Dernière mise à jour à 08h35 le 05/05
Depuis le soir du premier tour de l'élection présidentielle française le 23 avril dernier, le rapport de force entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est "sensiblement stable à 60 et 40% d'intentions de vote" a déclaré Jérôme Fourquet, directeur du département "Opinion et stratégies d'entreprise" de l'institut français de sondage Ifop, lors d'une conférence de presse sur l'analyse de la campagne du Front national (FN) ce mercredi à la Fondation Jean Jaurès.
"Cette tendance était déjà semblable avant le 1er tour et se maintient selon les dernières enquêtes d'opinion que nous avons réalisées" a-t-il précisé.
Concernant le niveau d'abstention, Jérôme Fourquet a indiqué qu'il faudrait une abstention "de plus de 15 points" par rapport au seuil actuel estimé par les sondages, pour que Marine Le Pen atteigne 51% des voix or "ce n'est pas ce qu'on détecte aujourd'hui dans les enquêtes d'opinion". "Un score de Marine Le Pen à 40% au second tour serait déjà un score colossal" a-t-il souligné.
"Le report de voix vers Marine Le Pen est plus fort chez les électeurs de François Fillon que chez ceux de Jean-Luc Mélenchon et à l'inverse, le report des voix vers Emmanuel Macron est plus marqué chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon que chez ceux de François Fillon", selon la même source.
"Sur 100 électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 50% disent aller voter pour Emmanuel Macron au second tour, un chiffre stable depuis le soir du 24 avril, date des premières enquêtes" a-t-il indiqué. "En revanche, ils étaient 19% à se dire prêts à voter pour Marine Le Pen le 24 avril et sont désormais 13%. Il y a donc une érosion du report de voix de Jean-Luc Mélenchon vers Marine Le Pen. Enfin, 37% vont s'abstenir ou voter blanc" a indiqué Jérôme Fourquet.
"Sur 100 électeurs de François Fillon, 44% disent aller voter pour Emmanuel Macron, 30% pour Marine Le Pen et 26% pensent s'abstenir". Le report de voix vers Marine Le Pen est plus fort chez les électeurs de François Fillon que chez ceux de Jean-Luc Mélenchon. A l'inverse, le report des voix vers Emmanuel Macron est plus marqué chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon que chez ceux de François Fillon.
Dans l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, les moins de 35 ans sont plus mobilisés pour voter en faveur d'Emmanuel Macron et ainsi faire barrage au Front national. "Les moins de 33 ans n'avaient pas l'âge de voter en 2002, c'est pour cela qu'ils sont plus mobilisés aujourd'hui que des générations antérieures ayant participé au barrage de 2002 en votant pour Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen, et qui ont été déçus et ne veulent pas réitérer l'expérience" a expliqué Jérôme Fourquet.
Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui vont voter pour Marine Le Pen sont en grande majorité des hommes (67%) tandis que le vote blanc ou l'abstention fédèrent une population plus homogène avec 56% d'hommes et 44% de femmes. Du côté des électeurs de François Fillon, 47% des 65 ans et plus disent aller voter Marine Le Pen et 57% s'abstiendraient ou voteraient blanc. L'électorat de François Fillon est constitué à 45% de 65 ans et plus contre 14% de moins de 35 ans, a souligné Jérôme Fourquet.
Le clivage du niveau éducatif segmente fortement les électorats de Jean-Luc Mélenchon et François Fillon dans la perspective du second tour puisque 68% des électeurs de la France Insoumise ayant le niveau baccalauréat ou inférieur disent aller voter pour Marine Le Pen, et ils sont 57% chez François Fillon. Parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui se reporteront sur Emmanuel Macron, 49% sont diplômés du baccalauréat ou inférieur et 45% chez François Fillon.
"On constate un fort report de voix de la classe ouvrière au second tour vers Marine Le Pen, puisqu'ils étaient 40% à être allés voté le FN au 1er tour et devraient être 60% le 7 mai" a indiqué Jérôme Fourquet, qui a souligné que parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon, 49% de ceux qui iront voter Emmanuel Macron se disent "perdants de la mondialisation" contre 71% qui iront voter Marine Le Pen. Ce sentiment concerne 29% des électeurs de François Fillon qui voteront pour Emmanuel Macron, contre 57% de ceux qui se reporteront sur Marine Le Pen.
Concernant une possible alliance entre le FN et la droite française, Joël Gombin, politiste et spécialiste de sociologie électorale également invité à la conférence de presse de la Fondation Jean Jaurès, a estimé que la droite était très partagée sur la question pour des raisons "plus stratégiques qu'idéologiques". "L'échec de François Fillon n'est pas seulement le résultat des affaires qui ont entachés sa campagne, c'est aussi la conséquence du fait que la droite a perdu une partie de son électorat au profit de l'extrême-droite et une partie de la droite se dit qu'il faut se tenir le plus éloigné possible du FN alors qu'une autre se dit que pour accéder au pouvoir, un rapprochement est une possibilité" a-t-il ajouté.
Jérôme Fourquet a appelé à la prudence quant aux perspectives des prochaines législatives car Emmanuel Macron "n'a ni parti ni candidats" et, pour la première fois entrera en vigueur la loi de non-cumul des mandats concernant 40% des députés sortants. "Ils pourraient choisir de renoncer à leur poste de parlementaire pour conserver un mandat de maire, ce qui laisse place à un renouvellement important" a-t-il indiqué.