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CEVIPOF : le populisme est le vainqueur de l'élection présidentielle 2017

Xinhua | 05.05.2017 08h24

La course à l'Elysée 2017 est marquée par la montée en force d'une forme ou d'une autre de populisme, de droite comme de gauche, et son installation dans la vie politique française, explique dans un entretien à Xinhua le politologue Luc Rouban du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), ajoutant que c'est un phénomène que la probable élection d'Emmanuel Macron n'endiguera pas.

"Les candidats de cette présidentielle s'inspirant, d'une manière ou d'une autre, du populisme ont réuni près de la moitié de l'électorat à l'issue du premier tour", note-t-il, ajoutant que "les résultats du 23 avril mettent en lumière la transformation de l'espace politique français. Cette transformation apparaît clairement dans le faible score cumulé par les candidats des deux principaux partis politiques qui ont dominé la scène électorale depuis 1981", poursuit le directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique).

"Au total, François Fillon pour Les Républicains et Benoît Hamon pour le Parti socialiste n'ont totalisé que 26% des suffrages exprimés alors que 74% de ces suffrages sont portés par des candidats qui n'ont ni joué le jeu des primaires ni dominé la vie parlementaire avec leurs députés depuis des décennies", précise-t-il.

Le politologue insiste sur la question de la définition du populisme. "Le populisme repose tout d'abord sur l'argument suivant : le peuple (notion qui a fait son grand retour dans le discours politique sans qu'on cherche à l'expliciter) sait ce qui est bon pour lui. Il n'a donc pas besoin de représentants politiques, la fracture oligarchique entre lui et les élites est insupportable, la construction européenne est condamnable, l'Europe est critiquée au nom du souverainisme et de la Nation".

"Une deuxième idée clé propagée par le populisme, c'est que l'étude intellectuelle ou scientifique de la société ne sert à rien : les sondages sont imprécis et constituent des manipulations auxquelles se prêtent les médias, affirmation mainte fois répétée et démentie au soir du 23 avril", ajoute-t-il.

Interrogé par Xinhua sur les spécificités du populisme de gauche, Luc Rouban relève que le chef de file de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon se différencie avant tout et profondément de la candidate d'extrême droite Marine Le Pen "sur les questions sociétales". "Un peu sur le terrain économique, mais pas trop", estime-t-il.

"Le libéralisme culturel, l'acceptation de l'autre, de l'immigré, la tolérance sociétale en général, l'éducation, l'homosexualité, la répression pénale...", autant de domaines sur lesquels le positionnement du leader de la France insoumise est très loin de celui du Front national.

"Le niveau de populisme de l'électorat de Jean-Luc Mélenchon est similaire à celui que l'on trouve dans l'électorat de Marine Le Pen. Seuls les électorats des candidats d'En Marche!, de LR et du PS, eux-mêmes assez représentatifs des élites notabiliaires françaises, souscrivent relativement moins à la remise en cause des élus et de la démocratie représentative", relève le politologue.

Mais l'enquête électorale française du CEVIPOF réalisée du 16 au 20 avril montre "à quel point les notions populistes se sont ancrées dans les représentations collectives, combien la critique de la représentation politique et de la professionnalisation des élus est forte", estime Luc Rouban. "Ce n'est pas l'élection très vraisemblable d'Emmanuel Macron qui changera quelque chose à l'affaire", pense-t-il.

"Le niveau moyen de populisme fort ne varie ni en fonction de la situation économique (actif, chômeur, retraité ou inactif) ni de l'appartenance au secteur indépendant, au salariat privé ou public ni en raison de la tranche d'âge. Il dépend, en revanche, du niveau de diplôme et des catégories socioprofessionnelles et du niveau de rejet de la politique professionnelle. Le degré de populisme varie sensiblement selon les électorats et reste associé au niveau de soutien à la construction européenne de leur candidat", résume le politologue.

Cette "poussée du populisme s'observe également, même si dans une moindre mesure, chez des électorats réputés élitistes", observe-t-il.

L'opposition entre les populistes et les "élitistes" se traduit dans le duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron et "réactive la confrontation historique entre les tenants de la démocratie directe et les partisans d'une démocratie libérale laissant une assez grande marge de manœuvre aux représentants dans l'exercice de leur mandat", explique-t-il.

"Elle génère aussi des perceptions assez différentes de la vie politique, les populistes inscrivant plus souvent leur choix politique sur le registre de la colère", ajoute Luc Rouban.

Et le politologue de conclure : "La demande de renouveau politique passe aujourd'hui par une remise en cause générale de la démocratie représentative moderne née des révolutions américaine et française qui implique des mandats non impératifs, des élus compétents formés au métier politique mais aussi une séparation franche entre ce qui relève de l'espace public et ce qui relève de la sphère privée. Cette question va peser lourdement sur le prochain quinquennat".

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
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