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La société chinoise vue par les mots d’Internet (2)

La Chine au présent | 26.02.2016 08h37

Le langage fait l'interaction

Le centre des sondages du Quotidien de la jeunesse de Chine a mené une enquête sur 1 601 personnes sur leur utilisation quotidienne des mots d'Internet. Parmi eux, 89,8 % disent les utiliser tous les jours, parmi ceux-ci, 67, 2 % sont des jeunes nés dans les années 1980 et 1990.

Xiao Qingwen est étudiante à Beijing, elle est née en 1992. Elle passe pas mal de son temps sur les réseaux sociaux chinois tels Weibo ou WeChat. Elle est « experte-ès mots d'Internet ». Que ce soit lorsqu'elle parle avec les gens ou lorsqu'elle écrit des statuts, des commentaires sur ces réseaux, elle utilise tout le temps ces nouveaux mots.

« Ces expressions sont marrantes et souvent assez satiriques tout en restant simples. Cela rend la communication avec les gens de mon âge plus naturelle. Si je ne les utilisais pas, cela donnerait l'impression que je ne suis pas de mon âge », nous explique-t-elle. En fait, par ce besoin d'être comme tout le monde, elle cherche à obtenir une certaine reconnaissance de la part de la société.

Ce sentiment de reconnaissance existe aussi dans le monde « artificiel » des réseaux sociaux. Zhao Richao, auteur, le dit ainsi : « Si les internautes participent de façon parfois très originale aux interactions sur les médias, ils cherchent aussi à y obtenir une certaine reconnaissance. Les mots d'Internet sont un des moyens de s'identifier des internautes, et les poussent à en créer de nouveaux, à les utiliser, les diffuser pour rentrer dans la masse des utilisateurs des réseaux sociaux et ne pas être ''mis à l'isolement". »

Dans l'historique de conversation WeChat de Xiao Qingwen, rien qu'en trois jours, on trouve 7 utilisations de « Vous avez fait peur à bébé ! » ou autres émoticônes reliées à des expressions du net. « En fait, cette émoticône signifie "Vous m'avez fichu la frousse", mais si je le disais normalement, ça donnerait l'impression que je suis trop "normale" alors que "vous avez fait peur à bébé" ça fait plus marrant, plus mignon », explique-t-elle.

Ma Baolong, né dans les années 1980, documentaliste et père d'un enfant, n'est pas un défenseur de ces expressions mais il explique qu'au début il les utilisait beaucoup et que ça a fini par devenir une habitude : « Il m'arrive parfois d'en utiliser avec mes supérieurs ou mon enfant, ça donne une image qui n'est pas trop sérieuse. »

Il ajoute qu'il aime bien l'expression « en mon for intérieur, je suis à deux doigts de péter un cable » ou encore « j'ai du fric, j'fais c'que j'veux ! ». Cette expression vient d'un internaute ayant acheté des produits de santé sur Internet et qui, après avoir découvert que c'était de la fausse marchandise, n'avait pas alerté la police alors qu'il s'était fait arnaqué de dizaines de milliers de yuans. Les internautes s'étaient alors moqué de lui en disant « j'ai du fric, j'fais c'que j'veux ! ». En général, cette expression est utilisée pour parler des autres et exprimer un sentiment de jalousie, c'est une moquerie et à la fois une façon d'exprimer un sentiment d'impuissance.

Le côté moqueur, voire l'autodérision contenue dans certaines expressions, est le reflet d'une certaine façon de penser appelée « l'esprit d'A Q » en Chine qui signifie « faire l'autruche ». D'une certaine manière c'est une façon pour les internautes d'exprimer leur résistance à la culture des élites et à l'idéologie commune.

En juillet 2015, le nombre d'internautes chinois avait atteint les 668 millions, devenant ainsi la plus grande communauté d'internautes au monde. Sur cette plate-forme ouverte, et transparente qu'est Internet, le langage se fait plus libre et permet la diffusion d'expressions originales qui par phénomène de ricochet les démultiplient.


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(Rédacteurs :Yin GAO, Guangqi CUI)
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