Dernière mise à jour à 08h54 le 05/04
La recrudescence de l'insécurité et des attaques sur les travailleurs et convois humanitaires au Soudan du Sud pourraient augmenter les risques de famine dans ce pays en proie aux conflits où près de 100.000 personnes ont déjà été déclarées en famine et 1 million d'autres au bord de la famine, selon les experts.
James Okuk, professeur en sciences politiques à l'Université de Juba, a estimé que le meurtre récent de six travailleurs humanitaires dans l'est du Soudan du Sud, associé à l'augmentation des attaques contre des convois d'aide, freinera la livraison d'une aide impérieuse pour les communautés touchées par la famine.
"Le meurtre de travailleurs humanitaires effraiera les organisations et les dissuadera d'apporter une aide humanitaire. Et s'ils ne la livrent pas, nous aurons un grand nombre de menaces comme la faim et la propagation de maladies parce que ce pays dépend actuellement de l'aide", a déclaré M. Okuk mardi à Xinhua.
Les agences humanitaires jouent un rôle essentiel dans l'alimentation d'un très grand nombre d'habitants au Soudan du Sud, une population principalement composée d'enfants mal nourris.
Le conférencier a ajouté que les actions pour faire fuir les agences humanitaires du Soudan du Sud pourraient entraîner une augmentation des morts d'enfants, une spirale de la violence et des déplacements massifs de populations vers les pays voisins.
"La tendance actuelle se traduit par de la frustration et du désespoir pour les citoyens du Soudan du Sud car le seul espoir qu'ils ont maintenant est d'obtenir une aide des organisations humanitaires", a estimé M. Okuk.
"Lorsqu'ils deviennent désespérés ou frustrés, on ne peut jamais savoir ce qu'ils décideront de faire. Certains décideront de quitter le pays pour les pays voisins où la situation semble plus saine tandis que d'autres choisiront de prendre les armes. Tout cela n'est pas bon du tout pour le pays", a-t-il ajouté.
James Alic Garang, économiste en chef au Ebony Center for Strategic Studies, basé à Juba, et professeur adjoint en économie à l'Université du Nil supérieur, a estimé que les meurtres continus de travailleurs humanitaires envoient un signal négatif, montrant que les acteurs armés de certaines communautés ne comprennent pas le rôle des agences humanitaires.
S'il n'est pas réfréné, un tel comportement aboutira à couper certaines régions de l'aide humanitaire, ce qui aurait un impact dévastateur sur les personnes dans le besoin.
"Tuer des travailleurs humanitaires perturbe notre pays et envoie aussi un choc psychologique effrayant dans l'esprit de la communauté humanitaire. Cela aura donc un impact négatif sur la distribution de l'aide ou l'accès à l'aide et plus généralement sur l'équité de la nation", a expliqué M. Garang.
"J'appelle toutes les parties à exercer les plus grands efforts pour mettre fin à la guerre et c'est le seul moyen pour arrêter la crise humanitaire et les attaques contre les travailleurs humanitaires", a-t-il ajouté.
Le Soudan du Sud est embourbé dans un conflit qui dure depuis plus de trois ans et a prélevé un tribut dévastateur sur la population du Soudan du Sud.
Selon les estimations de l'ONU, 1,5 million de personnes ont été forcées de fuir vers les pays voisins et 7,5 millions d'autres dans le pays sont en grand besoin d'aide humanitaire et de protection, tandis qu'une situation de famine a été déclarée de manière localisée dans plusieurs parties de l'État d'Unité (nord du pays) en février.
Dans son dernier bulletin mensuel publié la semaine dernière, le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a déclaré que les agences humanitaires étaient forcées de suspendre temporairement leurs opérations dans le comté de Mayendit, région frappée par la famine dans le nord du pays, en raison de plusieurs épisodes de violence contre des convois et des travailleurs humanitaires, ou encore de pillages de cargaisons d'aide humanitaire dans ce comté.
Des hommes armés ont pris en embuscade et tué six travailleurs humanitaires sur une route reliant Juba à Pibor dans l'État de Boma le mois dernier.
D'après l'ONU, le Soudan du Sud est devenu un environnement hostile pour les travailleurs humanitaires, avec au moins 79 travailleurs humanitaires tués depuis le début de la guerre civile en 2013.
Environ douze travailleurs humanitaires ont été tués et huit convois humanitaires ont été attaqués au cours de cette seule année, ajoutent les Nations unies.
Conformément au droit humanitaire international, les attaques intentionnelles contre le personnel d'aide humanitaire peuvent constituer des crimes contre l'Humanité.
Pius Ojara, directeur de NGO Forum, un réseau d'organisations non gouvernementales actives dans le Soudan du Sud, a indiqué que le meurtre récent de six travailleurs humanitaires avait semé la panique au sein des agences humanitaires, et appelé les autorités à renforcer la protection du personnel, des actifs et des bâtiments des organisations humanitaires.
"Le meurtre de ces travailleurs humanitaires a généré un sentiment de peur et d'appréhension concernant les risques de sécurité pour les travailleurs humanitaires qui vivent ici", a déclaré M. Ojara.
"Quels que soient les besoins humanitaires, nous pensons que nous devrions être en mesure de sauver des vies. C'est ce qui nous fait rester ici au Soudan du Sud. Aussi, protéger et assurer la sécurité des travailleurs humanitaires nous aidera à répondre aux besoins de la population plus efficacement, car ainsi nous sauverons des vies", a-t-il ajouté.
Par Julius Gale