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L'incroyable « Musée de la merde » de Castelbosco, en Italie

le Quotidien du Peuple en ligne | 08.04.2017 09h36

L'idée peut sans doute paraître étrange, voire répugnante, mais le « Musée de la Merde » -c'est officiellement son nom- situé dans le Nord de l'Italie est pourtant un endroit qui connaît le succès et c'est une entreprise tout ce qu'il y a de plus sérieuse et écologique : ici, à Castelbosco, les agriculteurs transforment les bouses de vache en assiettes dans lesquelles vous pouvez manger. Tout a commencé dans une grande ferme à une centaine de kilomètres au Sud de Milan. Son exploitant avait non seulement des centaines de vaches, mais aussi de véritables montagnes d'excréments nauséabonds dont il s'est dit un jour qu'on devait pouvoir en faire quelque chose.

« L'idée est venue de la nécessité de profiter du fumier animal d'une manière écologique. Nous avons réussi à le transformer en quelque chose d'utile », a déclaré cet agriculteur, Gianantonio Locatelli, 61 ans, à l'AFP. Sur ses différentes fermes, 3 500 bovins produisent 55 tonnes de lait par jour pour faire le Grana Padano, un fromage dur comparable au célèbre Parmigiano Reggiano. Mais les bovins génèrent également 15 tonnes de déchets. Plutôt que de s'apitoyer sur ce problème, Gianantonio Locatelli a mis au point une manière ingénieuse d'utiliser cette matière pour le moins délicate. Les excréments sont recueillis dans des appareils appelés « digesteurs de sécrétions », des cuves immenses où les bactéries transforment tout ce qui est organique en méthane. Le méthane est ensuite brûlé pour produire de l'électricité, qui est vendu par la ferme. La production quotidienne de matières fécales produit 3 mégawatts par heure, assez pour allumer les lumières d'un village de 3 000 à 4 000 habitants.

L'eau utilisée pour refroidir les moteurs chauffe à 100 degrés Celsius, une chaleur qui est ensuite utilisée pour réchauffer la ferme, les écuries et les digesteurs, qui doivent être constamment maintenus à 40 degrés. Une partie du fumier laissé après que les bactéries ont fait leur travail est ensuite utilisé comme engrais, qui sera bientôt vendu sous la marque « Merdame » dans les supermarchés. Mais le produit qui a le plus de succès, et le plus sophistiqué, est la ligne de vaisselle et les objets de tous les jours créés à partir des selles restantes, surnommées « merdacotta » - littéralement « merde cuite au four », un jeu de mots sur le terme anglais qui désigne la terre cuite, « terracotta ». La recette ? De la bouse de vache mélangée à de l'argile toscane et améliorée avec « une petite touche secrète » -une formule que Gianantonio Locatelli protège farouchement- pour fabriquer des briques, des carreaux hexagonaux et rectangulaires, des pots de fleurs, des assiettes ou des pots. Les créations simples de Merdacotta, simples et aux formes épurées, sont « un produit révolutionnaire ... à mi-chemin entre le plastique et la terre cuite », déclare l'agriculteur.

Les objets jouent un rôle de premier plan dans le musée, qui a été fondé sur une des fermes en 2005 et a comme logo un dendroctone, cette créature à six pattes qui utilise des billes de fumier comme source de nourriture et chambre de reproduction. Le musée possède également des œuvres d'art, qui vont de peintures faites à base d'excréments liquides, à un extrait du film de Luis Buñuel « The Phantom of Liberty ». Conçu avec l'architecte Luca Cipelletti, il vise à capturer la philosophie d'un agriculteur amoureux de l'art qui a étudié l'agriculture au Canada et a côtoyé Andy Warhol à New York avant de devenir un collectionneur amateur de travaux conceptuels. « Les excréments sont perçus comme quelque chose de vulgaire, nauséabond, comme la matière la plus ignoble », déclare Gianantonio Locatelli, qui a l'intention de « réhabiliter le mot et de changer l'opinion qu'en ont les gens ».

La collection Merdacotta a remporté un prix lors de la Soirée du design de Milan de l'année dernière, ce qui justifie son pari de « transformer la merde en quelque chose de gracieux », dit-il. Et alors que de si nombreuses fermes ont été frappées ces dernières années par une forte baisse du prix du lait, Gianantonio Locatelli affirme lui pouvoir compter sur sa marge de manœuvre inhabituelle pour maintenir ses affaires dynamiques. Pour cela, « je ne peux que remercier la merde », a-t-il dit dans un rire malicieux.

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
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