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Tunisie : le gouvernement d'union nationale face au conflit d'intérêts politiques

Xinhua | 27.08.2016 09h58

A la veille de la séance parlementaire de vote sur la composition de son cabinet, le nouveau chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed se trouve déjà face à une spirale de pressions pour revoir sa copie avec des réservations à motifs multiples émanant même de son parti Nidaa Tounes, majoritaire au pouvoir, et de l'influent parti islamiste Ennahdha qui détient la majorité à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP, Parlement tunisien).

Désigné trois semaines auparavant, le nouveau gouvernement de Chahed compte 26 ministres dont six femmes et 14 secrétaires d'Etat dont deux femmes et mise sur la jeunesse avec cinq membres âgés de moins de 35 ans.

Six partis politiques sont représentés dans cette composition gouvernementale dont Nidaa Tounes, Ennahdha et Afek Tounes (Perspectives Tunisie), trois partis de la coalition sortante en plus du Parti républicain, la Voix démocratique et l'Initiative, trois partis opposants.

Avec respectivement quatre ministères et quatre secrétariats d'Etat pour le premier et trois ministères et deux secrétaires d'Etat pour le second, les partis Nidaa Tounes et Ennahdha accaparent de la part du lion des portefeuilles au sein du nouveau gouvernement d'union nationale. Une donne fortement critiquée par des partis alliés comme l'UPL (Union patriotique libre) ou encore par le Front populaire, principal alliance de la gauche au sein de l'ARP.

"Cela peut être principalement argumenté par les résultats des dernières élections législatives de 2014 avec Nidaa Tounes comme vainqueur et Ennahdha comme deuxième force politique du pays (...) d'autant que ces deux partis détiennent le plus grand nombre de sièges à l'ARP, respectivement 67 et 69 députés actuellement", a confié à Xinhua l'analyste tunisien Nizar Makni.

Selon lui, le nouveau chef du gouvernement Youssef Chahed "devra jouer le rôle d'un leader et non pas d'un simple exécuteur et ce, à la lumière des pressions imposées par certains partis influents dans une tentative d'influencer sur la composition de son cabinet d'union nationale" .

Des critiques de partout

Bien qu'ils aient confirmé leur soutien au gouvernement de Chahed, qui sera mis au vote ce vendredi pour la confiance parlementaire, aussi bien Nidaa Tounes qu'Ennahdha ont déjà émis des réserves quant à la structure nominative du staff gouvernemental.

Sans citer des noms, les dirigeants d'Ennahdha s'opposent catégoriquement à la présence de certains ministres à appartenance politique hostile à leur parti islamiste. "Nous n'accepterons aucun soupçon de corruption ni la présence d'une personnalité en mesure d'exclure Ennahdha ou quiconque autre partie", avait récemment souligné le président du conseil du parti Ennahdha Abdelkarim Harouni, lors d'un bref point de presse.

Comptant 12 députés au Parlement et membre de l'alliance gouvernementale précédente, le parti de l'Union patriotique libre (UPL) a réclamé que les concertations autour de la composition du nouveau gouvernement était défaillante "d'autant plus qu'elles ont abouti à une formation en flagrant manque de cohérence et d'équilibre", avait déclaré le président de ce parti Slim Riahi.

Selon M. Riahi, le chef du gouvernement n'aurait pas à convoquer des candidats issus de l'opposition. "Les partis mieux représentés à l'Assemblée des représentants du peuple devraient avoir la plus grande représentativité gouvernementale", a-t-il estimé .

"Avec pareille composition, le gouvernement de Youssef Chahed serait incapable de résoudre des problèmes urgents dont le chômage, l'endettement, la corruption ou encore la dégringolade du dinar", a réagi l'ex-président tunisien Moncef Marzouki et fondateur du parti opposant Harak Tounes Al-Irada.

Sans citer des noms, l'ex-président tunisien a soupçonné certains candidats d'implication dans des affaires de corruption ou encore d'incompétence politique.

Du côté du Front populaire (FP), principal poids politique de l'opposition parlementaire (alliance d'une dizaine de partis de gauche, avec 15 députés), la confiance ne sera pas accordée au gouvernement de Youssef Chahed, comme officiellement annoncé par le porte-parole du FP, Hama Hammami.

"Il s'agit par ailleurs d'un simple prolongement du gouvernement de Habib Essid" , a estimé Hama Hammami lors d'une conférence de presse, en insistant que ce gouvernement "sera plus fragile face à la dominance de lobbies locaux d'un côté et aux directives des instances financières mondiales, de l'autre" .

"Bon nombre de secrétaires d'Etat sélectionnés par le chef du gouvernement Youssef Chahed se trouvent dans les alentours proches du président de la République Caïd Essebsi" , a encore regretté Hama Hammami.

Le conflit d'intérêts, principal défi du nouveau pouvoir exécutif

Vu la multitude de courants politiques (gauche, droite, libéraux et islamiste) faisant partie de la composition gouvernemental d'union nationale, la tâche sera des plus délicates pour le nouveau chef du gouvernement tunisien contraint à faire cohabiter plusieurs idéologies et à les rassembler au service de l'intérêt de son pays.

"Youssef Chahed sera face à une épreuve décisive et vitale par rapport à l'avenir du pays (...) il doit trouver une formule pour absorber les instructions des bailleurs de fonds et organisations internationales sans pour autant toucher à l'équilibre du tissu social de son pays", pense Nizar Makni, observateur spécialisé dans le régime politique tunisien.

L'Union générale tunisienne du Travail, puissante centrale syndicale qui a participé aux concertations autour de la composition du nouveau gouvernement, n'acceptera jamais de décevoir ses adhérents et de s'incliner ainsi face à telles pressions notamment les directives qualifiées d'exagérées issues du Fonds monétaire international, estime M. Makni.

L'autre face de la monnaie consiste, selon des experts tunisiens, à trouver au plus vite possible de nouvelles alternatives économiques et financières pour remédier au déficit budgétaire, ramener la dette extérieure au-dessous de 50% du PIB mais surtout atténuer le chômage qui touche à plus de 15% de la population active et à 35% des jeunes tunisiens.

La réussite du nouveau gouvernement d'union nationale de Youssef Chahed reste tributaire, conclut M. Makni, du degré de sa maturité politique à la hauteur de bien gérer les divergences de convictions partisanes au sein de son cabinet mais également de sa capacité de gérer les réformes économiques et financières escomptées sans pour autant perdre la confiance de la population.

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
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