Dernière mise à jour à 09h12 le 08/10
Voulu par le président français Emmanuel Macron, le débat qui s'ouvre lundi au Parlement sur la question très sensible de l'immigration n'est pas sans risque pour le chef de l'Etat français qui multiplie depuis plusieurs semaines les prises de position sur le sujet avec déjà en ligne de mire l'élection présidentielle de 2022.
Aucun vote n'aura lieu à l'issue du débat qui débute lundi après-midi à l'Assemblée nationale et se poursuivra mercredi au Sénat. Il n'en est pas moins potentiellement explosif tant la question de l'immigration enflamme régulièrement l'Hexagone.
Moins d'un an après l'entrée en vigueur de la loi asile-immigration, les parlementaires français sont appelés à plancher sur la politique migratoire à la demande du président Emmanuel Macron qui, depuis plusieurs semaines, multiplie les prises de position sur le sujet.
Ce type d'exercice, le président Macron a d'ores et déjà annoncé qu'il souhaite en faire un rendez-vous annuel. Mais l'accueil réservé à ce débat est loin d'être unanime. L'opposition de droite s'élève contre une "nouvelle opération de communication" et réclame "des actes", la gauche dénonce "une forme d'instrumentalisation" et "une volonté de faire du pied" à l'extrême droite tandis qu'une partie de la majorité présidentielle exprime des réserves.
Une quinzaine de députés du parti au pouvoir ont notamment appelé à "éviter une hystérisation inversement proportionnelle à la réalité migratoire", jugeant que "ce débat sur les migrants économiques est souvent instrumentalisé par ceux qui veulent accentuer le sentiment de rejet lié à l'étranger et à l'islam".
Le changement de ton du chef de l'Etat sur la question de l'immigration n'a échappé à personne. L'éventualité d'un nouveau duel en 2022 avec la cheffe de file du Rassemblement national Marie Le Pen est déjà dans toutes les têtes.
"Devons-nous être le parti bourgeois ? Les bourgeois ne croisent pas l'immigration, ce sont les territoires les plus pauvres qui en sont le réceptacle. Les classes populaires subissent le chômage, la pauvreté", a lancé Emmanuel Macron devant ses troupes à la mi-septembre. "Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face", a-t-il insisté.
"Si nous n'avons pas le courage de regarder en face la demande de maîtrise exprimée par tous nos concitoyens; si nous n'avons pas la lucidité de voir que, dans de nombreux cas, la demande d'asile vient de pays profondément sûrs (...) et que aujourd'hui la demande d'asile est l'objet de manière évidente d'un contournement si ce n'est un détournement, nous ne serions pas lucides", a-t-il plaidé le 1er octobre devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à Strasbourg.
Les demandes d'asile, au cœur de nombreuses polémiques, sont l'un des "six axes de travail" retenus pour le débat. Elles ont augmenté de 22 %, avec quelque 123 000 demandeurs en 2018, met en avant le gouvernement qui relève qu'une partie importante de ces demandes émanent de pays pourtant considérés comme "sûrs" comme l'Albanie ou la Géorgie.
Autre thématique tout aussi sensible, celle des prestations sociales octroyées aux demandeurs d'asile régulièrement dénoncées par l'extrême droite et une partie de la droite. En cause notamment le montant de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'aide médicale d'État (AME) dont le budget est en considérable augmentation.
Le président Macron a rejeté l'idée d'une suppression de l'AME aux sans-papiers tout en insistant sur la nécessité de lutter contre certains "excès".
Sur toutes ces questions sont appelés à s'exprimer le Premier ministre, Édouard Philippe, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, et la ministre de la Santé, Agnès Buzyn avant les orateurs des différents groupes politiques.
De nombreux observateurs politiques français font remarquer que ces derniers ne vont pas manquer d'utiliser ce débat et la visibilité médiatique qui l'entoure pour attaquer le gouvernement.
L'exercice pourrait même mettre de l'huile sur le feu, jugent certains. Ils rappellent que selon un sondage Odoxa pour Le Figaro et France Info publié le 1er octobre, l'immigration ne figure qu'en cinquième position des priorités affichées par les Français (31%), derrière le pouvoir d'achat, la santé, le système de protection sociale et l'environnement.
Lors du "Grand débat", début 2019, le sujet arrivait également derrière les préoccupations en matière de pouvoir d'achat et d'accès aux services publics. A l'exception notable des électeurs de droite (58%) qui plaçaient l'immigration devant le pouvoir d'achat, la sécurité et la lutte contre le terrorisme, et la santé.