Plutôt focalisée dans le monde des affaires, la ville méridionale de Guangzhou est bien loin de Beijing, non seulement sur le plan géographique mais également au niveau culturel et linguistique.
D’où la colère des résidents apprenant que les autorités exigeaient le retrait du cantonais de la télévision locale en faveur du mandarin.
Dans l’ensemble du pays, le mandarin, avec ses racines à travers le dialecte du nord de Beijing, est la langue officielle du gouvernement, de l'éducation et des médias.
Pourtant, selon une déclaration en 2013 du ministère de l'Éducation, 30% des Chinois -soit 400 millions de personnes- ne peuvent pas parler le mandarin.
Le cantonais est la langue maternelle de près de la moitié de la population de Guangzhou, la troisième plus grande ville chinoise et la capitale de la province du Guangdong. Pour de nombreuses personnes âgées, le cantonais est leur seule langue.
Néanmoins, selon plusieurs rapports des voisins de Hong Kong, Guangdong TV, le diffuseur officiel de la province, aurait fait part de son intention à partir du 1er septembre de commuter la plupart de sa programmation du cantonais au mandarin.
Sur le continent chinois, les deux dialectes utilisent généralement les mêmes caractères pour les mêmes mots.Se comprenant mutuellement à l’écrit, mais inintelligibles verbalement.
«Je m'oppose à ce changement en faveur du mandarin», a déclaré Huang Yankun, une étudiante de 17 ans, en passant devant le siège de la chaîne de la télévision. «C’est une erreur de vouloir restreindre le dialecte de cette façon».
«La pratique du cantonais est une coutume du Guangdong, c'est une tradition que nous devons soutenir».
Le cantonais est parlé par plus de 60 millions de personnes en Chine, sur un pied d'égalité avec l'italien en termes de nombre de locuteurs natifs.
A Guangzhou, certains s'inquiètent du fait que les jeunes et leurs parents se concentrent plus sur le mandarin pour des raisons académiques ou professionnelles, et de voir la langue cantonaise passer à la trappe.
«Beaucoup d’enfants ne parlent que le chinois mandarin à l'école», a fait observer Huang Xiaoyu, 28 ans, travaillant dans les médias. «A la maison, leur mère leur parle en cantonais, mais les enfants répondent en mandarin.
«Aujourd’hui, les plus jeunes utilisent rarement le cantonais. Les personnes âgées rencontrant des difficultés pour communiquer avec leurs petits-enfants».
Un porte-parole de la télévision locale a affirmé ne pas être au courant de tout changement à venir.
Le Guangdong, la province chinoise la plus riche, attire des migrants de tout le pays, et ils sont nombreux à soutenir le projet de la chaîne locale.
Agée de 58 ans, une femme répondant au nom de Yang, habitant la province du Shandong a confié: «Je ne comprends pas un mot de cantonais, c'est bien gênant. Par contre, Tout le monde peut comprendre le mandarin, cette langue étant très répandue !».
Zhang Yiyi, 72 ans, qui fut professeur de français dans la province de Nanjing, Jiangsu, vit à Guangzhou depuis 1988.
«Je parle le mandarin, je suis professeur. Dans le domaine scolaire et l’éducation, nous utilisons le mandarin, le cantonais étant un dialecte régional».
Le chinois cantonais a une plus grande gamme de tons, ainsi qu’un ton saccadé pour une oreille occidentale inculte.
Pour l’activiste cantonais et éditeur Lao Zhenyu ce dialecte a une riche sonorité».
«Le cantonais est une langue plus profonde, avec plus de mille ans d'histoire, contre seulement cent ans pour le mandarin. Quand nous lisons des poèmes anciens en cantonais, nous constatons qu'ils riment encore. Ce dialecte a également un vocabulaire plus riche ainsi que des expressions plus vives».
«Cependant, cette langue devient de plus en plus marginalisée. Le cantonais n'est pas seulement un dialecte, pour les locuteurs natifs, mais fait partie intégrante de notre identité».