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La Chine resserre les mailles du filet dans sa lutte contre la corruption

le Quotidien du Peuple en ligne | 05.08.2019 13h14

Selon Yang Xiuzhu, une prisonnière originaire de la province du Zhejiang (est de la Chine), les gens auraient du mal à imaginer l'amertume et la solitude dont elle a fait l'expérience en tant que fugitive à l'étranger. Aujourd'hui âgée de 72 ans, celle qui fut ancienne maire adjointe de Wenzhou, dans la province du Zhejiang, avait fui la Chine en 2003. Elle a été accusée de corruption et d'avoir détourné environ 250 millions de yuans (36,3 millions de dollars) pour son usage personnel.

En 2015, elle figurait au premier rang des 100 principaux suspects de corruption en Chine pour lesquels des avis rouges avaient été émis par Interpol. Elle est ensuite retournée en Chine pour plaider coupable en novembre 2016. Un avis rouge est une demande d'arrestation et d'extradition émise par un pays à l'encontre d'un de ses ressortissants contre qui il a lui-même déjà émis un mandat d'arrêt.

« L'environnement en dehors de la Chine continentale était étrange et la solitude était accablante », a-t-elle déclaré, ajoutant qu'elle a travaillé dans des restaurants chinois rien que pour pouvoir parler avec les serveurs dans son dialecte natif de Wenzhou. « Je voulais juste trouver un endroit pour parler chinois », a-t-elle expliqué.

Yang Xiuzhu, ancienne maire adjointe de Wenzhou, dans la province du Zhejiang (est de la Chine), a été condamnée à huit ans de prison en 2017 pour détournement de fonds et corruption. (Photo / Xinhua)

Elle a d'abord fui la partie continentale de la Chine pour Hong Kong, puis à Singapour, en France, aux Pays-Bas, en Italie, au Canada et aux États-Unis.

Yang Xiuzhu s'est finalement réfugiée aux Pays-Bas, où elle est restée 11 ans. La police néerlandaise l'a arrêtée en 2014 pour immigration clandestine, mais elle a réussi à s'enfuir au Canada en utilisant une fausse identité et un faux passeport. Elle a ensuite pris un train pour se rendre aux États-Unis, où elle a été arrêtée pour avoir utilisé de faux documents, mais elle a interjeté appel et y a demandé l'asile.

Alors qu'elle se trouvait aux Pays-Bas, elle s'est accidentellement blessée. « J'ai pris des analgésiques pendant un mois, mais j'avais toujours très mal. Un médecin de famille m'a alors demandé de passer à l'hôpital pour une radiographie. Il m'a révélé que j'avais une côte cassée et qu'une nouvelle côte avait grandi dans l'ancienne juste en l'espace d'un mois », se souvient-elle.

Jiang Lei, ancien vice-président exécutif de l'Association chinoise des constructeurs automobiles, est escorté par des policiers à l'aéroport international de Beijing Capitale le 26 juillet après son retour en Chine pour y répondre à des accusations de corruption. (Photo / Xinhua)

Pendant sa détention aux États-Unis, elle a développé une cataracte et a été transférée dans une autre prison. « Je me sentais impuissante et désespérée, alors j'ai finalement décidé de rentrer en Chine », a-t-elle déclaré.

En octobre 2017, après avoir été reconnue coupable de détournement de fonds et de corruption, elle a été condamnée à huit ans de prison et à une amende de 800 000 yuans (environ 116 000 dollars) par le tribunal populaire intermédiaire de la province du Zhejiang.

Evoquant les autres fugitifs, Yang Xiuzhu a déclaré : « Leur seul choix est de revenir et de demander une peine plus légère, plutôt que de vivre avec anxiété dans la clandestinité ».

Xu Chaofan, ancien directeur d'une sous-branche de la Banque de Chine ayant fui aux États-Unis, arrive le 31 juillet à Beijing. (Photo / Xinhua)

Yang Xiuzhu fait partie des 6 000 fugitifs économiques extradés, rapatriés ou persuadés de rentrer en Chine pour y faire face à un procès de plus de 120 pays et régions depuis 2014, lorsque la Chine a lancé la campagne « Opération Filet Céleste » pour cibler les fugitifs et saisir leurs avoirs acquis malhonnêtement.

Selon la Commission nationale de supervision, les responsables chinois chargés de la lutte contre la corruption ont confisqué et renvoyé un total de 4,7 milliards de yuans d'« argent sale » de l'étranger.

Au cours des cinq dernières années, la Chine a fait de grands progrès en matière d'arrestation des fugitifs et de restitution de leurs avoirs illicites. Les autorités de lutte contre la corruption ont depuis étendu leur surveillance aux fonctionnaires, aux directeurs d'entreprises et d'institutions financières appartenant à l'État afin d'empêcher leur corruption et leur fuite à l'étranger.

« Sous la direction du Comité central du PCC, nous avons constaté d'importants progrès dans la capture des fugitifs économiques et la confiscation de leurs fonds acquis malhonnêtement au cours des cinq dernières années », a déclaré Cai Wei, directeur adjoint du Bureau de la coopération internationale, responsable devant la Commission nationale de supervision.

« Nous avons coupé les voies de fuite des suspects et leur avons donné peu de marge de manœuvre pour se déplacer hors de Chine. Nous avons également changé leur conception de la fuite à l'étranger, posant ainsi les bases solides d'une victoire écrasante dans la lutte contre la corruption », a-t-il ajouté.

Un mécanisme efficace

Il y a plus de cinq ans, un certain nombre de responsables et de directeurs corrompus de sociétés publiques ont profité des divergences judiciaires et de l'absence de traités bilatéraux d'extradition pour s'enfuir vers des destinations occidentales prisées, notamment les États-Unis, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour échapper à leur châtiment.

Ils ont envoyé des millions de yuans d'actifs illicites sur leurs comptes à l'étranger par le biais du blanchiment d'argent. À ce jour, plus de 900 responsables corrompus sont toujours en fuite à l'étranger, en particulier dans les pays occidentaux.

En 2014, la Chine a créé un bureau chargé de coordonner les efforts de lutte contre la corruption afin de renforcer la chasse aux fugitifs économiques et de récupérer les fonds acquis malhonnêtement.

« Où que les suspects puissent fuir, nous les capturerons et les traduirons en justice », a annoncé le président Xi Jinping en octobre 2017 lors du 19e Congrès national du Parti communiste chinois.

Xi Jinping a également déclaré à plusieurs reprises que « la Chine renforcera la coopération judiciaire avec d'autres pays afin de lutter contre la corruption transfrontalière et d'éviter qu'ils ne deviennent des "refuges" pour les fugitifs ».

En avril 2015, le bureau a comptabilisé l'émission de fiches rouges d'Interpol concernant 100 des principaux suspects de corruption chinois. À ce jour, 59 d'entre eux sont revenus de plus de 17 pays et régions, dont le dernier en date est Liu Baofeng, ancien directeur d'une succursale locale de Huatai Securities à Shenzhen, dans la province du Guangdong (sud de la Chine).

Le mois dernier, Liu, 53 ans, accusé de corruption et de détournement de fonds publics pour des opérations sur actions, est rentré en Chine pour plaider coupable après 18 années de fuite au Canada. Il n'a pas encore été condamné.

« J'ai eu des remords pour mes crimes et j'ai compris que les pays étrangers ne sont pas des refuges sûrs. Partout où je m'échapperai, je serai renvoyé pour être puni », a-t-il déclaré.

Song Wei, responsable du Centre de recherche sur la lutte contre la corruption de l'Université des sciences et technologies de Beijing, a déclaré : « Les résultats fructueux obtenus en matière d'arrestation des fugitifs montrent clairement que nous avons amélioré notre capacité à capturer les suspects et sécurisé le système afin d'empêcher d'autres personnes de fuir à l'étranger ».

Zhuang Deshui, professeur de lutte contre la corruption à la Peking University, a pour sa part déclaré que le nombre de responsables présumés de corruption qui fuyaient à l'étranger était bien inférieur à ceux qui sont rentrés de l'étranger, principalement parce « qu'un mécanisme efficace a été mis en place pour surveiller le Parti et responsables gouvernementaux et les empêcher de fuir à l'étranger », ajoutant que les agents chargés de la lutte contre la corruption devraient améliorer l'éducation politique et juridique des responsables et les guider dans le respect des lois et leur conviction de la mise en place d'une gouvernance propre.

Il estime également que des méthodes avancées, notamment l'analyse des mégadonnées et des technologies de l'information toujours plus modernes, seront utilisées pour renforcer la gestion et la supervision des membres du Parti afin de les empêcher de fuir à l'étranger.

De nouvelles commissions

Afin de renforcer la chasse aux fugitifs, la Commission nationale de surveillance et des commissions à tous les niveaux ont été mises en place au niveau national afin de renforcer les efforts de lutte contre les fugitifs et de récupérer leurs avoirs mal acquis.

Jiang Laiyong, chercheur à l'Académie chinoise des sciences sociales, a précisé que les nouvelles commissions intègrent des fonctions de supervision, de lutte contre la corruption et de prévention de la corruption, qui ont été réparties dans divers départements, ainsi que des ressources optimisées pour lutter contre ce fléau.

« Le nouveau système de contrôle a étendu l'inspection des membres du Parti à tous les fonctionnaires, ne laissant aucune faille dans la supervision du pouvoir et aucune impasse dans la lutte contre la corruption », a-t-il souligné.

Selon la Commission nationale de supervision, après la mise en place des commissions à tous les niveaux, le nombre de personnes placées sous leur surveillance a fortement augmenté.

Huang Feng, professeur de droit à l'Université normale de Beijing, a déclaré : « Les nouvelles commissions permettent une surveillance plus large des personnes. Mais les superviseurs ont également une tâche plus difficile, saisir les fugitifs et à restituer leur argent sale ».

Selon la Commission nationale, les agents de lutte contre la corruption du pays renforceront leur contrôle sur les fonctionnaires et les responsables de sociétés publiques et d'institutions financières appartenant à l'État, afin d'éviter qu'ils ne se rendent coupables de corruption et fuient à l'étranger.

Selon Xu Yi, un responsable de la Commission de surveillance de la ville de Shenzhen, dans la province du Guangdong (sud de la Chine), la surveillance des passeports des officiels a été renforcée et elle utilise la technologie de reconnaissance faciale pour enquêter sur ceux qui utilisent leur carte d'identité pour demander des passeports en double auprès de différents départements de la sécurité publique. Et c'est ainsi que, l'année dernière, la commission a découvert plus de 300 cartes d'identité et passeports en double, a-t-il déclaré.

Les superviseurs de Shenzhen ont également travaillé en étroite collaboration avec le département de lutte contre le blanchiment d'argent de la Banque populaire de Chine de la ville pour surveiller tout flux suspect de fonds envoyés sur les comptes des officiels à l'étranger et pour partager rapidement les renseignements, tout en renforçant les contrôles aux frontières, a-t-il ajouté. .

La coopération judiciaire

Selon Guo Yong, directeur du Centre pour la lutte contre la corruption et la gouvernance à l'Université Tsinghua de Beijing, la lutte contre la corruption est un problème mondial et ce n'est que si tous les pays l'abordent correctement et réalisent les dégâts que la corruption engendre que ce fléau pourra être efficacement combattu. .

Cai Wei, du Bureau de la coopération internationale, a déclaré que la Chine renforcerait la coopération judiciaire pragmatique avec d'autres pays dans le cadre de la loi sur l'assistance à la justice pénale internationale récemment adoptée, afin d'extrader, de rapatrier et de persuader davantage de fugitifs de comparaître devant un tribunal.

L'année dernière, la Chine a obtenu l'extradition de 12 justiciables économiques en fuite de la part de six pays, dont la Corée du Sud, la Bulgarie, l'Espagne et le Portugal.

En outre, des responsables de la justice ont signé des traités d'extradition avec cinq pays, quatre accords d'assistance judiciaire et quatre accords d'échange de renseignements financiers.

Selon la Commission nationale de surveillance, en décembre de l'année dernière, Yao Jinqi, un des suspects de corruption parmi les plus recherchés de Chine, a été extradé de Bulgarie pour y être jugé, après avoir passé 13 ans en fuite à l'étranger. Ancien chef adjoint du comté de Xinchang, dans la province du Zhejiang (est de la Chine), il est accusé de corruption. Il s'était enfui en Bulgarie en décembre 2005.

Le cas de Yao est la première extradition réussie depuis la création de la Commission nationale de surveillance.

Selon la commission, les agents chargés de la lutte contre la corruption vont renforcer l'échange de renseignements et la coopération dans le cadre d'enquêtes conjointes avec les pays concernés sur certains cas importants et individuels. Ils renforceront également les enquêtes sur le blanchiment d'argent et lutteront contre les banques clandestines afin d'empêcher les suspects d'envoyer des avoirs illicites à l'étranger, tout en travaillant en étroite collaboration avec leurs homologues étrangers pour mettre en place un système permettant de localiser, geler, confisquer et récupérer l'argent sale.

« Le seul choix pour les fugitifs est de revenir, de plaider coupable et de demander une peine clémente », a déclaré M. Cai. « S'ils refusent, nous avons les moyens de les capturer et de les ramener devant la justice », a-t-il averti. 

(Rédacteurs :Xiao Xiao, Gao Ke)
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