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Fukushima : une tragédie toujours en cours que le gouvernement japonais ignore

Xinhua | 20.05.2016 14h10

Toshihide Tsuda, professeur d'épidémiologie environnementale à l'Université d'Okayama (sud), a découvert que le taux d'enfants atteints d'un cancer de la thyroïde dans la préfecture de Fukushima était 20 à 50 fois plus élevé en 2014 que la moyenne nationale, soit trois ans après la catastrophe nucléaire.

Ses découvertes ont été publiées l'an dernier dans l'édition en ligne de la revue de la Société internationale d'épidémiologie environnementale (ISEE), mais a été balayée par les autorités régionales et des experts, ces derniers doutant que les cas soient liés à la catastrophe et attribuant ce pic à un "surdiagnostic".

"A moins qu'on ne vérifie les données sur l'exposition aux radiations, tout lien spécifique entre prévalence du cancer et radiations ne peut être identifié", a ainsi affirmé dans les médias Shiochiro Tsugane, directeur du Centre de recherche sur la prévention et le dépistage du cancer.

Plus de 160 adolescents dans la préfecture de Fukushima ont été diagnostiqués comme atteints du cancer de la thyroïde, cas suspects inclus, depuis que la centrale de Fukushima-Daiichi a été frappée par le tsunami consécutif au séisme massif de mars 2011. Et ce chiffre s'est sans doute accru depuis.

Lors du cinquième anniversaire de la catastrophe, les parents des enfants cancéreux ont créé un groupe de soutien qui a réclamé aux autorités qu'elles leur fournissent des éléments concluants prouvant que le mal dont souffrent leurs enfants n'est pas lié à cette grave crise nucléaire.

L'ISEE a ainsi adressé un message au gouvernement lui suggérant de mener une enquête détaillée et continue sur la santé des habitants de Fukushima. Mais elle n'a reçu aucune réponse, a déploré M. Tsuda qui a exhorté les autorités à faire face aux conséquences du drame.

Certains experts nucléaires se sont également dit surpris de l'attitude irresponsable et indifférente des autorités envers les victimes.

Oleksiy Pasyuk, expert en politique énergétique au Centre écologique national en Ukraine, estime dans un entretien à Xinhua que l'une des principales erreurs des autorités après la catastrophe est de ne pas avoir prévu suffisamment de comprimés d'iode, qui permettent d'absorber les radiations dans le corps.

"Aucun comprimé d'iode n'a été distribué aux riverains de la centrale, qui ont pu être exposés aux radiations. C'est une leçon importante qu'ils auraient dû tirer de Tchernobyl", a souligné M. Pasyuk interrogé le mois dernier à l'occasion du 30e anniversaire de la catastrophe nucléaire qui a frappé la centrale ukrainienne.

La catastrophe de Fukushima est la pire crise depuis celle de Tchernobyl en 1986, mais le gouvernement japonais n'en a pas tiré les leçons.

La direction de la centrale de Fukushima avait été avertie au préalable des risques de défaillance des générateurs d'électricité d'urgence et des systèmes de refroidissement dans cette région sismiquement active, rappelle Olga Kosharna, experte auprès de l'Autorité d'Etat de régulation du nucléaire en Ukraine.

Selon elle, "s'ils avaient eu des ioniseurs à hydrogène ou des ouvertures dans le toit, il n'y aurait pas eu d'explosion ou de radiations aussi graves. Il y a eu des erreurs humaines".

"La mentalité japonaise est axée sur la hiérarchie : chacun attend des instructions de son chef pour agir et ça prend beaucoup de temps. Par ailleurs, il n'y avait pas d'agence nucléaire indépendante chargée d'examiner l'état technique de la centrale et de décider s'il faut arrêter le fonctionnement des réacteurs ou suspendre la licence d'opération", confie-t-elle à Xinhua.

Plus de cinq ans après la pire catastrophe nucléaire depuis trois décennies, le débat sur ses conséquences se poursuit toujours, mais le Premier ministre Shinzo Abe a affirmé à la communauté internationale que la crise était "totalement sous contrôle" lorsque le Japon a présenté en 2013 sa candidature aux Jeux olympiques de 2020.

Il est évident que près de 200 tonnes d'eau hautement contaminée s'écoulent librement chaque jour dans l'océan Pacifique et que l'opérateur de la centrale, Tokyo Electric Power Company (TEPCO), ne peut toujours pas empêcher la fuite d'eau contaminée dans les conteneurs improvisés.

TEPCO a lancé en mars un projet ambitieux visant à geler le sol pour créer un rempart de glace permettant de contenir ces fuites. Mais des médias nippons ont souligné que les effets sont incertains, car un tel projet est sans précédent sur une échelle aussi vaste.

Selon une recherche de l'université de Fukushima, environ 3.500.000 milliards de becquerels de césium-137 ont contaminé le Pacifique depuis le début de la catastrophe et cette matière radioactive a atteint la côte ouest de l'Amérique du Nord.

De plus, une centaine de milliers de personnes évacuées vivent toujours dans des campements temporaires.

En dépit de tous ces troubles provoqués par la crise, le gouvernement japonais se montre pourtant impatient de redémarrer les centrales nucléaires inactives du pays.

La centrale nucléaire de Sendai sur l'île de Kyushu (sud) a rouvert en novembre dernier malgré l'éruption d'un volcan tout proche. Elle se trouve également près de la préfecture de Kumamoto, qui a été frappée par plusieurs forts séismes.

La majorité des Japonais s'opposent au redémarrage des centrales nucléaires, contre 30% qui y sont favorables. Plus de 60% des habitants de la préfecture de Fukushima se disent insatisfaits des mesures prises par le gouvernement pour faire face à la catastrophe nucléaire.

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
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