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Pourquoi les entreprises familiales japonaises osent laisser leurs enfants prendre la suite

le Quotidien du Peuple en ligne | 22.09.2015 16h22

Pourquoi les entreprises centenaires sont-elles si nombreuses au Japon ? Comment le Japon parvient-il à assurer ainsi la continuité des entreprises ? En fait, les entreprises japonaises et les entreprises chinoises sont très différentes, tant en termes d'environnement que de style de travail.

Des « entreprises tournées vers l'économie » et des « entreprises tournées vers la vie »

Si l'on veut distinguer les entreprises avec des mots simples, on peut dire qu'il y a d'une part des entreprises tournées vers l'économie et d'autre part des entreprises tournées vers la vie. Nous pouvons dire que les entreprises chinoises sont le plus souvent à vocation économique ; c'est une philosophie plutôt liée à un certain nombre d'expériences de gestion de type occidental et américano-européen. En revanche, la plupart des entreprises japonaises pourraient elles être classées en tant qu'entreprises orientées sur la vie. En quoi ces deux types de sociétés sont-elles différentes?

Pour les entreprises tournées vers l'économie, le but principal est de maximiser les bénéfices de la société et la relation entre les employés et l'entreprise est un accord, autrement dit une relation contractuelle. Pour les entreprises orientées vers la vie, s'agissant de leurs activités et de leurs bénéfices, la maximisation du profit de l'entreprise n'est pas le but recherché, pas plus qu'une maximisation du profit à court terme. Ce qui compte, c'est un processus de développement à long terme et qui dure. Le lien entre les employés et l'entreprise ne constitue pas une simple relation contractuelle, mais une relation d'alliance. Dans le cadre de ce pacte, les employés et l'entreprise constituent une famille, une sorte de corps vivant ou une communauté d'intérêts.

Bien sûr, pour une entreprise, parvenir à l'âge de 100 ans est une chose extrêmement difficile ; tout comme pour les êtres humains, il est difficile d'échapper à son sort et à son déclin. Même parmi les 100 meilleures entreprises du monde, l'espérance de vie moyenne est seulement d'environ 30 ans.

En 1996, le journal Nihon Keizai Shimbun, le quotidien économique japonais de référence, a mené une enquête sur 80 000 entreprises. Les résultats de l'enquête ont montré qu'un an après la création d'une société, 60% existaient encore, environ 15% après cinq ans, 0,39% après vingt ans, et seulement 0,025% après trente ans.

En d'autres termes, la grande majorité des entreprises, y compris les entreprises japonaises, a quasiment disparu après trois ans. On peut dire que pour une entreprise, sans même parler d'un siècle, arriver à tenir plus de trois décennies est une chose très difficile.

Sur un total de 4,2 millions d'entreprises japonaises, combien comptent finalement une centaine d'années ? Dans son ouvrage intitulé « Recherche sur les vieilles entreprises » (老舗企業の研究), un professeur à l'Université japonaise d'économie estime que le nombre réel des entreprises japonaises qui atteint une centaine d'années dépasse les 100 000.

De son côté, la Banque de Corée a publié en 2008 un rapport intitulé « Secrets et révélations sur la longévité des entreprises japonaises ». Dans ce rapport, elle souligne que, dans le monde entier, il y a probablement un peu plus de 5 000 entreprises de 200 ans, sur lesquelles il y a un peu plus de 3 000 sociétés japonaises, soit 60% du total. Sur le plan mondial, ce grand nombre d'entreprises japonaises centenaires est une chose très inhabituelle.

Alors comment une entreprise peut-elle durer une centaine d'années ?

Selon Arie de Geus, l'ancien patron de la société Shell, à qui l'on doit le concept d'« organisation apprenante », il y a quatre conditions qui peuvent permettre à une entreprise d'atteindre une certaine longévité :

Premièrement, les entreprises doivent être très sensibles et très avisées face aux changements d'environnement, ce qui veut dire pouvoir s'adapter rapidement à ces changements.

Deuxièmement, l'ensemble de l'entreprise doit avoir un haut degré de cohésion et d'identité.

Troisièmement, la politique financière de l'entreprise doit être plutôt conservatrice. Car non seulement le manque de crédibilité dans les premiers temps du démarrage de l'entreprise rend difficile l'obtention de prêts, mais quand l'entreprise devient mature, elle ne doit pas se lancer dans une expansion aveugle, parce que celle-ci risque alors de se transformer en tournant fatal et en étincelle qui met le feu aux poudres, provoquant la banqueroute. À son avis, une stratégie financière prudente est la condition première pour l'expansion et la maturité d'une entreprise.

Quatrièmement, il doit y avoir un degré élevé de tolérance, à savoir que la relation entre les employés et leur président doit témoigner d'une intégration très forte.

Entreprises centenaires : l'expérience très particulière du Japon

Ces expériences de mondialisation montrent que, en fait, elles sont très cohérentes avec les pratiques d'affaires japonaises. Mais outre ces expériences communes, quelle expérience très spéciale possède le Japon ?

La première raison est que, si une entreprise veut pouvoir durer une centaine d'années, la première chose est d'en assurer une transmission de qualité. En général, les entreprises qui atteignent une centaine d'années sont passées par quatre ou cinq, tout au moins trois, générations. Si un entrepreneur n'a pas à l'esprit l'idée de vie et de mort, alors il sera impossible de créer une entreprise qui dure un siècle.

Au Japon, les entreprises familiales représentent plus de 99%, mais s'agissant de la notion de famille, la compréhension qu'on en a en Chine et au Japon est très différente, et quand on parle de l'aspect héritage de la propriété familiale, en Chine, la richesse familiale sera presque toujours partagée entre tous les enfants. Le Japon, en revanche, présente généralement un caractère plus unique. Le plus souvent, c'est l'aîné qui hérite, les autres enfants pouvant recevoir des fonds fournis par la société familiale, pour leur permettre de créer leur propre entreprise. En d'autres termes, quand les Chinois « familiarisent » l'entreprise, qu'elle devient en quelque sorte un accessoire de la parenté, les Japonais considèrent plus l'entreprise comme une communauté commerciale ou de vie, et les membres de la famille ne sont que des accessoires de cette communauté.

La deuxième raison est que les entreprises japonaises sont d'un tempérament artisan, tandis que le caractère des Chinois est celui d'hommes d'affaires.

La troisième enfin, c'est que le fait que les entreprises japonaises puissent atteindre une centaine d'années est un aspect très important, c'est la philosophie de l'entreprise. Au Japon, presque toutes les bonnes entreprises ont une très forte philosophie, elles définissent un fondateur de cette philosophie, les générations suivantes continuent à la renforcer, et on se demande toujours si ce qui sera fait dans l'avenir sera ou ne sera pas en ligne avec cette philosophie. Ils sont toujours dans une position d'introspection. Et c'est seulement avec une telle approche que l'on peut réussir à faire durer une entreprise pendant un siècle.

Cai Chengping 

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Yin GAO)
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