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La vie difficile des coursiers

le Quotidien du Peuple en ligne | 03.02.2017 15h37
  • La vie difficile des coursiers

    1/3Des employés trient des colis dans un entrepôt à Tianjin, dans le Nord de la Chine. [Photos Zhu Xingxin / China Daily]

  • La vie difficile des coursiers

    2/3Un coursier livre des colis dans le district de Chaoyang de Beijing.

  • La vie difficile des coursiers

    3/3Deux coursiers déchargent des colis à Tianjin.

Malgré l'énorme contribution qu'ils apportent à l'économie chinoise, les employés du secteur de la livraison endurent encore de longues heures de travail, des salaires bas et une sécurité de l'emploi précaire.

Chaudement enveloppé dans des jambières en cuir, des gants et une chapka russe avec des cache-oreilles, Yang Lei semblait bien équipé pour survivre à l'hiver dans son travail de coursier à Beijing.

Il travaille sept jours par semaine, mais son salaire mensuel d'environ 5 000 Yuans (723 Dollars US) -la moyenne pour les coursiers- est plutôt maigre compte tenu des heures qu'il fait pour son employeur, Tiantian Express, et la contribution des coursiers à l'économie nationale.

Sa femme enceinte vit dans une banlieue en périphérie de Beijing, mais Yang est généralement trop fatigué pour passer plus de deux heures en métro et bus pour rentrer chez eux après son travail, alors il dort souvent dans un appartement du centre-ville qu'un agent local a loué pour l'utiliser comme bureau.

Lorsque Beijing a émis une alerte rouge à la pollution de l'air, l'avertissement de plus haut niveau, cet homme de 30 ans, comme la plupart de ses pairs, n'a pas jugé utile de porter un masque, même s'il devait rouler sur son tricycle électrique pendant plus de 10 heures par jour, exposé à des particules fines qui peuvent être nocives pour la santé humaine.

La situation de Yang illustre les conditions difficiles endurées par les coursiers en Chine. Selon un rapport publié par l'Université Jiaotong de Beijing, AliResearch -la branche recherche du géant chinois du commerce en ligne Alibaba Group et Cainiao Network -la division logistique d'Alibaba- environ 2 millions de coursiers sont employés par les seules entreprises de livraison, mais leur nombre augmente si ceux qui sont directement employés par les plates-formes de commerce en ligne sont également inclus.

Un secteur en plein essor

En 2015, la valeur des ventes au détail en ligne en Chine a atteint 3 880 milliards de Yuans, tandis que le PIB de la Chine se situait à plus de 67 670 milliards de Yuans. Selon le rapport, environ 413 millions d'acheteurs en ligne ont reçu chacun une moyenne de 40 colis.

Dans le même temps, la contribution des coursiers à l'économie continue d'augmenter. Dans un entretien accordé à l'agence de presse Xinhua, Ma Junsheng, directeur du Bureau d'Etat des postes, a déclaré que 31,3 milliards de colis ont été livrés l'an dernier, et que le secteur du commerce en ligne a généré des recettes de 400 milliards de Yuans, contre environ 30 milliards de Yuans en 2006. Ma Junsheng appelle ce secteur le « cheval noir » de l'économie chinoise.

Yang travaille comme coursier depuis deux ans et demi. « Livrer un total de 300 à 400 colis par jour est chose commune pour mes deux collègues et moi », dit-il. Les longues journées passées à lutter contre le vent et la saleté des rues de la capitale ont laissé sa peau noircie et piquée, le faisant paraître plus vieux que son âge.

Plus de 4 500 succursales de sociétés de livraison express à l'échelle nationale ont été passées en revue pour le rapport, qui a montré que 80% des employés des succursales interrogées travaillent plus de huit heures par jour, même si ce chiffre peut monter à plus de 12 heures pendant les périodes les plus chargées. Plus de la moitié des succursales ont également dit qu'elles payaient leurs employés de 2 000 à 6 000 Yuans par mois.

Le travail de Yang est aussi financièrement risqué parce que les coursiers doivent parfois indemniser les destinataires de la perte de leurs colis, même si la perte n'est pas de leur faute. Ainsi, dans un cas, Yang a remis un colis contenant des objets de valeur à des collègues d'une autre succursale, mais le colis a ensuite disparu. Cependant, quand Yang a appelé la succursale en question et a expliqué le problème, les employés ont refusé de lui parler. L'expéditeur a demandé à Yang de l'indemniser à hauteur de 3 000 Yuans, qu'il a été contraint de payer de sa propre poche.

Yang n'a pas d'assurance personnelle ou médicale -seul son tricycle est assuré, en cas d'accident. Parce que beaucoup de sociétés de livraison express externalisent leurs activités auprès d'agents qui refusent de financer une assurance pour les coursiers, afin de réduire leurs coûts. De même, selon plusieurs personnes ayant une expérience du secteur, les agents rédigent également leurs propres règlements draconiens pour gérer leurs employés, ce qui a conduit, par exemple, à l'imposition d'amendes à ceux qui auraient demandé un congé.

Une hausse des démissions

Des salaires faibles, un statut social précaire et de longues heures ont conduit de nombreux coursiers à quitter le secteur. Selon le rapport, 80% des employés des succursales des entreprises interrogées travaillaient pour leurs employeurs depuis une durée située entre six mois et trois ans, tandis que 50% ne travaillaient que depuis moins d'un an, ce qui indique un taux élevé de démissions.

Zhang Jian a travaillé pour Quansu Express pendant six mois environ, mais a démissionné après avoir été condamné à verser une indemnité de 200 Yuans après qu'un colis qu'il a livré ait été accepté et signé par un collègue du destinataire, avant d'être perdu. Zhang travaille maintenant pour White Steed Express, une entreprise qui ne livre que des documents pour les compagnies d'assurance.

« Je mange habituellement des shaobing, un genre de galettes feuilletées, pour les trois repas de la journée. Elles sont très sèches et je dois boire de l'eau pour les avaler. L'homme qui les vend à l'entrée de mon village est originaire de ma ville natale, donc il me fait un bon prix », a-t-il dit.

A Beijing, ce type de galettes coûte environ 2 Yuans l'une. Selon Zhang, il dépense environ 8 Yuans pour son dîner, soit 4 Yuans de plus que pour son petit-déjeuner et son déjeuner. Même si son salaire est environ le même que celui qu'il gagnait pour d'autres entreprises de livraison et également dans un restaurant, Zhang est heureux dans son emploi actuel parce qu'il a droit à un jour de congé par semaine. « Comparativement, c'est le meilleur travail que j'ai jamais eu dans ce secteur », a-t-il souligné.

Ayant travaillé pour Shanghai YTO Express et Express SF à Beijing, Sun Bun (le nom a été changé) a une grande expérience des problèmes auxquels les coursiers sont confrontés. « Nous avons un faible statut social et sommes souvent insultés », a-t-il précisé.

Ainsi, en juillet, lors d'une pluie torrentielle, une lettre recommandée que Sun a livrée à une adresse à Beijing a été acceptée par la femme du destinataire, mais peu de temps après Sun a été appelé par le destinataire qui lui a dit n'avoir pas reçu la lettre et a commencé à l'agresser verbalement. « Il a commencé à m'insulter dès que j'ai pris le téléphone. Il a crié, disant qu'il n'avait pas reçu la lettre et a exigé de savoir pourquoi il avait reçu un message disant qu'il avait été livré », a dit Sun.

L'appelant a prétendu que sa femme ne l'avait quitté a aucun moment et n'avait pas pris livraison de la lettre, ce qui a fait que Sun est retourné au domicile de l'homme où il a confirmé que la femme qui a signé la remise de la lettre était en effet l'épouse du destinataire, qui était absent au moment de la livraison. Sun ne sait toujours pas ce qui est arrivé à la lettre.

« Malgré la forte pluie, j'ai rempli mes obligations et remis la lettre, mais au lieu de respect, j'ai reçu des insultes. Est-ce que cet homme qui m'a insulté comme ça l'aurait fait si j'avais eu un statut social plus élevé ? », a-t-il interrogé.

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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