Dernière mise à jour à 09h05 le 05/03
Depuis le début des manifestations massives en Algérie contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel, Paris se montre très prudent et fort peu prolixe sur la crise que traverse son ancienne colonie.
La France, où vit une importante communauté algérienne, apparaît confrontée à un dilemme: soit se taire en prenant le risque d'être taxée d'indifférence et de soutien au régime, soit se prononcer et se voir accusée d'ingérence.
"Nous avons pris note de la candidature du président Bouteflika. Nous souhaitons que l'élection présidentielle se déroule dans de bonnes conditions", a sobrement déclaré, lundi, lors d'un point presse, la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères interrogée sur la situation en Algérie. Avant d'ajouter pour tout commentaire: "C'est au peuple algérien qu'il appartient de choisir ses dirigeants et de décider de son avenir".
Quant au président Macron, il se garde bien de s'exprimer. Le chef de l'État français s'est entretenu directement avec l'ambassadeur de France en Algérie la semaine dernière. Mais rien à filtrer.
Quant aux rares ministres qui acceptent de dire quelques mots sur la crise algérienne, ils reprennent prudemment la ligne officielle.
"La France veut réaffirmer la souveraineté du peuple algérien, l'Algérie doit saisir et choisir son destin, nous n'avons pas là à commenter ce qui est en train de se passer", a ainsi déclaré dimanche sur Europe 1, CNews et Les Échos le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume.
Paris marche sur des œufs depuis le début des manifestations contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. A 82 ans, le chef de l'Etat algérien au pouvoir depuis 20 ans a une nouvelle fois reçu des soins médicaux la semaine dernière à Genève, en Suisse où, selon les médias helvétiques, il se trouverait encore.
Sa candidature a officiellement été déposée dimanche malgré la contestation massive de la jeunesse du pays qui, depuis une semaine, manifeste dans tout le pays pour réclamer par des cris dans la rue qu'il "dégage".
S'il est réélu le 18 avril prochain, le président algérien a fait savoir dimanche qu'il comptait lancer un grand processus national de changement de système politique, et d'organiser des élections anticipées auxquelles il s'engage à ne pas participer.
Si la France, ancienne puissance coloniale, se montre particulièrement précautionneuse sur ce dossier, c'est que le poids de son histoire avec l'Algérie est encore vif à plus d'un titre.
Malgré de fortes inquiétudes quant à un risque de déstabilisation du pays, Paris, à ce stade, ne peut s'exprimer ouvertement sans risquer de mettre de l'huile sur le feu.
L'éditorialiste du quotidien français de droite Le Figaro, Guillaume Tabard, n'hésite d'ailleurs pas à écrire ce lundi: "La présidentielle algérienne est aussi une question française".
C'est "un casse-tête pour tous les présidents français tant la question algérienne est pour la France épineuse, mêlant fantômes historiques, incertitudes géopolitiques, défis économiques et craintes démographiques", explique-t-il.
Malgré la fin de la guerre et la déclaration d'indépendance, en 1962, scellées par les accords d'Evian, les plaies n'ont jamais vraiment cicatrisées entre les deux Nations. Les liens entre la France et l'Algérie restent cependant très étroits dans de nombreux domaines (économiques, diplomatiques et sécuritaires, notamment en matière de lutte contre le terrorisme).
Il ne faut d'autre part pas oublier qu'une importante communauté algérienne vit en France tout comme de nombreux Français sont installés en Algérie.
Plusieurs centaines de milliers de binationaux vivent sur l'une ou l'autre des deux rives de la Méditerranée.
Une déstabilisation de l'Algérie aurait de potentielles conséquences dans l'Hexagone où se sont d'ailleurs déroulées de nombreuses manifestations contre le président Bouteflika.
Une partie de la droite française agite notamment le spectre d'une crise migratoire et l'épouvantail d'une fuite massive d'Algériens vers la France; une hypothèse qui, en l'état, ne semble guère reposer sur des faits objectifs.
L'Élysée semble donc pour le moment condamné à continuer à scruter l'évolution de la situation de l'autre côté de la Méditerranée en prenant bien garde de ne pas commettre de faux pas.
La France apparaît confrontée à un dilemme: soit se taire en prenant le risque d'être taxée d'indifférence et de soutien au régime, soit se prononcer et se voir accusée d'ingérence.