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Pourquoi les jeunes Chinois sont-ils si anxieux ?

le Quotidien du Peuple en ligne | 17.11.2018 11h49

« Je perds mes cheveux, et ça me rend assez agitée toute l'année », a déclaré Jia Xue, une jeune femme de 25 ans qui vient de devenir directrice du marketing dans une société de l'Internet et a l'espoir d'une carrière plus prometteuse.

Le mot « calvitie » est devenu un terme à la mode parmi la génération post-90 l'an dernier ; c'est à la fois une marque d'auto-dérision mais aussi un problème de santé de plus en plus répandu chez les jeunes Chinois. Ce n'est pas la seule étiquette que les jeunes nés dans les années 90 se sont donnée. Les cheveux gris, l'insomnie et la détresse gastrique font partie des symptômes courants de leur génération, qui incrimine la pression sociale comme principal responsable de ces problèmes.

Un rapport annuel récent de l'Académie chinoise des sciences sociales sur la mentalité sociale en Chine a révélé que 31,6% des personnes interrogées se sentent souvent anxieuses, tandis que celles qui montreraient des signes d'agitation et de tensions représentent 42,8%.

L'inquiétude suscitée par des problèmes de logement, d'éducation, de santé, d'emploi, d'exposition excessive aux médias sociaux et de crises d'identité, en particulier pour les personnes de statut social inférieur, a alimenté le mécontentement des Chinois. Selon le rapport, la génération post-90 est la moins heureuse, tandis que celle des post-80 est juste derrière. Dans le même temps, ceux qui se trouvent à l'une des extrémités du spectre -les moins de 20 ans et les septuagénaires- sont les plus satisfaits.

Yang, éditeur dans les médias né en 1991 et originaire du Shanxi, dans le nord de la Chine, se plaint de la flambée des prix de l'immobilier à Beijing, même si elle a ralenti depuis la mi-2018. « Je ne pourrai jamais me payer une maison ici avec mon maigre salaire, même si un jour, je reçois une augmentation de salaire », a-t-il dit.

Depuis des années, les prix prohibitifs de l'immobilier frappent une majorité de jeunes Chinois travaillant dans des villes de premier rang.

« J'ai même perdu la motivation pour gagner ma vie plus décemment, car malgré tous mes efforts, je n'arrive toujours pas à acheter une maison à moi », a confié Jia Xue. Elle estime aussi que la vie est plus difficile en tant que femme, en raison de la discrimination fondée sur le sexe sur le lieu de travail, et même de la politique relative au second enfant, qui incite les femmes à concilier famille et travail. « Pour l'instant, je veux seulement rester célibataire sans famille à entretenir », se lamente-t-elle.

Au cours des deux dernières décennies, l'économie chinoise a décollé. Les autoroutes, Les ponts aériens et les gratte-ciel transperçant les nuages semblaient avoir été construits du jour au lendemain, créant une prospérité fascinante non seulement sur le plan matériel, mais aussi socialement et culturellement. Les jeunes des années 80 et 90 vivent à une époque d'abondance matérielle plus grande que les générations précédentes et ont donc tendance à adopter davantage de valeurs post-matérialistes -l'indépendance, l'individualité et l'expression de soi.

« Mais après avoir grandi, ils se sentiront facilement frustrés lorsqu'ils découvriront que leurs valeurs vont à l'encontre du monde réel tout en luttant pour gagner leur vie », explique Qu Yuping, professeur de psychologie basé à Shanghai.

L'économie en mutation rapide a rapidement reconfiguré le tissu de l'emploi en Chine, ce qui a créé une myriade d'occasions pour les jeunes. Néanmoins, il est aussi facile de se perdre dans des opportunités vertigineuses.

Yi Chen, diplômée en langue portugaise, a décroché un emploi où ses compétences ne lui sont d'aucune utilité. « Je me sens bouleversée au travail mais je dois accumuler de l'expérience, au moins un an, pour partir et en prendre un autre ». Elle a souffert d'insomnie après l'obtention de son diplôme.

Une expérience de travail limitée est l'un des obstacles que doivent surmonter les jeunes pour parvenir à la carrière de leurs rêves. Pour ceux qui passent des années à travailler dans un environnement sophistiqué, il est difficile de repartir avec une startup.

Wang Yuan, cofondateur d'une entreprise de conception de paysage qui vient d'avoir 35 ans, a perdu ses espoirs. Il ne pensait jamais que le secteur immobilier se détériorerait dans un laps de temps aussi court et s'est récemment inscrit à un cours de floriculture, décidant de développer son activité dans l'espoir d'un horizon plus clair. « Soyez prudent avant de démarrer une entreprise. Il n'y a pas de retour en arrière », a-t-il dit en guise d'avertissement à ses plus jeunes pairs.

Alors que le pays le plus peuplé du monde s'urbanise rapidement, ses zones rurales se transforment pour rester en phase avec le déluge d'occasions économiques qui se développent à partir des villes. Au cours des dernières années, les jeunes ruraux ont envahi les centres urbains pour construire ces infrastructures modernes qui a séduit les observateurs nationaux et internationaux.

Parmi ces travailleurs migrants qui construisent la tour CITIC, le plus haut bâtiment de Beijing, un artisan du bois âgé de 22 ans de la province du Guangdong, dans le sud de la Chine, qui a déclaré avoir quitté sa ville natale pour la mégapole afin de goûter lui aussi au miracle économique. Mais il ne peut pas se permettre un jour de congé même pour découvrir la ville, car alors il perdrait le salaire de cette journée. Malgré tout, son impression la plus profonde de la capitale, ce sont les prix de la consommation élevés.

L'élargissement du fossé des richesses et l'ossification subséquente des structures sociales -des sous-produits inévitables de mutations radicales- ont donné lieu à des cas d'injustice. « C'est pourquoi les jeunes se sentent anxieux, car ils veulent l'égalité et de la considération humaine », a souligné QuYuping.

Mais ils devraient rester optimistes. Car au moment où le gouvernement central milite pour une plus grande ouverture et la poursuite du libre-échange dans un monde globalisé, les opportunités sont plus accessibles que jamais.

(Rédacteurs :Gao Ke, Yishuang Liu)
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