Dernière mise à jour à 14h10 le 22/08
"Qui aurait cru que cette rencontre avec l'Armée rouge allait profondément changer mon destin de missionnaire?", a écrit Rudolf Alfred Bosshardt dans le récit de son aventure de quelque 18 mois avec les soldats de Mao pendant la Longue Marche.
Né en 1897 à Manchester au Royaume-Uni de parents suisses, Bosshardt, qui était l'un des rares missionnaires occidentaux à s'être implantés en Chine, a en effet été également l'un des très rares non-Chinois à participer à cette épopée.
Pendant 560 jours, entre 1934 et 1936, il traversera cinq provinces chinoises avec l'Armée rouge. Quelques mois après sa libération en 1936, il entamera le récit de son aventure, "The Restraining Hand" (La main qui retient). En 1978, il réécrira cet ouvrage, rebaptisé "The Guiding Hand" (Conduit par sa main).
Après des enquêtes fouillées dans les archives, le Musée national militaire chinois a estimé que "The Restraining Hand" avait été publié un an avant "Red Star Over China" (Etoile rouge sur la Chine) du journaliste américain Edgar Snow. Bosshardt est devenu donc le premier Occidental à raconter la Longue Marche de l'Armée rouge.
En 1922, à l'âge de 24 ans, il est envoyé seul dans la province de Guizhou (sud-ouest). C'est là qu'il rencontre une missionnaire suisse, Rose Piaget, avec qui il se marie en 1931.
Le 1er octobre 1934, revenant d'une rencontre avec d'autres missionnaires et leurs familles, Rudolf Alfred Bosshardt, pris pour un espion, est fait prisonnier par des soldats de la 6e unité de l'Armée rouge. Le missionnaire commence ainsi son aventure sur la route de la Longue Marche.
Dans ses livres, avec beaucoup de détails, Bosshardt raconte objectivement la vie quotidienne et les batailles de l'Armée rouge durant la Longue Marche, ainsi que ses relations avec les soldats chinois, les hauts et les bas, et leur soutien réciproque.
Manquant de provisions, les soldats vivaient une existence extrêmement difficile, mais se sont toujours occupés de lui. Alors qu'ils se nourrissaient de plantes sauvages, on lui servait riz et des légumes. Lorsque Bosshardt a attrapé le paludisme, ils ont cherché un médecin et lui ont fourni un cheval, alors qu'ils marchaient pieds nus. Pour les remercier, le missionnaire raconte qu'il leur a tricoté des pulls et des chaussettes.
Bosshardt a également entretenu une amitié de plusieurs décennies avec le commandant de la troupe, Xiao Ke. Peu après sa détention, le missionnaire a aidé le commandant à traduire une carte en français de la province de Guizhou. Les deux hommes, selon le récit de Bosshardt, ont travaillé toute la nuit, éclairés à la lampe à pétrole. La carte a joué son rôle et permis à l'Armée rouge de remporter plusieurs batailles.
En 1984, lorsque l'écrivain et journaliste américain Harrison Salisbury s'est rendu en Chine sur les traces de la Longue Marche, le gouvernement chinois lui a demandé de l'aider à retrouver Rudolf Alfred Bosshardt. Devenu général, Xiao Ke s'est tourné de son côté vers l'ambassade de France. Les Français ont fini par retrouver une parente du missionnaire en Suisse, qui a aidé à rétablir le contact entre les deux hommes.
En 1952, Rudolf Alfred Bosshardt est devenu le dernier missionnaire occidental à quitter la province de Guizhou. Il a déclaré : "D'autres missionnaires étrangers ont peur des communistes, mais pas moi, car je les connais. S'il s'agit des communistes que j'ai rencontrés, on n'a pas besoin d'en avoir peur. Ils sont aimables et des amis fidèles".
Selon des chercheurs chinois, les livres de Bosshardt jouent un rôle important pour connaître l'histoire de l'Armée rouge durant la Longue Marche. A l'époque, les journaux occidentaux qualifiaient les soldats chinois de "brigands" et de "bandits". Par ses connaissances, le missionnaire a expliqué que leurs dirigeants étaient en réalité des partisans du communisme et du marxisme-léninisme.
Les livres de Rudolf Alfred Bosshardt peuvent être considérés comme les témoins des grands événements de l'Armée rouge, documentant la vie quotidienne et les batailles qu'elle livra pendant la Longue Marche.
Décédé en 1993 à l'âge de 96 ans, Rudolf Alfred Bosshardt a confié être très content d'avoir été considéré comme un "vieil ami du peuple chinois".