Dernière mise à jour à 08h39 le 22/02
Le premier tour de la présidentielle au Tchad aura lieu le 10 avril 2016. Le président Idriss Déby Itno, qui brigue un cinquième mandat, rameute ses troupes: remaniement du gouvernement, restructuration et mobilisation au sein du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir).
C'est à Mahamat Zène Bada que le président-fondateur du MPS, Idriss Déby Itno, a confié jeudi les rênes de son parti, conformément aux recommandations du 7ème congrès extraordinaire tenu les 8 et 9 févier à N'Djaména, la capitale. Une nouvelle promotion pour celui qui était chargé jusque là de l'idéologie et de la propagande au sein du parti au pouvoir.
L'ancien maire de la capitale, dont on connaît les capacités de mobilisation, sera l'un des hommes-clés pour la campagne du président sortant. Il devra s'appuyer sur deux secrétaires généraux adjoints: Mme Madjidian Padja Ruth et Zakaria Mahamat Saleh. Et sur un Bureau politique national (BPN), seul organe exécutif supérieur, dont la composition a été dévoilée en même temps que les trois secrétaires nationaux.
Le BPN, une structure qui ressemble de près à un gouvernement parallèle, compte 80 personnalités, représentant les vingt-trois régions du pays. On y retrouve des caciques du pouvoir, tels que Ahmat Mahamat Bâchir (le ministre de la Sécurité publique), Mme Mariam Mahamat Nour (le ministre du Plan et de la Prospective), Nadjita Béassoumal (un des pères fondateurs du parti), Ali Haroun (le maire de N'Djaména), Abdoulaye Sabre Fadoul (le ministre Secrétaire général du gouvernement), Emmanuel Nadingar et Adago Yakhouba (les deux ex-secrétaires nationaux). Ou encore des étoiles montantes comme Zakaria Déby Itno (un des fils du chef de l'Etat), Ahmat Khazali Açyl (beau-frère du président et ministre de l'Education nationale), Bétel Miarom (ministre de la Jeunesse et des Sports)
La désignation des membres du BPN intervient deux jours après la publication du nouveau gouvernement dirigé par Pahimi Padacké Albert. En nommant, le 13 février, un de ses alliés à la tête du gouvernement, le président Déby veut ratisser large. Surtout que le nouveau Premier ministre, à l'instar de son prédécesseur Kalzeubé Payimi Deubet, est issu de la région du Mayo-Kebbi ouest, frontalière avec le Cameroun et fief de Saleh Kebzabo, chef de file de l'opposition.
"L'inquiétude principale de Déby, c'est Saleh Kebzabo. Avec son allié, il veut donc une union sacrée contre son principal challenger de 2016, devenu un abcès de fixation pour tous les tenants du pouvoir", explique Kariba Dari, analyste politique. Selon le journaliste, la démarche du président sortant est théoriquement cohérente et même intelligente. "Mais elle ne manque pas de faille. Rien ne garantit que les électeurs de Padacké reporteraient automatiquement leurs voix sur Déby".
Le 10 avril, le président sortant devra en découdre avec son principal opposant qui devrait être investi ce dimanche par son parti. S'il avait boycotté la présidentielle de 2011 qu'il avait qualifiée de "mascarade électorale" (remportée à plus de 64% par le président Déby Itno), Kebzabo estime que l'heure de l'alternance est arrivée. Le président de l'Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) espère amener le président-sortant au second tour et le battre avec une union sacrée de l'opposition.
Une vingtaine d'autres candidats se sont déjà déclarés. Parmi eux, il y a l'inoxydable Kassiré Delwa Coumakoye, dit "Kascou", qui se targue d'être le seul à avoir dirigé le gouvernement à deux reprises. Le président du Viva-RNDP vient de claquer la porte de la coalition présidentielle, fustigeant le président Déby de ne pas lui avoir donné le perchoir de l'Assemblée nationale, après la victoire de 2011. "Nous avons appuyé trois mandats du MPS. C'est fini pour celui-ci", martèle Kascou. Il y a aussi Laoukein Kourayo Médard, le maire de Moundou, la capitale économique qui échappe toujours au contrôle du parti au pouvoir. Ou encore Joseph Djimrangar Dadnadji, un autre ancien Premier ministre entré en dissidence en avril 2014 et qui veut "mettre fin à une gestion patrimoniale de l'Etat".
Dans son discours d'acceptation, le président-candidat a coupé l'herbe sous les pieds de ses détracteurs en annonçant, s'il est élu, l'organisation d'une large consultation nationale regroupant toutes les forces vives progressistes du pays. "Ces assises offriront l'occasion de déboucher sur une refonte constitutionnelle nous permettant de franchir un nouveau cap dans l'édification d'une société démocratique", a-t-il précisé. Parmi les mesures de cette réforme constitutionnelle: la réforme de l'Etat pour passer de la centralisation à un système de type fédéral, la réorganisation de la justice et la réintroduction du principe de limitation des mandats présidentiels. Si ses opposants lui rappellent que c'est lui qui a fait sauter, il y a dix ans, le verrou constitutionnel qui limitait le mandat présidentiel à deux, le chef de l'Etat sortant s'en défend. "La réforme constitutionnelle de 2005 a été opérée dans un contexte où la survie de la Nation était en jeu", affirme-t-il, faisant allusion aux rébellions armées qui avaient ébranlé son régime.
La campagne est donc déjà lancée. Le 10 avril, plus de 6.260.000 électeurs, inscrits sur un fichier biométrique, seront appelés aux urnes pour choisir parmi cette multitude de candidats.