Par Sheng Wang
L'anglais occupe toujours une place incontournable dans de nombreux domaines en Chine, surtout depuis la mise en œuvre de la politique d'ouverture de la Chine vers l'extérieur en 1978. Beaucoup de mes amis voulaient connaître les raisons pour lesquelles j'ai opté pour l'apprentissage de la langue française. Car dans ma toute petite ville natale et son environnement immédiat, je n'ai pas souvenance d'avoir croisé des individus qui échangent dans cette langue ou qui la parlent. Si l'un ou l'autre de ces locuteurs vit dans ces régions, ils sont une denrée très rare et doivent être bien isolés sans pouvoir utiliser le français en échangeant avec d'autres alors qu'ils doivent pouvoir s'exprimer dans la langue de Molière.
Mon premier contact avec la langue française s'est fait alors que j'étais au collège. A travers un programme de rencontres étudiantes auxquelles participait mon école, j'ai fait la connaissance de Natacha, une adolescente française qui avait le même âge que moi. Depuis, nous avons initié une correspondance écrite et entamé des échanges de photos et d'autres petits souvenirs représentatifs de nos deux pays. A l'époque, l'internet n'était pas comme aujourd'hui aussi accessible et le tarif des appels téléphoniques était très élevé. Les échanges épistolaires qui se faisaient par la poste devenaient notre unique moyen de communication. Il faut souligner que toutes nos lettres étaient rédigées en anglais. A ce moment-là, je ne connaissais aucun mot de français et la France était pour moi un pays tellement éloigné que je n'avais jamais imaginé que je pouvais un jour m'exprimer dans cette langue. A travers ses missives Natacha me décrivait la culture de son pays, m'initiait à la gastronomie et me présentait différents monuments qu'on retrouve dans l'hexagone. J'ai pu ainsi développer une affection particulière pour la France. Suite à ma réussite à l'examen national d'entrée à l'université, j'ai choisi sans hésitation le français comme premier choix. La raison en était assez évidente, pouvoir communiquer avec ma correspondante française dans sa langue maternelle.
Comme la plupart des diplômés chinois en langue française, j'ai obtenu un contrat de travail dans une société nationale chinoise qui s'occupait de la construction de l'Autoroute Est-Ouest en Algérie. Il s'agissait d'un très grand projet chinois d'outre-mer à ce moment-là. J'ai été très fier d'y participer et de fournir ma modeste contribution au développement des infrastructures de ce pays du Maghreb dont l'accueil s'est montré très hospitalier vis-à-vis les Chinois. J'ai encore en mémoire cette fin de semaine où mon camarade algérien Mohamed me faisait découvrir et visiter Notre Dame d'Afrique, une ancienne cathédrale située en haut de la capitale Alger. Alors que j'étais encore fasciné par l'aspect grandiose et la beauté de cette architecture construite à l'époque de la colonisation française, Mohamed me faisait part qu'il fallait aussi visiter, quand l'occasion se présentera, le pendant de cette cathédrale qui se situe sur l'autre rive de la Méditerranée dans le midi de la France à Marseille. Je me disais que oui, j'rai en France.
Dans les faits, trois ans plus tard j'ai pu enfin débarquer sur le territoire de l'Hexagone. A l'automne 2013, alors que je me promenais sur les Champs-Élysées et lors d'une excursion en bateau sur la Seine, je voyais se dérouler sous mes yeux les monuments historiques que je connaissais déjà sur le bout des doigts à travers les manuels scolaires, les reportages télévisés, les courriers de Natacha et aussi dans mes rêves d'adolescents il y longtemps déjà. Et je les contemplais de visu. Ils s'érigeaient là devant moi, imposants, majestueux, éclairants et lumineux. Je les croquais sur le vif, du bonheur pur pour l'âme et les yeux.
Si c'est un pur hasard qui a été à l'origine de mon apprentissage du français, j'ose dire que c'est plutôt le destin qui m'a conduit à cette rencontre avec cette langue. Grâce au français, j'ai eu l'opportunité de sortir de la Chine pour faire connaissance avec d'autres réalités enrichissantes; grâce au français, j'ai pu voyager dans plusieurs pays francophones, comme l'Algérie, le Bénin, le Togo, le Niger; grâce au français, j'ai pu connaître de manière plus approfondie la France, qui reste pour toujours une icône culturelle, avant-gardiste en mode et pionnier technologique dans le monde.