Dernière mise à jour à 08h47 le 04/01
Le Togo a fini l'année 2017 dans un climat socio-politique agité et marqué, essentiellement au cours du deuxième semestre, par des manifestations de rue pour des réformes politiques.
La mobilisation monstre de militants dans les rues le 19 août, à l'initiative du Parti national panafricain (PNP), a remis sur le tapis la nécessité d'opérer, au Togo, les réformes politiques incluant la limitation du mandat présidentiel, le retour au scrutin uninominal à deux tours et le vote des Togolais de l'étranger.
La forte mobilisation a été empreinte de violences et a presque catapulté le PNP au premier rang des partis d'opposition qui ont peiné, des mois auparavant, à drainer autant de militants et sympathisant pour la même cause.
Les revendications se résument au retour à la version originelle de la Constitution de 1992 portant les réformes souhaitées, notamment la limitation du mandat présidentiel qui a été déverrouillée en 2002, ou à défaut au départ du chef de l'Etat Faure Gnassingbé élu en 2015 pour un mandat qui s'achèvera en 2020.
Une Coalition de 14 partis d'opposition, née du regroupement du PNP et de treize autres partis de l'opposition, a repris le flambeau de ces exigences avec l'organisation à répétition des marches qui mobilisent des marées humaines dans les rues.
Face au déchaînement, le gouvernement a fait des propositions de modification de la Constitution, notamment limitant le mandat présidentiel à deux et restaurant le scrutin à deux tours.
A l'Assemblée nationale, le projet a été adopté en septembre par les 2/3 des députés, car voté par les seuls députés de l'Union pour la République (UNIR-pouvoir) lors d'une séance boycottée par l'opposition parlementaire.
La voie est tout tracée, constitutionnellement, pour la présentation du projet de loi au référendum auquel le gouvernement travaille activement avec la mise en place, déjà, de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
La Coalition, qui exige également la réforme des institutions de sorte qu'elles servent de contrepoids pour la démocratie, est insatisfaite des efforts du gouvernement.
Elle multiplie les marches de protestation, même les jours ouvrables, et mobilise de grandes foules dans des manifestations qui sont empreintes de violences, parfois et par endroits, à travers le pays.
Déplorant des "dérives graves" et des "troubles graves à l'ordre public" au cours ou en marge des manifestations, le gouvernement a entrepris de recadrer l'organisation des manifestations politiques au Togo.
M. Payadowa Boukpessi, ministre de l'Administration territoriale, justifie la position du gouvernement par "des appels à la désobéissance civile, des appels au sabotage économique, même des appels aux meurtres lancés par des manifestants à l'endroit des autorités et des membres de leurs familles et des services de sécurités".
En fait, comptant sur la mobilisation pour obtenir la réalisation des exigences, M. Tikpi Atchadam, le président du PNP, a déclaré début octobre : "Nous devons conclure la lutte et c'est le moment ou jamais".
Dans ce climat, la CEDEAO, l'UA et le Bureau des Nations unies pour l'Afrique de l'Ouest et le Sahel (UNOWAS) ont appelé les acteurs politiques à poursuivre le dialogue sur les réformes "de manière pacifique, conformément aux aspirations légitimes du peuple togolais".
Egalement, les trois organisations leur ont demandé de "faire preuve de retenue afin de préserver la paix et la cohésion dans le pays".
Déjà en septembre, Alain Marcel de Souza, alors président de la Commission de la CEDEAO, faisait comprendre, après avoir discuté avec le pouvoir et l'opposition, "qu'il y a un problème de confiance" entre les acteurs politiques.
Il a déploré une "montée des revendications" et des enchères, avant d'exprimer l'engagement de la Commission : "Nous allons les ramener à des dimensions pour que nous demeurions républicains".
Mi-octobre, la crise a pris une autre tournure suite à l'interpellation d'un imam, également un des dirigeants du PNP, à Sokodé dans le centre du Togo, "pour appel au crime et à la sédition".
L'interpellation a donné lieu à de violentes manifestations et le gouvernement a fait état, dans un communiqué, d'"actes de violence inouïe, de pillage, de vandalisme et de destruction de biens publics et privés ".
"A Sokodé, deux militaires en faction au domicile d'une personnalité ont été lynchés et exécutés et leurs armes et munitions ont été emportées", a précisé le communiqué.
L'escalade de la violence a fait planer une atmosphère de plomb sur le Togo qui est devenu une préoccupation pour les organisations de la sous-région ainsi qu'internationales.
"Toute la Francophonie s'inquiète et se mobilise face à cette situation qu'il faut à tout prix résoudre", a écrit Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l'OIF dans un communiqué publié le 18 octobre.
"Il est primordial d'encourager toutes les actions de nature à contribuer à la résolution de cette crise et au retour à un climat apaisé", a-t-elle souligné, suivant avec la "plus grande attention la situation politique et sociale sur le terrain".
Du côté de la Commission interparlementaire de l'Uemoa (CIP-Uemoa), une mission a été dépêchée à Lomé pour échanger avec les acteurs de la scène politique et aider à la résolution de la crise.
"Nous pensons qu'en écoutant les uns et les autres, les positions sont appelées à bouger de sorte qu'il y ait un dialogue républicain", a déclaré Jacob Ouédraogo, le chef de la délégation, le 24 octobre, au terme des discussions.
Pour ce dialogue envisagé, la Coalition des 14 partis pose des préalables, notamment la libération des partisans interpellés lors des troubles.
"Nous voulons d'abord qu'on libère tous les Togolais qui ont été arrêtés, certains de manière abusive, et que ceux qui sont partis en exil puissent revenir", a dit Aimé Gogué, porte-parole de l'opposition parlementaire au terme de la rencontre.
Le pouvoir a de son côté saisi l'occasion pour expliquer à la délégation tout le processus engagé au niveau de la représentation nationale pour arriver à l'adoption du projet de loi qui a été envoyé par le gouvernement.
"Ils ont bien compris la situation", a expliqué Gerson Dobou, vice-président du groupe parlementaire UNIR, déplorant que l'opposition ait "systématiquement adopté la politique de la chaise vide".
La crise socio-politique qui agite le Togo a connu un début de décrispation avec l'intervention des chefs de l'Etat de la sous-région, notamment du Bénin, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée et du Ghana qui y ont pesé de tout leur poids.
A l'étape actuelle de la situation que traverse le Togo, les protagonistes ont leurs regards tournés vers l'organisation d'un dialogue, sans pour autant s'entendre sur la présence ou non d'un médiateur étranger.
Parallèlement, le pouvoir maintient la logique de la tenue, sur le projet de loi portant les propositions du gouvernement, d'un référendum qui n'est pas du goût de la Coalition.