Dernière mise à jour à 09h06 le 15/11
Le portable à l'école... vaste sujet en vérité, qui préoccupe de nombreux parents et enseignants du monde entier, et en ce sens, la Chine comme la France ne font naturellement pas exception. Je serais même tenté de dire surtout la Chine, tant il est vrai que ce petit appareil occupe une place de choix, et c'est un euphémisme, dans la vie des Chinois. Qu'on y songe : il y a en Chine plus de téléphones que d'habitants, c'est à dire que, même si on part du principe que certaines personnes en ont plusieurs, presque tout le monde a aujourd'hui un portable, y compris les plus jeunes.
Tous les étrangers qui vont en Chine ou qui y habitent sont -entre autres- frappés par une chose, l'omniprésence de ce petit dispositif, que les Chinois consultent vraiment partout et n'importe quand, en marchant dans la rue, au restaurant, dans les transports et jusque dans les toilettes (si, si...), ce qui fait dire à certaines mauvaises langues, à moins que ces personnes soient observatrices, qu'aujourd'hui, un Chinois sans son portable est littéralement perdu, ou pire, qu'un Chinois sans son portable n'est pas vraiment un Chinois...
Le fait est que la Chine a pris une avance considérable sur la plupart des pays du monde dans l'usage qu'on fait de cet engin, puisqu'on peut presque tout faire avec, prendre les transports, réserver une table, payer ses emplettes, virer de l'argent et bien d'autres choses encore, même téléphoner... ce pour quoi le portable a d'abord été conçu. Trêve de plaisanteries, reconnaissons que tout ce que peut vous permettre cet engin en Chine est rudement pratique, trop peut-être, au point que leurs possesseurs sont devenus de véritables esclaves de leur portable, même et surtout les jeunes, et c'est bien là que le bât blesse.
Car si pour les gens d'un certain âge le portable est fort commode, nous savons tout de même nous en passer (quoique, à bien y réfléchir... certains adultes sont aussi accro que les jeunes), mais les élèves et étudiants ? Ils sont pour ainsi dire nés avec, en avoir un leur semble naturel, ne pas en avoir un impensable, et cela même à l'école. Le fait est que savoir que leur progéniture peut être jointe n'importe ou et n'importe rassure aussi les parents, oubliant au passage que quand eux-mêmes étaient enfants, il n'y avait pas de portables, et ça ne dérangeait pas leurs parents outre mesure. Fort heureusement cependant, en Chine, la plupart des écoles, si elles autorisent le portable, passé les portes il est en général interdit de les utiliser, même si d'autres sont beaucoup plus libérales et d'autres infiniment plus strictes puisqu'elles vont jusqu'à l'interdire tout court, les contrevenants risquant rien moins que la confiscation jusqu'à la fin de l'année scolaire. Bref, vous l'aurez compris, en Chine, on voit un peu de tout, et qu'on me permette de dire qu'il serait peut-être bon de mettre un peu d'ordre là-dedans.
En France, les choses sont plus claires : depuis 2018, la loi a tranché, et, sous prétexte de lutter contre « les mauvais usages » des portables, tels que le cyber-harcèlement, la consultation de sites pornographiques ou l'addiction aux écrans, depuis la rentrée 2019, les portables sont interdits dans les écoles et les collèges, « à l'exception des lieux où, dans les conditions qu'il précise, le règlement intérieur l'autorise expressément ». A partir du lycée, et bien évidemment à l'université, les choses sont différentes. Auparavant, la loi permettait déjà aux directeurs d'établissement de bannir les portables de l'enceinte de l'école, mais c'était une exception à la règle, alors qu'aujourd'hui c'est une norme. Avec un gros défaut, c'est que la loi n'aborde pas le problème de la sanction. Ordinairement, les professeurs confisquent le portable des coupables, qui devront ensuite aller le chercher auprès du conseiller principal à l'éducation après s'être fait taper sur les doigts, sachant aussi que la confiscation est illégale, puisque non prévue dans la loi...
En Chine, un récent sondage a montré que nombre de parents préféreraient des portables spécifiquement conçus pour les jeunes, qui permettraient justement de lutter contre ces fameux « mauvais usages » auxquels en France la loi prétend répondre. L'idée est, je l'avoue, séduisante et mériterait d'être creusée. Nul doute que le fabricant qui serait le premier à proposer ce genre d'appareil aurait trouvé là une fameuse martingale propre à faire exploser son chiffre d'affaires, car il y a fort à parier que pareil téléphone se vendrait comme des petits pains dans le monde entier. Personnellement, je trouve le principe du portable spécialement conçu pour les jeunes meilleur que la loi, d'autant plus encore si elle est imparfaite comme celle qui a été adoptée en France.
Alors, de la loi répressive ou du téléphone spécial, quelle sera la solution la plus répandue et la plus efficace ? L'avenir nous le dira sans doute, mais de toute façon, en Chine comme en France ou ailleurs, chacun s'accorde pour dire qu'une limitation de l'usage du portable à l'école est nécessaire. N'oublions pas non plus que légiférer ou proposer des téléphones bridés est aussi en soi une sorte d'aveu d'échec, dont les parents sont les premiers responsables, même s'ils refusent de l'admettre. Il est un peu trop facile de ne pas assumer ses responsabilités et de se défausser sur l'État ou les fabricants. Car allez expliquer à un jeune qu'il ne doit pas utiliser un portable à l'école alors qu'il voit ses parents ou les autres adultes utiliser le leur vraiment n'importe où et n'importe quand, bien souvent au-delà du raisonnable. Bref, vous l'aurez compris, le problème du portable à l'école est avant tout une affaire d'éducation et d'exemple donné par les parents, dont chacun sait que leurs enfants ont tendance à les imiter. Autrement dit, la partie n'est pas gagnée, mais ça, c'est une autre histoire...
Par Laurent Devaux