Un citoyen britannique et sa femme américaine d'origine chinoise ont été reconnus coupables et condamnés vendredi à Shanghai à des peines de prison, sous l’inculpation d’une collecte illicite de renseignements privés concernant des citoyens chinois. C'est la première fois que des étrangers sont poursuivis pour avoir mené une enquête illégale.
Peter Humphrey, 58 ans, et son épouse Yu Yingzeng, 61, ont été accusés d’avoir trahi la confiance de clients chinois et étrangers en obtenant des informations générales d’avril 2009 à juillet 2013 par un cabinet de conseil enregistrée à Shanghai.
Humphrey a été condamné à deux ans et six mois de prison avec une amende de 200 000 yuans (32 500 $), et sera expulsé après avoir purgé sa peine de prison. Sa femme a écopé de deux ans ferme et d’une sanction de 150 000 yuans.
Le couple a cinq jours pour interjeter appel au verdict prononcé.
L'audience a eu lieu au premier tribunal intermédiaire de Shanghai, a débuté à 9h30 et a duré jusqu'à tard dans la nuit. Le déroulé de la journée a été publié sur le micr blog de la cour.
Les deux accusés ont fini par reconnaître les accusations devant le tribunal et se sont excusés, expliquant qu'ils regrettaient leurs actes.
Pour Ruan Chuansheng, un avocat de Shanghai spécialisé dans les affaires pénales «Le cas de Humphrey a suscité une grande attention, car cette affaire implique des étrangers. Mais des situations similaires de violation de renseignements personnels sont relativement communes, car l'accusation a été introduite en 2009». A Shanghai, près de 100 cas ont été rapportés au cours des deux dernières années.
Ruan a souligné que le procès de vendredi était «normal et équitable» et que les deux personnes avaient été autorisées à témoigner en anglais.
Les procureurs ont indiqué que le couple avait acheté 256 éléments d'informations privées, comprenant notamment des données d’enregistrement des ménages et datas émanant des téléphones portables, de trois sources -Liu Hong, Cai Zhicheng et Zhou Hongbo- qui sont confrontés à des enquêtes distinctes.
Les accusés ont payé entre 800 et 2.000 yuans pour chaque élément et ensuite vendu l'information dans leurs rapports d'enquête aux clients, selon l'accusation.
Yu Yingzeng a avoué au cours de l'audience, que plus de 90% des informations obtenues concernaient l’identité et la résidence des personnes et qu'ils demandaient à leurs clients entre 20 000 et 200 000 yuans pour des rapports individuels. Environ 700 documents ont été produits depuis la création de la société en 2004.
En ajoutant : «Nous ne savions pas que l'obtention de ces éléments étaient quelque chose d’ illégale en Chine... J'ai vécu longtemps à l'étranger et mon numéro de téléphone et mon adresse aux Etats-Unis peuvent être trouvés dans les Pages Jaunes. C’est très facile aux USA de trouver de telles informations».
Zhou a déclaré dans son témoignage que le Britannique avait payé des milliers de yuans et parfois plus de 10 000 RMB pour l'enquête d'une cible, qui normalement durait entre deux semaines et un mois.
Selon Ruan, l'avocat de Shanghai, il existe plusieurs définitions de la violation de la vie privée en fonction des pays, mais en Chine un tel comportement est sans aucun doute une infraction pénale.
Liu Xianquan, doyen de la Faculté de droit de l'est de la Chine de l’Université des sciences politiques et du droit, a déclaré que la quantité d'information obtenue par Humphrey n'était peut-être pas pas très importante, mais c'était que c’était une atteinte grave à la vie privée et que ces données ont été utilisées à des fins commerciales. Ainsi, ce comportement constitue bien une infraction pénale.
L’expert a fait remarquer que les autorités devaient préciser les détails de l’accusation pour avoir illégalement obtenu des informations privées, notamment la définition des renseignements personnels et le degré de sévérité impliqué. Mais comme la violation de l'information privée est devenue un problème plus grave au cours des dernières années, le doyen a suggéré que le gouvernement puisse adopter des sanctions plus sévères pour de tels comportements.
«Ce serait une déclaration montrant au monde que le pays intensifie la protection de la vie privée», a-t-il noté. «Non seulement pour la protection des citoyens chinois, mais aussi pour les étrangers et les entreprises étrangères en Chine».