L'opposition congolaise pose plusieurs préalables pour sa participation au dialogue national sans exclusif, annoncé par le président Dénis Sassou Nguesso lors de son adresse à la nation le 30 juin dernier et destiné à débattre de la réforme des institutions politiques nationales et de la gouvernance électorale.
Si les partis, associations et plateformes politiques proches de la majorité présidentielle approuvent cette échéance, une grande partie de l'opposition ainsi que certains alliés du parti au pouvoir, désapprouvent ce rendez-vous et posent plusieurs conditions quant à leur participation au dialogue devant se tenir du 13 au 17 juillet.
Les leaders de ces structures politiques exigent entre autres la modification de la composition de l'actuel comité préparatoire, nommé par le président de la République, en mettant en place des quotas "paritaires" entre opposition et majorité, incluant toutes les sensibilités politiques congolaises.
D'autres exigences de l'opposition : l'ordre du jour du dialogue soit modifié et fixé exclusivement par le comité préparatoire ; ce comité rédige le règlement Intérieur ; la question du changement constitutionnel soit retirée de l'ordre du jour des travaux ; les associations et mouvements "fantômes" proches de la famille présidentielle soient exclus ; une personnalité neutre soit nommé à la tête du comité préparatoire du dialogue.
Ces acteurs politiques ont par ailleurs émis des objections pertinentes sur la durée de ce dialogue, jugée trop courte, et recommandent que les conclusions qui seront issus de ces assises, puissent avoir un caractère "exécutoire" et obligatoire.
C'est ainsi qu'au cours de leur session extraordinaire, tenue le 6 juillet dernier à Brazzaville, les membres du bureau exécutif national du Rassemblement pour la démocratie et le développement ( RDD), un allié du Parti congolais du travail (PCT), ont unanimement recommandé que soit reportée la date de la tenue du dialogue national en vue de garantir le consensus et l'efficacité, sans quoi, leur organisation politique ne participera pas à cette rencontre historique pour l'évolution de la nation.
En effet, selon la déclaration de ce parti qui a rejoint récemment le Front républicain pour le respect de l'ordre constitutionnel et l'alternance démocratique (FROCAD), une plateforme d'opposition, le délai fixé pour la préparation de cet événement serait court et l'ordre du jour également fixé de manière unilatérale par le président de la République.
De son coté, l'Union panafricaine pour la démocratie sociale ( UPADS) exige la présence des observateurs de l'union africaine pour sa participation au dialogue national.
Le premier secrétaire de ce premier parti d'opposition, Pascal Tsaty Mabiala, qui a réagi le 3 juillet à l'ouverture des travaux du congrès constitutif des femmes de son organisation, a en effet plaidé pour que l'application des décisions de cette concertation puisse être garantie par un comité d'observateurs de l'Union africaine.
"Si ces conditions minimales ne sont pas acceptées, l'UPADS ne prendra pas part au dialogue projeté et entend défendre sa position quoi qu'il en coûte", estime-t-il.
"Le parti se battra pour que l'alternance se produise en 2016, car elle permet le renouvellement des dirigeants et le renforcement de la démocratie", a-t-il en outre indiqué, avant de condamner la méthodologie d'approche de l'organisation et la convocation dudit dialogue.
Ce point de vue est également partagé par le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI), troisième force politique congolaise et allié de la majorité présidentielle au pouvoir.
En effet, le MCDDI souhaite que les conclusions du dialogue soient immédiatement exécutoires ; qu'il soit crédibilisé par la présence des observateurs internationaux compétents et préparé par une commission nationale paritaire et que l'ordre du jour ne comprenne pas le débat sur l'évolution des institutions.
"Le dialogue n'est pas compétent pour initier un projet d' évolution des institutions ou de changement de constitution, la responsabilité pleine et entière pour l'évolution des institutions revient seule au président de la république ou aux présidents des deux chambres du Parlement. Nous devons admettre que l'évolution des institutions ne peut pas être un point à l'ordre du jour d'un quelconque dialogue national car, les mécanismes d'évolution des institutions congolaises sont définis dans la loi fondamentale, faire autrement serait un coup d'état constitutionnel", a indiqué dimanche dernier le secrétaire général du MCDDI, Guy-Brice Parfait Kolélas, au cours de la deuxième session extraordinaire du comité national de son parti.
Au regard des recommandations d'Ewo et de Dolisie sur la gouvernance électorale, qui n'ont jamais connu d'application, le secrétaire général du MCDDI et actuel ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, reste sceptique sur l' application des recommandations de ce dialogue national sans exclusif.
Par ailleurs, dans une déclaration publiée dimanche dernier, le collectif des partis de l'opposition congolaise, juge la durée du dialogue trop courts au regard de l'extrême importance des enjeux politiques et des questions à traiter qui requièrent des réflexions très approfondies et qui nécessitent donc un temps relativement long.
Aussi, ce collectif estime qu'il est impératif d'accorder à la classe politique le temps suffisant pour lui permettre de conduire des réflexions profondes et neuves sur les questions à examiner, et propose que le dialogue se tienne à Brazzaville avant la fin du mois d'août 2015 sur la gouvernance électorale et les préoccupations quotidiennes et permanentes des populations.
"Nous invitons le président de la République à bien vouloir prendre en compte les préoccupations de bon sens et de sagesse du Collectif des partis de l'opposition congolaise, car un dialogue n' est ni un monologue, ni un diktat, il est un échange équitable de points de vue", indique la déclaration de ce collectif.
Pour les partis et associations politiques membres du FROCAD, le succès et l'efficacité d'un tel événement (dialogue) dépendent d'un certains nombre de standards. Selon cette plateforme dirigé par Paul Marie Mpouélé, ce n'est qu'à la satisfaction des exigences posées que les partis et associations qui la composent pourraient participer au dialogue national.
En raison de leur opposition au projet de changement constitutionnel, et pour bien défendre leurs points de vue, certains partis alliés au pouvoir ont préféré quitter le Rassemblement de la majorité présidentielle (RMP), plateforme regroupant toutes les forces politiques favorables au président Dénis Sassou Nguesso, pour rejoindre le FROCAD.
Outre le RDD, il y a la Convention pour l'action, la démocratie et le développement (CADD), cher à l'ancien ministre et membre du bureau politique du PCT, André Okombi Salissa, qui a, dans une déclaration publiée samedi dernier, annoncé ne plus faire partie du RMP, suite à son opposition au changement de la Constitution du 20 janvier 2002, envisagée par le président Sassou Nguesso.
C'est aussi le cas pour le Conseil national de la résistance ( CNR) de Frederick Bintsamou, alias "pasteur Ntoumi", l'Alternance 2016 de René Serge Blanchard Oba et de la Plateforme de la société civile pour le respect de la Constitution du 20 janvier 2002.
Initialement prévue du 11 au 15 juillet à Brazzaville, le dialogue national se déroulera du 13 au 17 juillet à Sibiti, localité située à environ 350 km au sud-ouest de Brazzaville, dans le département de la Lékoumou, selon un nouveau calendrier.