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Macron attendu au tournant sur la réforme du marché du travail, selon un politologue

Xinhua | 18.05.2017 08h25

Parmi les dossiers épineux qui attendent le nouveau président français, la question de la réforme du marché du travail apparaît comme la plus délicate, estime le chercheur Thomas Vitiello. Dans les prochaines semaines, Emmanuel Macron va d'abord chercher à imprimer sa marque et dessiner sa conception de la fonction présidentielle, considère-t-il.

"Je ne pense pas que le président va lancer beaucoup de projets d'ici les législatives. Il va d'abord investir les prérogatives présidentielles, en matière de politique étrangère et de défense notamment. Il a d'ailleurs commencé au lendemain de son investiture, lundi, en rendant visite à la chancelière allemande Angela Merkel. Il a également annoncé qu'il allait se rendre très rapidement sur le théâtre des opérations militaires au Mali", rappelle le politologue dans un entretien à Xinhua.

Ces actes symboliques sont aussi des manières de donner le ton quant à sa conception de la fonction présidentielle, relève Thomas Vitiello.

"Selon moi, Emmanuel Macron a une compréhension très gaullienne et mitterrandienne du rôle du président sur ces questions. Il va laisser le Premier ministre aux avant-postes pour gérer un certain nombre de dossiers épineux. Il a d'ailleurs qualifié sa pratique du pouvoir de jupitérienne; cela signifie qu'il compte intervenir de temps en temps dans le débat politique, mais pas trop", précise-t-il. Une manière de renouer avec l'image d'un président qui se veut au-dessus de la mêlée.

Le chercheur note cependant que, "dans la pratique des institutions de la Ve République, De Gaulle comme Mitterrand n'ont pas laissé trop de place au gouvernement". "Peut-être Emmanuel Macron veut-t-il esquisser une forme de gaullisme modéré", poursuit-il, tout en insistant sur le fait qu'il convient d'attendre de connaître la formation du gouvernement qui sera annoncé ce mercredi.

En matière de politique intérieure, la tâche ne sera pas aisée pour le nouveau chef de l'Etat. Emmanuel Macron l'a promis pendant la campagne: il veut réformer le Code du travail par ordonnances d'ici à l'été. L'annonce de cette procédure a suscité de très vives critiques, à gauche principalement, mais aussi chez les syndicats, y compris modérés, quelques mois après l'adoption controversée de la loi travail de Myriam El Khomri via la procédure du 49.3.

"Il va rencontrer de très fortes hostilités et une mobilisation des forces de gauche. C'est indéniable. Et pour le Front national, cela peut être une opportunité pour revenir sur le devant de la scène", pronostique le politologue.

"Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise ont déjà annoncé la couleur", souligne Thomas Vitiello. Fort de ses 7 millions de voix au soir du 23 avril, le leader de la gauche radicale "veut incarner l'opposition et dépasser le Parti socialiste sur sa gauche comme il l'a fait à l'élection présidentielle. Il pourrait réussir à s'imposer comme le principal groupe d'opposition à l'Assemblée même si ce n'est pas gagné", juge-t-il.

Dès l'annonce lundi de la nomination du Premier ministre de droite Edouard Philippe, Jean-Luc Mélenchon est d'ailleurs passé à l'attaque en lâchant : "La droite vient d'être annexée!".

"Il s'inscrit dans une stratégie de long terme. Il a certes été beaucoup critiqué pour sa position de l'entre-deux-tours mais je ne pense pas que cela aura un effet sur son électorat. Son refus de donner une consigne de vote s'explique par un souci de cohésion et de gestion de ses propres troupes. Ses électeurs ne l'ont pas mal vécu. Et cela n'a pas empêché plus de 50% d'entre eux de voter pour Emmanuel Macron", ajoute le chercheur.

Au-delà du contenu de la réforme du marché du travail prônée par le nouveau chef de l'Etat, c'est aussi la méthode qui cristallise les critiques. "Gouverner par ordonnances, rien que la simple formule, suscite des réactions viscérales", glisse le politologue.

"Pourtant, selon moi, Emmanuel Macron a la volonté d'accélérer le tempo, non pas de court-circuiter le Parlement. L'article de la Constitution qui définit l'usage des ordonnances associe d'ailleurs pleinement le Parlement à ce processus. Dans tous les cas, la loi a une valeur juridique supérieure à l'ordonnance que les parlementaires peuvent ensuite amender et modifier. Ce n'est pas l'article 49.3 qui, lui, permet un passage en force", explique-t-il.

Le fondateur d'En Marche! l'a affirmé à maintes reprises pendant la campagne présidentielle : pour lui, les ordonnances sont une procédure "différente du 49.3" qui permet de "raccourcir le temps parlementaire", mais pas de le contourner compte tenu de la nécessité d'un passage au Parlement d'un projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnances.

"Je ne vais pas modifier mon projet pour aller convaincre des électeurs qui n'ont pas voté pour moi au premier tour", avait expliqué Emmanuel Macron au début du mois de mai, tout en promettant de mener ses réformes "en considérant cette part des inquiets, des perdants, de ceux qui, aujourd'hui, n'y trouvent pas leur compte".

"Le président a l'intention d'agir rapidement car il sait que la demande de résultats est forte et qu'il va être jugé là-dessus. Les ordonnances sont destinées à lancer la machine mais sans une majorité claire, il ne pourra pas le faire", relève Thomas Vitiello.

Emmanuel Macron "se trompe s'il croit" que cela "lui permettra d'éviter un conflit social", a d'ailleurs prévenu mardi le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, dans le journal Les Echos. Le syndicaliste appelle le gouvernement à "jouer la transparence et la concertation", à "donner du sens à son projet". "Une réforme du Code du travail à elle seule ne va pas créer de l'emploi", ajoute-t-il, en insistant sur le caractère "indispensable" du "temps de la concertation".

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
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