Dernière mise à jour à 14h49 le 01/12
L'Afrique devient de plus en plus vulnérable au changement climatique et il faut que le continent s'y adapte et assure sa sécurité énergétique en accélérant les investissements dans les énergies renouvelables, estime Fatima Denton, directrice de la division des initiatives spéciales de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (UNECA), lors d'une interview accordée à Xinhua en marge de la 5e Conférence sur le climat et le développement en Afrique, tenue récemment au Zimbabwe.
En effet, non seulement l'Afrique est la région qui produit le moins d'émissions de gaz à effet de serre (GES) et qui est la plus vulnérable, mais elle est aussi la région avec le plus grand potentiel d'énergies renouvelables et celle qui a le taux d'accès à l'énergie le plus bas.
Le ministre djiboutien de l'Energie, Ali Yacoub Mahamoud, juge qu'il est temps d'élaborer une réponse africaine aux conséquences du réchauffement climatique.
Concernant son pays, M. Mahamoud rappelle que Djibouti, qui n'est pas vraiment gâtée par la nature avec une faible pluviométrie et des nappes d'eau potable très limitées, a déjà orienté sa politique de développement vers une économie résiliente répartie en trois volets : intensification de l'utilisation des énergies renouvelables, intégration régionale et augmentation des échanges commerciaux régionaux afin de diminuer son dépendance au marché international et, enfin, amélioration de l'adaptation de son environnement au changement climatique.
En juin dernier, après plusieurs mois de travaux, Djibouti a validé sa première stratégie nationale de maîtrise de l'énergie axée sur les énergies renouvelables.
Ce programme ambitionne surtout d'augmenter la part des énergies renouvelables dans la production énergétique totale, notamment l'énergie photovoltaïque, et l'efficacité énergétique dans le secteur de la construction et des équipements électroménagers.
Djibouti s'engage à réduire de 40% ses émissions des GES d'ici 2030 par rapport aux niveaux d'aujourd'hui.
Le pays s'est fixé cet objectif dans son plan d'action soumis à la Convention-Cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) dans le cadre de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre.
Djibouti devient ainsi le sixième pays africain et le 54e au monde à soumettre sa contribution.
Pour atteindre cet objectif, ce pays de la Corne de l'Afrique compte développer son potentiel en énergies renouvelables, notamment en géothermie avec un potentiel estimé à plus de 1.000 mégawatts.
"Djibouti, qui contribue déjà de façon marginale aux émissions de gaz à effets de serre, a réduit sensiblement ses émissions de CO2 grâce à l'interconnexion électrique effective depuis 2011 avec l'Ethiopie qui assure 60% de nos besoins énergétiques", a-t-il dit.
En Afrique du Sud, une nouvelle centrale solaire a été inaugurée le 15 mai 2014 Kimberley, dans la province de l'Etat-Libre (centre), dans le cadre des efforts du pays pour développer les énergies renouvelables.
La centrale photovoltaïque, qui a coûté 1,5 milliard de rands (environ 145 millions de dollars), est l'une des plus grandes du genre en Afrique du Sud. Le projet consiste à produire 85.458 MW d'électricité par an, ce qui répondra aux besoins d'environ 19.000 foyers.
Lors de la cérémonie d'inauguration, le vice-ministre des Sciences et des Technologies, Michael Masutha, a qualifié ce projet d'immense contributeur à la demande d'énergie croissante du pays. "Les énergies renouvelables promettent d'améliorer la sécurité énergétique et l'accès à l'énergie et de résoudre les autres problèmes socioéconomiques que rencontre l'Afrique du Sud", a-t-il déclaré.
En décembre 2014, le plus grand parc éolien d'Afrique est entré en service au Maroc, un pays qui s'est doté d'ambitieux objectifs de développement des énergies renouvelables. Ce parc, géré par GDF Suez avec son partenaire marocain Nareva, se trouve à Tarfaya (sud-ouest).
Mis en service le 8 décembre 2014, le parc éolien qui s'étend sur 8.900 hectares le long de la côte atlantique compte 131 éoliennes qui totalisent une puissance de 301 MW et permettront de fournir de l'électricité à 1,5 million de foyers.
Il devrait atteindre un facteur de charge (taux moyen de fonctionnement, NDLR) élevé de 45% et constituera une source d'énergie renouvelable compétitive, qui permettra d'éviter l'émission de 900.000 tonnes de CO2 par an.
Le Togo a lancé le 2 octobre 2015 à Lomé un projet pilote pour la réduction des polluants atmosphériques à courte durée de vie (SLCP) ayant un effet sur le climat. Il a pour objectif d'augmenter durablement le niveau des actions menées pour réduire les SLCP en soutenant la coordination et l'intensification des activités au niveau national.
Ce projet entend également accroître la capacité du gouvernement à assister et à participer pleinement aux différentes activités et aux processus de prise de décision de la Coalition pour le climat et l'air pur (CCAC).
Pour le ministre togolais de l'Environnement, André Kouassi Johnson, la réduction des émissions de méthane et de noir de charbon pourrait éviter un grand nombre de décès attribués à des maladies causées par la pollution atmosphérique, estimées à six millions par an.
Il a affirmé que des pertes agricoles annuelles de l'ordre de dizaines de millions de tonnes pourraient également être évitées par la diminution des pollutions climatiques de courte durée de vie.
PLAIDER POUR UN CADRE RÉGLEMENTAIRE
Un tel cadre favorable au secteur privé a été préconisé le 5 octobre à Dakar par des experts participant à une conférence sur l'environnement et l'indépendance énergétique.
Le directeur général de l'ONG Enda Energie, Sékou Sarr, a d'abord fait un constat : "70% de la population en Afrique subsaharienne n'a pas accès aux services énergétiques, 80% des ménages utilisent la biomasse pour la cuisson avec le bois, 30 à 80% des recettes d'exportation de pétrole servent à couvrir les factures énergétiques".
En conséquence, a-t-il estimé, "la transition énergétique s'impose" et "l'opérationnalisation passe par des partenariats innovants entre les secteurs publics et privés et la société civile, avec des actions fiables, durables et peu onéreuses". Il a proposé en outre le renforcement des écoles de formation pour avoir des techniciens qualifiés "afin de compter sur les compétences locales pour développer les énergie renouvelables".
De son côté, le directeur des énergies renouvelables du Bénin, Todéman Assan, a noté que "l'implication du secteur privé, notamment dans la production d'énergie solaire, est très avancée alors que la participation des ONG dans le domaine énergétique est limitée".
"On peut valoriser le potentiel en énergies renouvelables de l'Afrique subsaharienne, particulièrement les énergies éoliennes et hydroélectriques", a-t-il considéré, suggérant "l'amélioration des cadres réglementaires et institutionnels pour inciter le secteur privé et la société civile à jouer leur rôle dans l'accession à l'indépendance énergétique".
Le consultant tunisien en énergie, Khalfallah Ezzedine, a pour sa part relevé qu'"il y a de nombreuses lois qui permettent au secteur privé de produire de l'électricité avec l'octroi de subventions et de crédits d'investissements".
Cependant, a-t-il précisé, "jusqu'à présent le secteur privé n'a pas accès à la production d'énergies renouvelables". Selon lui, "il est prévu à l'horizon 2030 une production, par le secteur privé, de 30% des énergies renouvelables éoliennes, photovoltaïque, hydroélectriques, etc".
"Il est important que les pays réduisent leur déficit énergétique par la production d'énergies renouvelables d'autant que cela peut permettre une croissance économique, la création de nouveaux métiers, etc.", a-t-il conclu.