Certains agents de l'Agence centrale du renseignement des Etats-Unis (CIA) ont eu recours à des techniques brutales sur des terroristes présumés et rien ne prouve que des informations utiles ont été obtenues grâce à ces interrogatoires, a déclaré jeudi le directeur de la CIA, John Brennan.
Lors d'une conférence de presse exceptionnelle retransmise à la télévision au siège de la CIA à Langley, en Virginie, M. Brennan a reconnu que des agents avaient eu recours à des pratiques "non autorisées" et "abjectes" et a indiqué qu'il était "impossible de savoir" si ces "techniques d'interrogatoire renforcées" avaient permis d'obtenir des informations clés.
"Nous n'avons pas fait en sorte que certains agents répondent de leurs actes comme nous l'aurions dû", a-t-il déclaré avant d'ajouter que l'usage de méthodes coercitives était fortement susceptible de conduire à l'obtention d'informations erronées, car "si quelqu'un est soumis à un ensemble de techniques, il dira quelque chose pour que cela s'arrête".
"De nombreuses études ont été menées depuis des années sur la valeur des différents types de méthodes d'interrogatoire ou sur l'intérêt des méthodes coercitives pour l'obtention d'informations utiles ne pouvant être obtenues autrement", a noté le directeur de la CIA.
M. Brennan a toutefois affirmé que la CIA "avait majoritairement agi convenablement" alors qu'il n'était pas facile d'obtenir des réponses et a souligné que les agents de la CIA avaient agi sous les ordres de l'administration Bush, qui avait légalisé les techniques brutales.
Les regards se sont tournés vers la CIA depuis la publication mardi d'un rapport de la Commission du renseignement du Sénat, qui expose les méthodes d'interrogatoire brutales de l'agence depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur le territoire américain.
Parmi les méthodes dénoncées figurent la simulation de noyade, les menaces d'agression sexuelle et la privation de sommeil, des techniques largement inefficaces et mal gérées selon le rapport.
Ces révélations ont suscité l'indignation de la communauté internationale, qui a demandé que justice soit faite.
Juan Mendez, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a déclaré que l'usage de la torture dans les interrogatoires de détenus emprisonnés lors de la "guerre contre le terrorisme" des Etats-Unis avait corrompu les hautes valeurs morales du pays et fait reculer la lutte mondiale contre ces pratiques condamnables.
"L'exemple donné par les Etats-Unis dans l'usage de la torture a été un grand retour en arrière dans la lutte contre cette pratique dans de nombreux pays à travers le monde", a-t-il indiqué.
"Nous avons perdu une petite partie de notre supériorité morale", a déclaré M. Mendez avant d'ajouter : "Mais nous pouvons et devons la récupérer". Le rapporteur spécial a indiqué que les programmes de torture avaient aggravé le phénomène du terrorisme et favorisé son expansion.
"En tant que nation qui affirme publiquement que le respect de la vérité favorise le respect de l'Etat de droit, et en tant que nation qui appelle fréquemment les autres pays à la transparence et à la responsabilisation, les Etats-Unis doivent s'efforcer d'être à la hauteur des critères qu'ils ont définis pour eux-mêmes et pour les autres", a déclaré M. Mendez.