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Trois économistes critiquent la méthodologie des Etats-Unis utilisée pour qualifier la Suisse de "manipulateur de devises"

Xinhua | 21.12.2020 09h37

"Nous concluons que les trois critères (employés par le Trésor américain) sont trompeurs et basés sur des principes non fondés", ont souligné trois économistes européens qui critiquent vivement la méthodologie des Etats-Unis utilisée pour qualifier la Suisse de "manipulateur de devises", lors d'une interview écrite accordée à Xinhua.

Le Trésor américain a qualifié mercredi dernier la Suisse de pays manipulateur de devises dans un rapport semestriel. Interviewés par Xinhua, Stefan Gerlach, ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale d'Irlande (2011-2015), Yvan Lengwiler, professeur à l'Université de Bâle, et Charles Wyplosz, professeur émérite à l'Institut des hautes études internationales et du développement de Genève ont considéré l'accusation du Trésor américain non fondée, d'autant plus que le Fonds monétaire international (FMI) n'avait auparavant rien dans ses rapports d'examen qui suggère que la Suisse soit un manipulateur de devises.

"Si cela (la manipulation de devises) était bien l'intention de la BNS (Banque nationale suisse), alors elle échoue de manière grandiose, car la valeur du franc a plus que doublé au cours des 40 dernières années", ont déclaré ces trois experts de l'économie monétaire, non sans une certaine ironie.

À la suite de la publication du rapport du Trésor américain, la valeur du franc suisse contre le dollar américain s'est envolée à son niveau le plus élevé depuis début 2015 lorsque la BNS a abandonné l'ancrage du franc à l'euro, ce qui reflète l'anticipation du marché financier sur l'appréciation future du franc suite à l'annonce des États-Unis.

Le rapport du Trésor américain a établi les 3 critères suivants pour qualifier un pays de manipulateur de devises sur une période de 12 mois : l'excédent de la balance commerciale avec les États-Unis dépassant 20 milliards de dollars, le compte courant avec le reste du monde dans un excédent supérieur à 2% du produit intérieur brut (PIB), et les interventions persistantes et unilatérales sur les marchés des changes pendant au moins 6 mois sur 12 avec des achats nets supérieurs à 2% du PIB.

Contestant ces 3 critères, les trois économistes européens ont donné leurs propres arguments.

Au sujet des déséquilibres commerciaux, ils soulignent que l'excédent commercial de la Suisse avec les États-Unis n'est qu'une relation bilatérale dans le commerce extérieur de la Suisse. L'économie suisse en raison de ses particularités a des balances commerciales différentes avec différents pays, elle a, par exemple, un déficit commercial avec les Emirats arabes unis, pays exportateur de pétrole, et un excédent commercial avec la Chine, destination de ses nombreuses exportations.

En ce qui concerne le compte courant, les économistes interprètent l'excédent du compte courant suisse comme le résultat de l'investissement actif de la Suisse dans le reste du monde. Selon les chercheurs, l'excédent du compte courant suisse peut s'expliquer, entre autres, par le vieillissement de la population qui incite l'épargne, et l'endettement gouvernemental moins prononcé qui stimule l'investissement à l'étranger. "Cela n'a rien à voir avec la manipulation de devises", ont soutenu ces économistes.

En ce qui concerne les interventions sur le marché des changes, les auteurs soulignent l'intention derrière l'intervention suisse sur le marché des changes, qui, selon eux, mérite d'être prise en considération. Ils soutiennent que le franc suisse est une monnaie refuge connue, ce qui explique les flux de capitaux envers la Suisse pendant la pandémie mondiale lorsque le capital est réalloué pour réduire l'exposition au risque. L'afflux de capitaux entraîne une appréciation du franc, occasionnant une perte de compétitivité des exportations suisses. Le taux d'intérêt étant déjà négatif, la seule solution pour éviter la surévaluation du franc et la perte de compétitivité commerciale qui en découle est d'acheter des devises sur le marché des changes.

D'après les experts, le taux de change effectif réel du franc est un indicateur plus informatif que le taux de change nominal bilatéral, et montre qu'à la suite des interventions sur les marchés des changes en 2020, le franc ne s'est pas suffisamment déprécié pour donner au commerce suisse un avantage de prix.

La BNS a déclaré jeudi dernier dans un communiqué de presse qu'elle poursuivrait "sa politique monétaire expansionniste, afin de stabiliser l'évolution de la conjoncture et des prix".

"La politique monétaire expansionniste de la BNS assure des conditions de financement favorables, atténue les pressions à la hausse sur le franc et contribue à un approvisionnement adapté de l'économie en crédit et en liquidités", a affirmé la banque centrale.

(Rédacteurs :孙晨晨, Yishuang Liu)
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