Dernière mise à jour à 09h45 le 06/01
Avec le résultat des dernières élections législatives, la nomination imminente d'un vice-président, la mise en place d'un Sénat et d'un nouveau gouvernement, la Côte d'Ivoire s'apprête à vivre en 2017 un "nouvel ordre politique", selon le juriste et analyste politique ivoirien, Geoffroy-Julien Kouao, qui estime toutefois que la "3ème République" née de la Constitution de novembre dernier est "mal partie".
Dans un entretien à Xinhua, Geoffroy-Julien Kouao fait un tour d'horizon des changements majeurs qui pourraient influencer la vie politique nationale en Côte d'Ivoire.
"Les dernières législatives ont annoncé la couleur", indique-t-il d'emblée, faisant allusion à "l'élection massive" des candidats indépendants qui ont raflé 75 sièges sur 255 à l'Assemblée nationale.
La coalition soutenant le président Alassane Ouattara conserve la majorité absolue avec 167 sièges, l'UDPCI a six sièges, l'UPCI et le FPI (le parti de l'ex-président Laurent Gbagbo) ont trois sièges chacun.
M. Kouao a noté surtout l'élection de Yasmina Ouégnin, la benjamine de la législature passée qui a battu, dans le très chic quartier de Cocody à Abidjan, la porte-parole adjointe du gouvernement et ministre de la Communication, Affoussiata Bamba-Lamine, porte-étendard de la coalition au pouvoir dans cette circonscription.
Pour lui, ces résultats sont "symptomatiques du désir de nouvel ordre politique exprimé par les électeurs". Il espère toutefois, "au-delà de l'audace", que les indépendants auront "la vision politique" pour donner au parlement sa "vraie mission de contre-pouvoir".
A l'en croire, les élections municipales et sénatoriales à venir vont "confirmer et consolider cette dynamique politique".
"Les nominations du vice-président et du Premier ministre, la formation du gouvernement vont redistribuer les cartes politiques au sein du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, coalition au pouvoir)", croit savoir Geoffroy-Julien Kouao.
De même, poursuit-il, le positionnement à l'Assemblée nationale de l'UDPCI et l'UPCI, deux partis ayant présenté des candidats en dehors du RHDP, va déterminer leur appartenance ou non à la coalition au pouvoir.
M. Kouao pense également que la crise au FPI, avec deux tendances menées par Abou Drahamane Sangaré (aile dure) et Pascal Affi N'guessan (président officiel), peut aboutir à la création d'un nouveau parti politique qui va "bouleverser la sociologie politique ivoirienne".
"En effet, le centre-est et le sud-est du pays pourraient, vu les réflexes ethniques des militants, basculer dans cette nouvelle formation si elle était dirigée par M. Affi N'guessan" dont l'entrée au gouvernement est "plausible".
"Ce qui aurait pour conséquence de gripper davantage la réconciliation nationale entre l'aile dure du FPI et le pouvoir", a expliqué l'analyste politique qui fait savoir, par ailleurs, que l'issue judiciaire des procès de Laurent Gbagbo, Blé Goudé et Simone Gbagbo, aura un "effet sismique" dans le microsome politique ivoirien et pourrait "redéfinir les positionnements et ambitions politiques des uns et des autres".
Interrogé sur la Constitution de novembre dernier qui crée la 3ème République, Geoffroy-Julien Kouao pense que "la 3ème République est mal partie", non sans présenter "quelques imperfections" de la nouvelle loi fondamentale qui "mettent à mal" la 3ème République.
Il cite, entre autres, la nomination du vice-président et d'un tiers des sénateurs par le président de la République.
"Dans une démocratie, on ne nomme pas le vice-président, le vice-président est élu. Tous les sénateurs doivent être élus et les nouveaux députés devraient faire des propositions de lois de révision constitutionnelle pour que le vice-président nommé ne puisse pas être candidat en 2020 et pour supprimer la nomination d'un tiers des sénateurs", alerte le juriste et analyste politique.
Au sujet de la crise post-électorale en Gambie, il a relevé la "plausible" intervention militaire de la CEDEAO qui devrait redéfinir, selon lui, la géopolitique dans la sous-région par "le repositionnement de Dakar et d'Abuja en termes de leadership", mais surtout faire resurgir "le fameux débat qui divise les politiques et juristes, les rapports entre la souveraineté des Etats et le principe de droit d'ingérence".