La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a validé ce vendredi 5 juin l'arrêt des soins à Vincent Lambert. Au terme d'une année de procédure, elle a jugé que la mise en oeuvre de l'arrêt des soins ne violerait pas le droit à la vie du tétraplégique plongé dans un état végétatif depuis un grave accident de la route en 2008.
Dans une décision définitive de sa Grande chambre, la Cour européenne des droits de l'homme a en effet estimé, "par 12 voix contre 5, qu'il n'y aurait pas violation de l'article 2 - article de la convention européenne des droits de l'Homme qui régit le droit à la vie - en cas de mise en oeuvre de la décision du conseil d'Etat autorisant l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation du tétraplégique, a rapporté son président Dean Spielmann.
Un tragique bras de fer oppose la famille et l'entourage de Vincent Lambert, 38 ans, hospitalisé dans une unité de soins palliatifs au CHU (Centre hospitalier universitaire) de Reims, autour de la question de l'interruption de ses soins. Ses parents, catholiques traditionalistes, sont opposés à son euthanasie passive, persuadés qu'il est "présent". De leur côté, les médecins décrivent un patient "atteint d'une maladie grave et incurable" souffrant "de lésions cérébrales irréversibles".
L'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles qui maintiennent Vincent Lambert en vie avait été décidé il y a un an et demi par ses médecins, avec l'accord de son épouse Rachel, de cinq frères et sœurs, et d'un neveu, convaincus qu'il n'aurait pas souhaité continuer à vivre dans cet état.
Cette décision médicale contestée par ses parents, une de ses sœurs et un demi-frère du patient avait d'abord été annulée par un tribunal administratif avant d'être finalement validée par le Conseil d'Etat début juin 2014. Mais les parents de Vincent Lambert, estimant qu'elle violerait son droit à la vie et qu'il s'agirait d'une torture, avaient alors déposé une requête devant la CEDH dans le but d'annuler ce dernier jugement. La décision du Conseil d'Etat avait donc été provisoirement suspendue.
Pour la CEDH, les dispositions de la loi Léonetti sur la fin de vie "constituent un cadre législatif suffisamment clair pour encadrer de façon précise la décision du médecin" dans un cas comme celui de Vincent Lambert. La loi Léonetti de 2005 prévoit une procédure collégiale pour encadrer de telles décisions médicales.
"La Cour est arrivée à la conclusion que la présente affaire avait fait l'objet d'un examen approfondi où tous les points de vue avaient pu s'exprimer et où tous les aspects avaient été mûrement pesés, tant au vu d'une expertise médicale détaillée que d'observations générales des plus hautes instances", a-t-elle estimé.
Malgré l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, l'avocat des parents, Maître Jean Paillot, a d'ores et déjà annoncé qu'il introduirait de nouveaux recours en France. Il compte lancer une nouvelle procédure collégiale sur le sort du tétraplégique, arguant que le chef de service qui avait porté le processus de fin de vie, ne travaille plus aujourd'hui au CHU de Reims.
La mère de Vincent Lambert a par ailleurs demandé le transfert de son fils dans le service spécialisé d'un établissement proche de Strasbourg accueillant des personnes à la conscience altérée. "Il n'est pas en fin de vie, il est handicapé", affirme-t-elle.
Cette nouvelle démarche juridique retarderait la fin de vie de Vincent Lambert mais ne devrait pas en changer l'issue. L'arrêt définitif rendu ce vendredi à Strasbourg par la Grande chambre, l'instance la plus solennelle de la Cour européenne des droits de l'Homme, fera date. "Il deviendra un point de référence juridique sur la fin de vie en Europe", observe Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen.
Au-delà de la bataille judiciaire autour du cas de Vincent Lambert, c'est toute la question relative à la fin de vie qui est ainsi relancée en France mais aussi en Europe.