Dernière mise à jour à 16h58 le 04/08
Avec la montée en puissance de ce que certains appellent le « techno-nationalisme » aux États-Unis, les entreprises chinoises font actuellement face à des accusations de sécurité nationale de la part des États-Unis sur un large front -du géant des télécommunications Huawei à la populaire application de vidéos TikTok.
Cependant, trois des quatre PDG de grandes entreprises de technologie américaines qui ont témoigné à Capitol Hill la semaine dernière ont déclaré qu'ils n'avaient aucune connaissance de vols de technologies par la Chine dans leurs entreprises. Leurs réponses contrastent avec la recherche incessante de l'administration américaine de coupables parmi les entreprises chinoises de technologie.
Les quatre PDG -Tim Cook d'Apple, Sundar Pichai de la société mère de Google Alphabet, Jeff Bezos d'Amazon et Mark Zuckerberg de Facebook- ont été interrogés le 29 juillet lors d'une audience du sous-comité judiciaire de la Chambre des Représentants enquêtant sur les pratiques des grandes entreprises technologiques américaines, leur demandant s'ils croyaient que le gouvernement chinois volait la propriété intellectuelle d'entreprises américaines.
« Je ne connais aucun cas où cela s'est produit », a répondu Tim Cook à la question posée par le représentant Greg Steube, un Républicain de Floride. « Je ne peux parler que sur la base de ce que je connais de première main ».
Lors de la déclaration d'ouverture de Tim Cook, Greg Steube a qualifié le fabricant d'iPhone Apple de « société uniquement américaine ». Mais il a également fait l'éloge de Huawei, basée à Shenzhen, dans la province du Guangdong (sud de la Chine), que les États-Unis ont tenté de présenter comme une menace pour la sécurité nationale, dans le même temps qu'ils essayaient de persuader certains de leurs alliés d'éviter les équipements de l'entreprise chinoise, en tant que leader de la technologie mobile 5G.
« Nous savons également que les clients ont beaucoup de choix et que nos produits font face à une concurrence féroce », a déclaré Tim Cook. « Des entreprises comme Samsung, LG, Huawei et Google ont bâti des entreprises prospères avec des approches différentes. Nous sommes d'accord avec cela. Notre objectif est le meilleur, pas le plus ».
Sundar Pichai a quant à lui déclaré : « Je n'ai aucune connaissance de première main d'informations volées à Google », qui exploite le moteur de recherche le plus utilisé au monde.
Jeff Bezos, la personne la plus riche du monde qui dirige une société de commerce électronique omniprésente, a pour sa part réfléchi à la question à haute voix avant de répondre que c'était une chose « dont j'ai eu connaissance, mais je n'ai pas d'expérience personnelle ».
Quant à Mark Zuckerberg, il a souligné que l'application à la croissance la plus rapide au monde était TikTok, une plate-forme vidéo de médias sociaux appartenant à la société chinoise ByteDance. « L'histoire montre que si nous ne continuons pas à innover, quelqu'un remplacera chaque entreprise ici aujourd'hui ... Si vous regardez d'où viennent les plus grandes entreprises technologiques, il y a dix ans, la grande majorité était Américaine. Aujourd'hui, près de la moitié sont Chinoises », a-t-il noté.
(Xinhua/Han Yan)
Lors d'un récent forum économique Canada-Chine, Paul Evans, professeur à l'Ecole de politique publique et d'affaires mondiales de l'Université de Colombie-Britannique, a déclaré que l'interdiction de la technologie 5G de Huawei n'était que « la pointe d'un très grand iceberg dans les eaux froides du techno-nationalisme ».
Un écart qui se réduit
Xu Liping, chercheur senior à l'Institut national de stratégie internationale de l'Académie chinoise des sciences sociales, a souligné qu'avec la mondialisation, l'écart scientifique et technologique entre les pays s'est réduit au cours des dernières décennies. Pourtant, certains politiciens américains pensent encore que le niveau technologique de la Chine reste ce qu'il était il y a trois ou quatre décennies, une attitude qui, selon lui, va à l'encontre du bon sens.
« Politiser le développement de la haute technologie nuira aux deux parties, et la chose rationnelle à faire pour les États-Unis est de stimuler les échanges technologiques avec la Chine plutôt que de chercher des fautes à la Chine et aux entreprises chinoises», a-t-il dit, avertissant que « Ce que les États-Unis ont fait à Huawei affectera également leur propre développement technologique ».
Selon M. Xu, le développement des technologies de pointe exige des investissements élevés ainsi qu'un marché de consommation pour les produits qui les contiennent. Ainsi, un marché chinois qui utilise des produits technologiques américains aidera davantage les États-Unis à stimuler leur recherche et développement de haute technologie. « C'est un cercle vertueux », a-t-il dit.
Pour Alexander Capri, chercheur à la Fondation Hinrich, avec le « techno-nationalisme » des États-Unis, les technologies fondamentales et émergentes et toutes les formes de collaboration technologique -telles que la recherche et le développement transfrontaliers et les échanges entre universitaires- dépendent désormais d'un vaste parapluie de contrôle des exportations. Ces tendances, estime-t-il, conduisent à une guerre froide technologique entre les États-Unis et la Chine.
« Nous voyons les États-Unis tenter de convaincre TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) de s'engager à construire une usine aux États-Unis et maintenant, il y a un énorme financement qui va sortir pour délocaliser la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis, donc tout cela fait partie de ce processus de découplage », a-t-il noté.
David Kappos, ancien sous-secrétaire au commerce de la propriété intellectuelle et directeur du Bureau des brevets et marques de commerce des États-Unis, a déclaré: « Les menaces n'iront plus très loin avec la Chine. Ils ont une énorme économie et ils peuvent rivaliser avec nous sur ce point. La logique, les faits et les données ont un très long chemin à faire. Il y aura de la concurrence, il y aura des tensions et des défis, et des intérêts qui ne sont pas toujours alignés, mais il y a aussi beaucoup à gagner de la coopération ».