme de 32 ans, aime partager les choses de son quotidien dans « Moments » de WeChat (application mobile chinoise). Depuis peu, elle se passionne pour la photographie. Elle fait un album de la vie de sa famille. Trois générations sous un même toit.

Les parents

Tashi habite à Lhassa, dans une très grande famille qui compte 16 membres. Les 6 enfants de la famille ne sont pas partis de la maison après leur mariage. Se voir tous les jours et se réunir autour de la même table pour les repas est quelque chose de très important pour eux. Pendant les fêtes et les vacances, toute la famille part faire des pique-niques dans les parcs.

La famille de Tashi vivait auparavant dans un petit village à Qamdo (Est du Tibet), dans des conditions assez spartiates. « À l'époque, nous plantions de l'orge tibétaine et des pommes de terre pour gagner notre vie. C'est pourquoi mon père avait l'intention de travailler à l'extérieur », se remémore Alang, le frère aîné de Tashi.

Dans les années 1970-80, la Chine met en place une nouvelle politique agraire, qui consiste en un système de responsabilité du foyer avec rémunération forfaitaire liée au rendement. Le Tibet bénéficie également de la réforme et l'ouverture du pays. Et pour élever le niveau de vie de la famille, le père de Tashi se lance dans les affaires. Il vend du yarsagumbu (champignon médicinal aphrodisiaque), du dzi (bijou en roche organique contenant du jade, de l'agate et du cristal) et du bois de construction.

Grâce aux affaires du père, la vie de toute la famille s'est bien améliorée. D'habitude contraints de manger de la tsampa (farine d'orge grillée du Tibet) et du beurre de yack, ils ont alors pu s'offrir du riz et de la farine de blé fin. Pendant le Nouvel An tibétain, les enfants recevait chacun une paire de chaussures neuves en cuir. La famille de Tashi est ainsi devenue une famille relativement aisée au village.

Aujourd'hui, le père de Tashi a 74 ans et mène une vie tranquille de grand-père à la maison. Ses riches expériences dans sa jeunesse font de lui quelqu'un de clairvoyant. Il a aussi plus de courage et de réflexion que les autres. Sa sagesse se manifeste non seulement par l'enrichissement qu'il a permis à sa famille, mais également par l'éducation qu'il a donnée à ses enfants.

En réalité, au Tibet, le système éducatif a été mis en place assez tardivement. Il n'y avait aucune école à Qamdo quand le frère et les sœurs aînés de Tashi avaient l'âge d'être scolarisés. Le père de Tashi les a envoyés chez un vieux professeur respecté dans le village pour qu'ils reçoivent un enseignement privé. Quand Tashi est arrivée à l'âge scolaire, des écoles avaient été ouvertes au Tibet. Pour que les enfants reçoivent une meilleure éducation, la famille a déménagé à Lhassa.

Les attentes du père de famille ont été comblées : Tashi et son frère cadet sont devenus policiers ; la cadette de la famille a été admise au département de japonais de l'université des langues de Beijing ; son frère et ses deux sœurs aînés sont dans le commerce comme leur père. Alang, le fils aîné de cette famille nous énumère ce que son père lui a appris : « Au niveau national, on ne fait jamais des affaires de façon illégale ; au niveau ethnique, on ne fait jamais des affaires qui vont à l'encontre de la religion ; au niveau individuel, on ne fait jamais des affaires qui tuent des animaux ou qui nuisent à autrui. » Cette maxime de son père est gravée dans son cœur. Selon lui, cet enseignement décrit la manière de faire des affaires, mais aussi de se comporter.

Les parents de Tashi, savent bien l'importance de la solidarité. Pour eux, c'est la condition de la prospérité et de l'harmonie familiale. Pendant la journée, les enfants travaillent. Le soir, ils rentrent dormir à la maison. Même Alang, qui a aujourd'hui 45 ans, rentre à la maison avant 10 heures du soir, pour ne pas inquiéter ses parents. « Je mange le dîner à la maison tous les soirs, sauf si j'ai du travail à faire à l'extérieur. Si je rentre trop tard, mon frère aîné m'appelle pour me dire de rentrer », nous raconte Tashi. Assez rare parmi les familles citadines au Tibet.

L'hôtel de l'Escargot de mer

Vers 18-19 ans, Alang voyage aux quatre coins du pays en suivant son père. Dans les années 1990, il commence à faire du commerce de manière indépendante. Les modes de consommation au Tibet ont changé ; Alang s'est adapté à ces changements pour mieux faire des affaires.

Il y a une vingtaine d'années, la famille de Tashi achète un lopin de terre à Nyingchi, au bord de la rivière Nyang, et construit une auberge. Le tourisme se développant rapidement au Tibet, Nyingchi accueille de plus en plus de touristes. En 2012, Alang décide d'élargir ses activités. Pendant deux ans, il rénove l'auberge et la transforme en un hôtel moyen de gamme comptant 90 chambres et une trentaine d'employés, équipé d'un restaurant et d'un salon de thé.

Alang s'est donné à fond dans ce projet. La question du style de décoration lui a donné du fil à retordre. Style moderne et métropolitain ? Pas assez ethnique. Style ethnique ? Trop contraignant et pas assez résistant à cause des structures en bois. Pour trouver un compromis, Alang et son frère cadet sont allés demander conseil et ont trouvé un style qui allie le moderne à l'ethnique tout en restant pratique.

Alang nous raconte comment il a trouvé le nom de l'hôtel. La famille voulait un nom facile à retenir et symbole de bonne fortune. Pas facile à trouver. Un jour, sur le chemin de Lhassa à Nyingchi, Alang rencontre un marchand qui vend des pierres d'ornement. Une pierre en forme d'escargot de mer a soudain inspiré Alang qui a acheté celle-ci dans la foulée. L'escargot de mer blanc compte parmi les huit trésors du bouddhisme tibétain. Selon la légende, quand Bouddha récitait des soutras, sa voix était retentissante, comme le son d'une corne fait avec la coquille d'un escargot de mer. Du coup, tout le monde est tombé d'accord : l'hôtel a été baptisé « Escargot de mer ». C'est un vœu pour la renommée de l'établissement et aussi une exigence pour les services de l'hôtel qui doivent apporter la bonne humeur aux clients. En effet, l'escargot de mer blanc incarne la pureté de l'âme.

L'hôtel est ouvert depuis presque un an. C'est principalement Alang qui s'en occupe, avec le soutien de toute la famille. « Mon frère cadet et moi donneront un coup de main pendant les vacances. Ma sœur cadette est trop occupée, elle vient d'avoir son diplôme et est en train de chercher du travail et en même temps, elle travaille aussi à la maison », nous explique Tashi.

Aujourd'hui, Nyingchi est devenue une destination touristique populaire, et la compétition y est acharnée. Ouvert il y a peu et peu connu, l'hôtel est sous pression. Cependant, Alang reste optimiste : « Nyingchi attire de plus en plus de touristes. Je suis convaincu que le marché va s'agrandir. »

Espoir pour l'avenir

Sortir du Tibet et aller dans les provinces intérieures de la Chine, tel est le plan d'Alang pour le futur. Il espère ouvrir des hôtels tibétains dans tous les coins du pays. Tout comme son père, son premier investissement commence par l'éducation de ses enfants.

Son fils aîné s'appelle Kunsang. Ses résultats scolaires étant excellents, il a été admis dans une école secondaire du premier cycle à Shanghai, puis dans une école secondaire du deuxième cycle au Zhejiang. Actuellement, il est en première année à l'université des Sciences et Technologies de Beijing, et étudie le génie de l'environnement.

« Pendant ma première année à Shang-hai, je pensais beaucoup à ma famille. Après m'être adapté à ma nouvelle situation, j'ai découvert les avantages de vivre et étudier en dehors du Tibet. Surtout après mon entrée à l'université, les rencontres et l'atmosphère des grandes villes ont été formatrices pour moi. J'ai une forte nostalgie du Tibet, de mon lieu de naissance. Mais mon expérience à l'extérieur a bien élargi mes horizons », nous confie Kunsang.

Quand on lui demande s'il rentrera au Tibet après ses études, sa réponse est affirmative. En tant qu'aîné de la fratrie, il en ressent la responsabilité et a un rêve : « Bien sûr, je vais partager la charge des affaires familiales, mais en plus de cela, je souhaite faire ce qui m'intéresse. J'étudie le génie de l'environnement à l'université, et j'espère que je pourrais apporter ma contribution au Tibet grâce à ces connaissances. »

Alang perpétue l'éducation qu'il a reçue de ces aïeuls, mais respecte les souhaits de ses enfants. Il est très fier de Kunsang, de son esprit raisonné et de son intelligence. « Pendant la rénovation de l'hôtel, j'ai eu des conflits avec les travailleurs à cause de divergences de vues et de malentendus. C'est mon fils qui m'a calmé. Il m'a expliqué que ce que je faisais était incorrect. À ce moment-là, j'ai trouvé que mon fils avait vraiment grandi », se rappelle Alang. Pour lui, la maturité de Kunsang donne de l'espoir pour l'avenir.

Le temps et les différentes époques ont laissé leur trace sur l'histoire de la famille de Tashi. Elle est non seulement un bon exemple d'une famille tibétaine heureuse, mais également une représentation parfaite de la tradition culturelle tibétaine qui se perpétue de génération en génération.

(Rédacteurs :Yin GAO, Guangqi CUI)
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