La Russie a coupé lundi l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine, après que les deux pays ont échoué à parvenir à un accord sur le sujet alors que les tensions montent depuis le début de la crise qui a commencé il y a plusieurs mois.
La Russie a déclaré que Kiev avait raté lundi la date butoir avant laquelle l'Ukraine devait rembourser sa facture impayée de l'ordre de 1,95 milliard de dollars. L'Ukraine doit dorénavant payer ses factures de gaz à l'avance si elle souhaite être approvisionnée.
Les tensions entre les deux républiques voisines de l'ex-URSS ont dégénéré le week-end dernier après que des activistes en Ukraine ont abattu un avion militaire. Le président ukrainien Petro Porochenko a déclaré lundi avoir ordonné à l'armée ukrainienne de reprendre le contrôle de la frontière avec la Russie pour ouvrir la voie aux pourparlers sur la trêve et la paix.
Le refus de l'ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch de signer un accord d'intégration économique à l'UE a déclenché plusieurs mois de manifestations dans les rues ukrainiennes. La crise a conduit à l'évincement de M. Ianoukovitch, qui a fui en Russie en février dernier.
La Crimée, une péninsule du sud de l'Ukraine, a été rattachée à la Russie après un référendum tenu à la mi-mars, et par la suite des groupes d'activistes des régions de Donetsk et de Lougansk, dans l'est de l'Ukraine, ont également proclamé leur indépendance vis-à-vis de Kiev.
Kiev a accusé la Russie de soutenir les activités séparatistes dans le sud et l'est de l'Ukraine, une accusation rejetée toutefois par Moscou.
Parallèlement, le géant énergétique russe Gazprom a déclaré qu'il couperait le gaz à l'Ukraine et introduirait un système de prépaiement en raison des non-paiements chroniques de l'entreprise gazière publique ukainienne Naftogaz.
Cette décision est entrée en vigueur lundi à 10h00 heure de Moscou (06h00 GMT), quelques heures après la fin des négociations infructueuses dans la nuit de dimanche à lundi entre les représentants de la Russie, de l'Ukraine et de l'Union européenne.
Kiev souhaite payer 268,5 dollars les 1.000 mètres cubes de gaz -- le tarif que la Russie lui avait proposé pendant que M. Ianoukovitch était au pouvoir. La semaine dernière, l'Ukraine a accepté le tarif de 326 dollars pour une période provisoire en attendant la conclusion d'un accord sur le long terme.
Cependant, Moscou a cherché à maintenir le tarif au niveau contractuel de 2009, soit 485 dollars les 1.000 mètres cubes, avant d'offrir une réduction à 385 dollars.
Le Commissaire de l'Union européenne chargé de l'énergie, Günther Oettinger, a déclaré que Moscou avait refusé un compromis en vertu duquel Kiev verserait immédiatement un milliard de dollars avant d'honorer ensuite des paiements mensuels à Gazprom. Cette proposition prévoit un tarif de 385 dollars les 1.000 mètres cubes en hiver et d'environ 300 dollars en été.
Le PDG de Gazprom, Alexeï Miller, a déclaré aux journalistes qu'il ne suffirait plus à Kiev de payer une partie de sa dette pour que l'approvisionnement en gaz reprenne. L'Ukraine doit maintenant régler sa dette totale établie à 4,45 milliards de dollars et payer à l'avance pour le gaz livré pendant un mois, a-t-il souligné.
Ces nouveaux termes semblent quasiment impossibles à honorer pour l'Ukraine, dont l'économie a été lourdement frappée par la crise qui perdure.
Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a accusé la Russie d'avoir délibérément fait obstacle à un accord afin d'entraîner des problèmes d'approvisionnement à Kiev pour l'hiver prochain, au moment où les températures chutent et que les besoins en chauffage augmentent.
Par ailleurs, M. Iatseniouk a également relié la décision russe à des manoeuvres politiques. "C'est encore une autre manoeuvre contre l'Etat ukrainien et contre l'indépendance ukrainienne", a-t-il affirmé.
En revanche, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a accusé une partie du leadership ukrainienne de s'être déconnectée de la réalité, citant en exemple le refus de son homologue ukrainien d'accepter le tarif préférentiel offert auparavant par la Russie, ainsi que le comportement "paranoïaque" du ministre ukrainien des Affaires étrangères Andrii Dechtchitsa, qui a tenu des propos insultants à l'encontre du président russe Vladimir Poutine le week-end dernier.
M. Medvedev a déclaré toutefois que la Russie restait toujours ouverte au dialogue.
"Si nos collègues en Ukraine commencent à mieux écouter (notre) raisonnement (et) reviennent à une discussion (...) sur les offres (...) très préférentielles faites par la Russie, je pense que nous serons prêts à poursuivre les pourparlers", a-t-il indiqué, avant de préciser : "Mais bien sûr, c'est à condition que la dette soit réglée dans son intégralité".
Gazprom a déclaré avoir intenté un procès à la Cour d'arbitrage de Stockholm demandant à Naftogaz de rembourser la dette gazière, mais la compagnie ukrainienne a déclaré à son tour avoir elle aussi porté plainte à la même Cour pour contester le tarif proposé par Gazprom.