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Forum sur le désert : apprivoiser le désert ?

La Chine au présent | 09.10.2015 14h06

JACQUES FOURRIER*

Le 5e Forum international de Kubuqi sur le désert a réuni des experts et fonctionnaires chinois et étrangers ainsi que les représentants d'organisations internationales pour discuter des moyens de prévenir et d'inverser le processus de désertification, d'érosion et de dégradation des sols. Le modèle de Kubuqi a été mis à l'honneur.

Désert et pauvreté, deux faces d'une même médaille

Wang Wenbiao est le président d'Elion, le groupe industriel qui a transformé certaines zones du désert de Kubuqi en oasis. « Là où il y a le désert, il y a la pauvreté, là où il y a la pauvreté, il y a le désert », explique-t-il. Depuis près de 30 ans, Elion lutte contre la désertification et 600 000 hectares de désert ont été transformés en oasis. Mais Wang Wenbiao veut aller plus loin et promouvoir une « éco-civilisation » dans les zones arides de Chine, mais aussi le long de la Route de la Soie. Le groupe industriel s'est ainsi spécialisé dans les énergies renouvelables et les technologies vertes, les plantes médicinales et le développement touristique.

Le modèle de Kubuqi fait appel au partenariat entre le secteur public et privé pour mobiliser les ressources et les hommes au niveau local. Ainsi, à Kubuqi, la population locale est partie prenante dans les initiatives de développement de la région grâce à la réforme du système de propriété, lui permettant de louer les terrains ou de devenir actionnaire. Un tel modèle permet d'effectuer des économies d'échelle, de limiter les pratiques non productives et le gaspillage, et de réaliser des projets d'envergure.

Les habitants de la région, qui vivaient dans des conditions difficiles et précaires, travaillent maintenant à la réhabilitation de leur environnement et bénéficient d'infrastructures modernes. Wang Youwen, 44 ans, a démontré la plantation dans les dunes de sable. Avec son équipe, il plante depuis plus de dix ans des saules du désert pour stabiliser les dunes, ce qui procure à tous un revenu stable. Kubuqi a de plus développé une industrie des plantes médicinales produisant notamment de la réglisse, du ginseng et de la cistanche. Enfin, l'éco-tourisme est en pleine croissance.

En luttant contre la désertification et en instaurant une économie verte, Elion a éradiqué la pauvreté à Kubuqi et montré l'exemple. Le secrétariat de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) a d'ailleurs honoré à plusieurs reprises Elion. Le groupe a des ambitions qui dépassent le cadre local. Ainsi, avec de grands groupes chinois, Elion a créé cette année le Fonds d'investissement écologique de la Route de la Soie qui va notamment établir un corridor pour les énergies renouvelables dans la région de Zhangjiakou, dans la province du Hebei, où se dérouleront les JO d'hiver de 2020, mais aussi investir dans les pays riverains de la Route de la Soie, comme le Kazakhstan. Elion a par ailleurs lancé le « Greening Silk Road Partnership », visant à planter 1,3 milliard d'arbres le long de la Route de la Soie.

Des problématiques spécifiques

Le modèle de Kubuqi a naturellement séduit les experts étrangers invités à présenter le résultat de leurs recherches sur les questions de désertification et de dégradation des sols. « Pourquoi voulons-nous un désert vert ? », demande David Gallacher de l'Université Zayed à Dubaï. « Il y a sûrement beaucoup de raisons, mais ce n'est clair », continue-t-il. Victor Squires, un expert australien de 76 ans, professeur à l'université de l'Agriculture du Gansu, explique que les efforts visant à « apprivoiser » le désert en Chine obscurcissent les causes de la dégradation des sols. Il estime que le fait de planter dans les dunes est une opération visible mais coûteuse en ressources. « Il faut s'attaquer à la dégradation des prairies et des pâturages », préconise-t-il.

Ce travail en amont est indispensable, comme l'explique Mohamed Moussa, chercheur à l'Institut des régions arides en Tunisie. « Pour résoudre ce problème, il faut commencer à sensibiliser dès les écoles primaires, sensibiliser les jeunes aux problèmes de désertification », insiste M. Moussa. Kristina Toderich, spécialiste agronome à l'International Center for Biosaline Agriculture, en Ouzbékistan, appelle aussi à une approche de terrain pour lutter contre les résistances au niveau local.

La question de l'eau a aussi été largement évoquée. Les experts présents ont tous soulevé la nécessité d'une politique transparente pour la fixation du prix de l'eau. Une nécessité que souligne Victor Squires, qui appelle à une allocation des ressources en eau plus rationnelle en fonction des usagers et de son utilisation.

La conclusion est fournie par Maximilian Abouleish-Boes, un des deux lauréats du prix 2015 Land for Life Award de l'UNCCD pour le projet SEKEM, en Égypte. « On ne peut pas transposer SEKEM ici en Chine, ni Elion en Égypte, les dynamiques sont différentes, les mécanismes sont différents, les priorités sont différentes », remarque-t-il. Il voit néanmoins des éléments comparables entre Kubuqi et SEKEM, estimant que les deux modèles peuvent servir de vitrine.

 

*JACQUES FOURRIER est un journaliste français de Beijing Information.

(Rédacteurs :Yin GAO, Wei SHAN)
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