Des rizières en Camargue. |
Peu de gens le savent, mais en France, on cultive aussi du riz. Certes beaucoup moins qu'en Chine –la production n'est que de quelques dizaines de milliers de tonnes- et depuis beaucoup moins de temps –depuis le 13e siècle- mais ce riz, de très haute qualité, existe bien. Il est exclusivement cultivé dans la région de Camargue, dans le Sud de la France –entre Provence et Languedoc-Roussillon- et bénéficie d'une appellation d'origine protégée. Mais en France comme ailleurs, qui dit culture du riz dit aussi mauvaises herbes. Mais l'un de ces riziculteurs, Bernard Pujol, a trouvé la solution. Il cultive ses rizières avec des canards en guise de désherbant, une technique ancestrale bio venue de Chine.
A l'origine, il s'occupait d'un très grand domaine camarguais, et faisait « un peu de bio par opportunité », avant de s'installer seul à Saint-Gilles, dans le département du Gard, sur 60 hectares environ, dont une quinzaine dédiée au riz. C'est son fils, compagnon tailleur de pierre qui un jour, rentrant du Japon, lui a parlé d'une technique découverte là-bas, et originaire de Chine : dans certaines rizières, des paysans utilisent des canards contre les mauvaises herbes. C'est tout bénéfice, car cela donne une double activité –les canards engraissés peuvent être vendus pour leur viande- un peu moins de travail, et surtout beaucoup moins de produits chimiques dans les terres.
C'est à la fin du mois de mai que tout se passe pour M. Pujol : il sème son riz, laisse pousser un peu, puis inonde abondamment la rizière et, au bout de quinze jours ou trois semaines, la quatrième feuille apparaît. Le plant pousse très vite pour survivre, retrouver l'air, tandis que les mauvaises herbes, retardées par le faux semis fait en avril, pourrissent en partie sous l'eau. Et c'est là que M. Pujol sort sa botte sécrète : il attend quelques jours et lâche ses canetons, âgés de 15 à 20 jours, qui vont grandir avec le riz, mangeant les herbes qui ont survécu et picorant les germes restés dans le sol. Pourquoi le canard ne mange t-il pas les plants de riz ? Tout simplement parce qu'ils sont chargés de silice, qui rend ses feuilles rêches, coupantes et peu appétissantes. Le canard, qui n'est pas bête, raffole au contraire des mauvaises herbes des rizières : il les piétine, les mange et trouble l'eau en se déplaçant, ce qui gêne un peu plus la germination des mauvaises herbes.
A la mi-octobre, une fois le riz moissonné, M. Pujol inonde de nouveau et remet ses canards, qui ont déjà bien engraissé et dépassent déjà 3 kilos en novembre. Il les vend quand ils sont âgés entre 6 et 10 mois, soit plus que chez les éleveurs où, d'ordinaire, ils dépassent rarement 120 jours. En plus, les canards de M. Pujol sont nourris de manière naturelle, puisqu'ils ne mangent que des herbes, des germes, des grains de riz tombés, des insectes et des grenouilles mortes, qui lui donnent, paraît-il, une chair particulière, presque violette, proche de celle du canard sauvage mais un peu difficile à cuire. Quant au riz, il en récolte quatre tonnes par hectare, qu'il vend essentiellement en direct, au prix de 22 Euros les 5 kilos, à des particuliers et à des restaurants haut de gamme.