Dernière mise à jour à 15h02 le 25/09
L'incertitude est devenue le danger principal de notre temps. Aucun des cinq continents n'échappe aujourd'hui aux grandes menaces du siècle : le terrorisme, sapant les efforts de consolidation de la paix ; le populisme rejetant l'ouverture le libre-échange et le développement des peuples ; le changement climatique, créant de nouveaux risques pour les générations futures. Les confrontations actuelles et l'imprévisibilité de certaines grandes puissances plaident pour une refondation du multilatéralisme.
Cependant, le dialogue a considérablement reculé sur la scène internationale au cours des derniers mois. L'élection du nouveau président américain a accéléré la remise en cause des accords internationaux en matière de libre-échange et de protection de l'environnement. Pourtant, il n'existe pas d'autre solution que la coopération internationale pour tenter de construire un monde plus sûr. Aujourd'hui, nous assistons à la naissance douloureuse d'un nouveau monde multipolaire. Or j'ai la conviction que l'Asie et l'Europe ont un rôle décisif à jouer pour bâtir une mondialisation plus juste et plus équilibrée. Il est devenu essentiel d'encourager la formation de nouveaux pôles de stabilité et de prospérité.
Dans ce contexte, la Chine nous offre une chance d'atteindre cette objectif grâce à l'initiative “une Ceinture, une Route”. Il s'agit d'abord d'un projet ambitieux en faveur d' investissements massifs dans les infrastructures en Asie, en Europe et en Afrique. Il s'agit ensuite d'une relance politique des partenariats multilatéraux au service du dialogue culturel et de la stabilité, deux biens communs universels. De l'annonce du projet par le président Xi Jinping à l'automne 2013, au forum sur la Nouvelle Route de la Soie de Beijing à la mi-mai 2017, l'initiative a connu des avancées majeures. En moins de quatre ans, ce programme s'est doté de nouveaux outils, à l'instar de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (BAII), dotée d'un capital de 100 milliards de dollars impliquant plus de 60 pays.
La Nouvelle Route de la Soie présente une alternative concrète et durable aux risques de ralentissement économique, d'isolement et de confrontation. Il n'a fallu que quelques années pour aboutir à de premiers succès. Des projets ont ainsi été lancés au Pakistan, en Azerbaïdjan et à Oman, dans des domaines stratégiques comme les centrales électriques, les gazoducs et les chemins de fer. Les investissements chinois ont également augmenté dans les pays d'Europe centrale dans le cadre du format «16 + 1» et en Europe du sud où de nombreux projets sont mis en œuvre, notamment en Grèce, pour y développer des infrastructures à l'image du port du Pirée.
L'avenir appartient à l'Eurasie. L'Asie et l'Europe pourraient travailler ensemble sur de nombreuses priorités. Elles partagent l'ambition commune d'assurer une croissance durable, la sécurité alimentaire et énergétique, et la préservation de l'environnement. Rien qu'en Asie, la Banque asiatique de développement estime les besoins d'investissement en infrastructures à près de 26 000 milliards de dollars d'ici 2030, créant d'énormes perspectives dans des secteurs prometteurs comme le transport, l'immobilier, la gestion de l'eau et des déchets, et l'économie verte.
A cet égard, le projet “une Ceinture, une Route” permet de répondre à trois défis de notre époque. Premièrement, il vise à renforcer la connectivité mondiale à travers l'amélioration des infrastructures énergétiques, numériques et de transport partout dans le monde. Deuxièmement, il réveille la coopération multilatérale en promouvant une plus grande inclusivité et une meilleure collaboration, par la mise en commun des ressources financières d'investisseurs publics et privés autour de projets transfrontaliers. Troisièmement, il contribue à créer les conditions du relèvement économique et du développement international. Bien qu'il existe une forte diversité des PIB le long de la nouvelle Route de la Soie, en particulier entre les pays développés d'Europe orientale et ceux d'Afrique et d'Asie du Sud-Est, l'initiative chinoise contribuera à réduire progressivement l'écart économique entre toutes les parties prenantes et favorisera donc le rattrapage économique des économies en transition.
Au cours de ces dernières années, mes nombreux échanges avec des décideurs mondiaux m'ont convaincu que nous ne pouvions passer à côté d'un tel le projet. Mais il nous faut nous doter des instruments adéquats. Nous avons besoin d'une plateforme pour échanger des idées, créer des synergies et sensibiliser la communauté internationale. Nous avons besoin de bâtir les principes d'un destin commun garantissant le respect des personnes, le respect de la souveraineté et le respect de l'histoire. Nous avons également besoin d'une dynamique exemplaire qui reposerait sur des projets-vitrines impliquant le plus grand nombre d'acteurs, à commencer par les Etats, mais aussi les entreprises, les sociétés civiles, les think tanks et les universités.
C'est pourquoi, avec un groupe personnalités européennes et asiatiques de premier plan, nous avons créé l'International Marco Polo Society, en hommage à l'un des plus grands voyageurs du Moyen Âge. Il s'agit d'un cercle composé d'anciens Premiers ministres et de ministres des Affaires étrangères désireux de mobiliser les opinions publiques dans leur pays respectif et d'œuvrer à des propositions innovantes. Car nous avons une conviction commune: pour que l'initiative « une Ceinture, une Route » devienne réalité, chaque énergie compte et doit pouvoir contribuer à ce que le président Xi Jinping a qualifié de “projet du siècle”.
Dominique de VILLEPIN
Président de l'International Marco Polo Society
Ancien Premier ministre français