La paix sera-t-elle au bout de l'accord signé à Bamako le 15 mai? C'est la question que de nombreux Maliens se posent depuis quelques jours. Même si l'espoir est perceptible dans les discours, l'inquiétude et le pessimisme persistent.
Le gouvernement malien, des mouvements armés et la médiation internationale ont signé vendredi après-midi à Bamako l'accord de paix et de réconciliation nationale au Mali, conclu à Alger, en l'absence cependant des principaux groupes rebelles de la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA).
Les trois principaux groupes rebelles de la CMA, Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) et branche rebelle du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), n'ont pas assisté à la signature. Deux autres membres de la CMA, la CPA (Coalition pour le peuple de l'Azawad) et la CMFPR2 ont cependant assisté à la signature au nom de leurs organisations et se démarquent ainsi de la position de la CMA.
Dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a considéré que cette signature "est un pas important vers l'établissement d'une paix durable au Mali" et "espère sincèrement" que les autres parties au processus d'Alger adhèreront à l'accord dès que possible.
Pour certains interlocuteurs, il est temps de tourner la page, car le sang a trop coulé. "Le sang qui coule est le nôtre, qu'il soit d'un soldat ou d'un rebelle", a déploré Mme Oumou Sall Seck, maire de Goundam, ville située dans le nord du Mali.
"Nous souhaitons que cette signature permette de tourner une page de doute, de crise de confiance pour ouvrir une nouvelle ère de la foi (...) La foi en notre capacité de nous transcender pour réunifier notre nation", a déclaré Sékou Kouyaté, communicateur traditionnel.
Malheureusement, la signature de l'accord n'éteint pas la polémique sur le document. "Difficile de ne pas être pessimiste quand on sait que, au moment où l'accord était signé à Bamako, on assistait à la reprise de combats à Tinfadimat, près de Ménaka, entre le GATIA et les éléments du MNLA qui ont occupé cette ville jusqu'au 27 avril dernier", a commenté un diplomate africain en poste à Bamako qui souhaite garder l'anonymat.
Pour les plus pessimistes, le pays n'est pas encore sorti de l'auberge. Joseph Brunet-Jailly, ancien Représentant de l'Institut de recherche pour le développement à Bamako, consultant et enseignant en Sciences Po à Paris, a indiqué que "la solution des problèmes du nord du Mali n'est pas dans un démantèlement du Mali, qui serait la première étape d'une hyper-balkanisation au cœur du Sahel".
Or, c'est ce qui est contenu dans le préaccord d'Alger. En effet, il organise l'autonomie d'une vaste région, dont les gouverneurs seraient élus au suffrage universel et disposeraient d'une force de police et de budgets conséquents attendus de l'Etat (40 % des ressources de ce dernier) et de l'aide extérieure.
Dans les coulisses, beaucoup cachaient à peine leur pessimisme quant aux chances que l'accord signé aboutisse à la paix attendue. "Il est absolument inapplicable pour apporter la paix autrement qu'en attribuant une autonomie qui ne dit pas son nom aux groupes criminels terroristes qui sévissent au Mali", a révélé un élu du nord du Mali sous le couvert de l'anonymat.
"Ce n'est pas un accord qui a été signé aujourd'hui à Bamako, mais un désaccor(...) Demain des voix se lèveront au Nord pour dire que cet accord ne les engagent pas et qu'il est nul et non avenu", proteste Fousseyni Camara, un intellectuel engagé de la diaspora malienne joint en France.
Mais, s'il y a une mince chance que cet accord aboutisse à la paix, il faut la saisir. "Un accord ne peut pas maintenir la paix qui se gagne et se mérite sur le terrain", souligne le diplomate africain pour exhorter les Maliens à poursuivre le dialogue.
"Pour donner une chance à la paix, il faut isoler au sein de leurs propres communautés, ceux qui ne veulent pas prendre le train de la paix. Et cela n'est possible qu'en posant des actes concrets de développement", a souligné Alhassane Maïga, sociologue et consultant indépendant pour des ONG et ressortissant du cercle de Bourem (Gao).
En tout cas, les observateurs ont les yeux tournés désormais vers les Maliens car "la paix au Mali est une étape essentielle pour la stabilité régionale" comme l'a si bien dit la secrétaire générale de la francophonie (OIF), la Canadienne Michaëlle Jean, invitée de la cérémonie.