Dernière mise à jour à 08h34 le 11/07
Les voix des femmes de réconfort, un euphémisme qui désigne les esclaves sexuelles des soldats japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, ne devraient pas être oubliées, et cette période tragique de l'histoire ne doit pas se répéter, a déclaré Su Zhiliang, directeur du Centre de recherche sur les femmes de réconfort chinoises de l'Université normale de Shanghai dans une interview accordée récemment à Xinhua.
M. Su a expliqué qu'il espérait à présent protéger les dossiers des esclaves sexuelles, ne pas laisser l'histoire sombrer dans l'oubli, tirer des enseignements de ce qui s'est passé et condamner les atrocités commises par l'armée japonaise.
"Une nouvelle femme de réconfort est décédée dans la province du Shanxi le 1er juillet, ce qui fait qu'il ne reste plus que 20 survivantes en Chine", a-t-il indiqué.
M. Su a passé plus de 20 ans à étudier la question des femmes de réconfort. Selon ses recherches, l'armée japonaise aurait bâti un grand nombre de maisons closes à partir de 1937 et jusqu'à la capitulation du Japon en 1945. Au moins 400.000 femmes asiatiques ont été réduites à la condition d'esclaves sexuelles par l'armée japonaise.
"Le système japonais des femmes de réconfort est un système d'esclavage sexuel qui visait principalement les femmes étrangères et qui a été mis en œuvre par l'Etat avec des moyens contraignants", a indiqué M. Su. "Un tel crime commis par un Etat est sans précédent dans l'histoire humaine", a-t-il souligné.
De nombreuses survivantes, qui ont subi des tortures atroces, sont devenues stériles et ont terminé leur vie dans la solitude et la misère, et certaines ont eu des maladies mentales ou se sont suicidées par la suite, a ajouté M. Su.
Plus de 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Japon n'a toujours pas présenté d'excuses sincères pour ce crime. Le gouvernement japonais et les groupes conservateurs ont non seulement réprimé les universitaires japonais, mais ils ont aussi eu une attitude révisionniste à l'égard des faits historiques sur la scène mondiale.
En mai, des ONG de huit pays et régions, dont la Chine, la Corée du Sud, les Philippines et l'Indonésie, ont soumis des dossiers sur les femmes de réconfort au registre de la mémoire du monde. Ce programme établi en 1992 par l'UNESCO vise à préserver les documents les plus importants au monde.
M. Su, qui a participé au dépôt de ces documents, a indiqué que celui-ci avait deux objectifs. "L'un est d'attirer l'attention du public et de mettre l'accent sur l'importance de la préservation de ces dossiers précieux. Le second est de tirer des enseignements de l'histoire et de critiquer ces atrocités et l'attitude du Japon", a-t-il expliqué.
Le dépôt a été fait après un premier échec en 2015.
Le gouvernement japonais a eu recours à tous les moyens possibles pour empêcher le dépôt de ces documents, qui avait été proposé par la Chine en 2014, a indiqué M. Su, qui a ajouté qu'il espérait que le Japon aurait plus de scrupules cette fois.
L'obstruction du dépôt par le Japon irait à l'encontre de la déclaration de Kono, qui avait présenté des excuses pour le recrutement d'esclaves sexuelles pendant la guerre, mais aussi d'un accord conclu l'année dernière avec la Corée du Sud visant à mettre fin à la querelle de longue date entre les pays sur cette question, a estimé M. Su. "Cela montrerait que le Japon n'a pas la sincérité de présenter des excuses et d'admettre ses erreurs", a-t-il ajouté.
Au total, 2.744 documents ont été soumis au registre de la mémoire du monde de l'UNESCO. Chaque témoignage illustre la cruauté de ce système esclavagiste.
Les survivantes sont de moins en moins nombreuses et sont âgées de 90,5 ans en moyenne, a indiqué M. Su. "Nous ne pouvons pas nous permettre de reculer à présent. Nous ne pouvons pas laisser tomber les victimes de la guerre", a-t-il déclaré.