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En Afrique, Emmanuel Macron devra relever des défis de taille

Xinhua | 02.12.2017 14h00

Le président français Emmanuel Macron a résolument placé sa première tournée africaine, qui s'est achevée jeudi, sous le signe du renouveau des relations entre Paris et le continent africain. Mais le changement de ton, la volonté d'imprégner son style, des annonces symboliques ne peuvent faire oublier les sérieuses difficultés auxquelles est confrontée la France.

Limiter les flux migratoires à destination de l'Europe, consolider et rendre plus efficace la lutte antiterroriste apparaissent comme les deux plus gros défis auxquels devra faire face le chef de l'Etat français.

Emmanuel Macron a plaidé avec force pour une nouvelle "grammaire d'action" dans les relations entre Paris et le continent africain lors d'une visite savamment orchestrée. Face à des étudiants au Burkina Faso mardi, devant ses pairs au sommet Union européenne-Union africaine à Abidjan mercredi, ou encore à l'issue de son entretien avec son homologue au Ghana jeudi, le président français a répété qu'il n'y a "plus de politique africaine de la France".

Même s'il n'a pas prononcé le mot, c'est donc bien de tourner la page de la "Françafrique", ce système d'influence exercé par la France sur ses anciennes colonies, qui entretenait un certain nombre de pratiques et de relations occultes avec des dirigeants africains, qu'a promis Emmanuel Macron. Ses prédécesseurs, en début de mandat, s'étaient eux aussi engagés à transformer les relations entre Paris et le continent africain. "Le temps de ce qu'on appelait la Françafrique est révolu", avait notamment affirmé le président François Hollande à Dakar en 2012.

"Je suis d'une génération où on ne vient pas dire à l'Afrique ce qu'elle doit faire, quelles sont les règles de l'Etat de droit mais où partout on encouragera celles et ceux qui en Afrique veulent prendre leurs responsabilités", a lancé le jeune chef de l'Etat français âgé de 39 ans, devant quelque 800 étudiants à l'université de Ouagadougou mardi. Sur un continent où 60% des habitants ont moins de 25 ans, la France veut parier sur la jeunesse, sur l'éducation et la formation, et sur les investissements.

Lors de sa tournée, le chef de l'Etat français a fait une série d'annonces dont la portée symbolique est non négligeable. Il s'est notamment engagé à déclassifier l'intégralité des documents français relatifs à l'assassinat de l'ancien président burkinabé Thomas Sankara. Il a annoncé la restitution "temporaire" ou "définitive" dans les cinq ans d'oeuvres d'art africaines, soulignant qu'il ne pouvait "accepter" qu'elles demeurent en France ou ailleurs en Europe.

Si la tournée africaine d'Emmanuel Macron a globalement séduit par son style, le chef de l'Etat français a néanmoins essuyé de vives critiques sur les réseaux sociaux en Afrique et en France pour s'être notamment autorisé une plaisanterie à l'égard de son homologue burkinabé Roch Marc Christian Kaboré.

Mais surtout, les difficultés auxquelles la France fait face en Afrique sont considérables. Le chef de l'Etat français l'a lui-même concédé sur France 24 et RFI mercredi soir, reconnaissant qu'"une défiance s'est installée à l'égard de l'Union européenne et à l'égard de la France".

D'autre part, le renforcement de la présence militaire française dans la plupart des pays de l'Afrique francophone dans le cadre de la lutte antiterroriste est fortement critiqué par les opinions publiques. L'objectif est de passer le relais "aux organisations régionales". Mais ces dernières ne sont pas prêtes et manquent de moyens.

Et sur le terrain, la force G5 qui regroupe, outre la France, les moyens militaires de cinq pays (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie) ne parvient pas à stopper la progression des groupes terroristes. Presque cinq ans après le déclenchement des opérations Serval au Mali, la situation reste des plus délicates.

Pour accélérer le déploiement de la force militaire du G5 Sahel contre le terrorisme dans la région, Emmanuel Macron a annoncé une rencontre à Paris le 13 décembre pour augmenter les moyens et la force de frappe de cette nouvelle force multinationale.

La question migratoire est l'autre gros écueil auquel devra faire face le président Macron. Le chef de l'État français a de nouveau dénoncé pendant sa tournée africaine le scandale de la traite des migrants subsahariens en Libye, revendus comme esclaves, qu'il a qualifié de "crime contre l'humanité". "C'est une tragédie que nous avons laissée prospérer", a-t-il dit avant de promettre une "initiative euro-africaine" pour démanteler les réseaux terroristes, de trafics d'armes et d'êtres humains.

Le plan, décidé mercredi soir en marge du sommet UE-Afrique à Abidjan, visant à "évacuer" les migrants victimes d'esclavage en Libye, laisse cependant de nombreuses questions en suspens. Mais surtout, l'Union européenne manque toujours d'une politique commune globale en matière migratoire et ses Etats-membres, sous la pression de leurs opinions publiques, se montrent de plus en plus enclins à des pratiques de "sous-traitance" de la crise migratoire aux conséquences parfois dramatiques.

Outre les enjeux militaires, migratoires, politiques et diplomatiques, il faut enfin relever que sur le plan économique, les parts de marché de la France sur le continent africain sont tombés à 4% alors même que les investissements en Afrique ont explosé pour atteindre 60 milliards de dollars. Une tendance que le président Macron, à n'en point douter, aimerait bien inverser.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Guangqi CUI)
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