Dernière mise à jour à 08h28 le 30/09
Le Fonds de solidarité de deux milliards de dollars pour les pays les plus fragiles montre que la Chine veut s'impliquer directement dans la lutte contre la pauvreté, a indiqué lundi l'ancien Premier ministre français, actuel président de la Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Jean-Pierre Raffarin, dans une interview écrite éxclusive accordée à l'agence de presse Xinhua.
Le président chinois Xi Jinping a déclaré samedi dernier que la Chine créerait un fonds doté d'un capital initial de deux milliards de dollars en vue de soutenir la coopération Sud-Sud et d'aider les pays en développement à mettre en oeuvre leur programme de développement pour l'après-2015.
M. Xi a annoncé cette décision au siège de l'ONU à New York, où il participait au sommet des Nations Unies sur le développement durable.
Selon M. Raffarin, déjà en Afrique, la Chine a montré sa capacité à "soutenir et financer des équipements voulus par les Etats partenaires".
"Je note avec intérêt que l'administratrice du PNUD, le réseau de l'ONU au service des pays les moins avancés, Madame Clark (ancien Premier ministre de Nouvelle-Zélande) a salué, comme le président de la Banque mondiale, le rôle de la Chine dans la lutte contre la pauvreté mondiale. Les propositions du président chinois sont bien accueillies parmi les membres de l'ONU", a-t-il rappelé.
En participant aux opérations de l'ONU sur le terrain, la Chine s'implique comme les grandes nations qui ne peuvent "rester indifférentes aux déséquilibres du monde". La Chine est revenue au XXIème siècle au premier rang des nations du monde, elle en assume les responsabilités, a noté l'ancien Premier ministre français.
Le travail préparatoire fait par la Chine pour la Conférence de l'ONU qui se tiendra à Paris en décembre (COP21) est "très utile". A Paris en juillet dernier, le Premier ministre chinois Li Keqiang a annoncé les objectifs environnementaux précis "en donnant ainsi l'exemple", a ajouté M. Raffarin.
En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine joue un "rôle central" à l'ONU. Elle a récemment démontré sa profonde capacité de dialogue et d'influence avec l'Europe, la Russie, l'Iran, les Etats-Unis et bien d'autres. La force de la Chine c'est pouvoir parler à tous les pays. Le multilatéralisme a besoin aujourd'hui du soutien de la Chine pour poursuivre ses efforts d'organisation. Le bilatéral ne pourra à lui seul s'attaquer à des sujets aussi difficiles que le terrorisme ou le changement climatique.
En 70 ans, la Chine est allée plus vite que l'ONU mais elle mesure cependant les acquis de cette histoire "onusienne" dont le but reste la paix. Le peuple chinois, pacifiste, est toujours à la recherche du bon compromis. L'ONU est le lieu par excellence du bon compromis pacifiste, a précisé M. Raffarin.
"J'avais déjà entendu le président Xi Jinping dire au Forum de Boao, auquel j'assiste régulièrement,qu'au XXIème siècle un pays ne peut pas réussir tout seul. Il faut bâtir des stratégies coopératives. Ce sont des projets fédérateurs qui peuvent à la fois apporter le développement et la paix. Plus de 70 pays prêts à investir pour le projet 'One Belt, One Road', c'est la meilleure démonstration que les partenariats sont les clés de l'avenir. Les accords d'investissement, les échanges d'étudiants, les projets scientifiques communs, le développement du tourisme, les partenariats universitaires , industriels et culturels... constituent les bases nouvelles de la coopération internationale", a-t-il ajouté.
"Depuis son arrivée au pouvoir, le président Xi Jinping a engagé de nombreuses réformes. La plus importante selon moi concerne le changement de modèle économique, la recherche d'une nouvelle croissance", a-t-il fait remarquer.
Afin de rendre cette croissance "plus qualitative et plus inclusive", des efforts importants sont demandés au pays. Des économies de 20% en deux ans ont été engagées au sein de la dépense publique. Des milliers d'entreprises ont dû revoir leur stratégie et leur organisation. La modernisation de l'économie chinoise est vigoureuse. La nouvelle croissance sur laquelle devra déboucher la "nouvelle normalité" devra être plus harmonieuse. De vieilles usines sont fermées pour que des neuves puissent ouvrir. Ses efforts sont d'autant mieux acceptés par l'opinion publique que la corruption est combattue et que le Parti communiste chinois est modernisé, a précisé M. Raffarin.
"Je n'ai pas de conseil à donner aux dirigeants chinois. Je pense seulement que nous devons promouvoir ensemble les grands artistes de la pensée millénaire chinoise. Dans un monde qui va très vite, la sagesse et l'humanisme des grands penseurs sont utiles au monde", a affirmé M. Raffarin.
La paix se construit tous les jours. Et pour paraphraser le poète Saint-Exupéry, il ne suffit pas de "se regarder les uns et les autres, il faut aussi regarder ensemble dans la même direction". "La paix vient de notre vision commune de l'avenir. C'est le fondement de l'amitié franco-chinoise", a conclu Jean-Pierre Raffarin.