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France/Présidentielle 2017 : La victoire d'Alain Juppé à la primaire n'est pas encore acquise

Xinhua | 05.11.2016 10h21

Bien que jugé vainqueur du second débat télévisé de jeudi et conforté dans sa position de favori par les sondages, l'ancien Premier ministre et maire de Bordeaux, Alain Juppé, reste confronté à certaines inconnues sur la route de l'investiture à la primaire de la droite et du centre (dont le scrutin se tiendra les 20 et 27 novembre) afin de désigner le champion de sa famille politique dans la course à l'élection présidentielle française de 2017.

Décidée en 2012 par l'UMP (devenue "Les Républicains"/LR) pour mettre un terme aux guerres intestines sévissant en son sein, la primaire de la droite et du centre s'avère un exercice à la fois inédit et délicat pour une formation politique qui doit convaincre les Français qu'elle a su retrouver une cohésion et qu'elle est à même de reprendre les commandes d'un pays largement en proie au doute et au pessimisme.

Vendredi, à l'issue du second débat télévisé de jeudi soir, éditorialistes et observateurs avertis de la vie politique dans l'Hexagone s'accordaient majoritairement pour désigner une nouvelle fois le maire de Bordeaux Alain Juppé comme lauréat et pronostiquer son succès face à son challenger, l'ancien chef d'Etat Nicolas Sarkozy, lors du scrutin des 20 et 27 novembre prochains.

Pourtant, dans le camp de l'ex-Premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, on se garde bien de crier victoire trop tôt et on préfère se concentrer sur la stratégie développée depuis le début de la campagne : insister sur la dimension d'homme d'Etat, cultiver la posture de présidentiable, au-dessus de la mêlée, d'un Alain Juppé qui garde son calme face à un Nicolas Sarkozy souvent jugé "agité".

La question des "électeurs fantômes", comme le concèdent ouvertement certains de ses lieutenants, reste la première incertitude de l'issue du scrutin. Les électeurs qui plébiscitent Alain Juppé dans les sondages seront-ils au rendez-vous le Jour J? "Le corps électoral est la grande inconnue de cette primaire", a rappelé vendredi, sur les ondes de France Culture, le politologue français spécialiste de sociologie électorale, Pascal Perrineau.

"Toutes les enquêtes indiquent un fort taux de participation. Les deux débats télévisés ont enregistré une forte audience, nettement au-dessus de celle constatée lors de la primaire de la gauche en 2011", a relevé l'ancien directeur du CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po). Mais un scrutin inédit reste incertain par définition.

"Il y a un risque de démobilisation si une partie de son électorat du centre ou de gauche se dit : "Il n'a pas besoin de nous"", analyse Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l'Ifop (Institut français d'opinion publique) qui affirmait, dans un sondage publié le 1er novembre, que l'avance d'Alain Juppé sur son rival Nicolas Sarkozy avait fondu.

L'équipe de campagne du maire de Bordeaux a d'ailleurs fait de la mobilisation et de la pédagogie de la primaire ses priorités. "Si l'on considère les marges d'erreur des sondages de plus ou moins trois points et une mobilisation imparfaite, le premier tour peut se terminer dans un mouchoir de poche", affirme le directeur général délégué de l'institut de sondage Ipsos, Brice Teinturier.

Des électeurs rassurés par la défaite annoncée de Nicolas Sarkozy pourraient en effet renoncer à "voter utile" pour leur candidat Juppé et donner leur voix à un petit candidat. Une dispersion des votes qui pourrait alors profiter à l'ancien président de la République au soir du premier tour.

"Le risque de la démobilisation vaut aussi pour Sarkozy, dont 20% des électeurs pensent qu'il ne va pas gagner", nuance cependant Brice Teinturier.

Au-delà des incertitudes autour du taux de participation au scrutin, certains observateurs pointent du doigt un manque d'enthousiasme des partisans d'Alain Juppé qui serait finalement choisi davantage par défaut, car considéré "moins pire" que Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen.

Selon une étude Ipsos-Cevipof publiée le 25 octobre dans le journal Le Monde, 39% des électeurs d'Alain Juppé voteraient pour lui par adhésion, 21% "pour barrer la route à un autre candidat". Des quatre principaux prétendants à l'investiture à droite, il serait celui dont le taux d'adhésion est le plus faible.

L'âge de l'ancien Premier ministre, 71 ans, auquel Nicolas Sarkozy, son cadet de 10 ans, fait très fréquemment allusion, pourrait par ailleurs être considéré comme une faiblesse. Mais le maire de Bordeaux s'est engagé à ne faire qu'un seul mandat et son équipe insiste à dessein, et apparemment avec un certain succès, sur son expérience.

Autre inconnue : la réceptivité des électeurs à la question de la fiscalité, un des rares thèmes clivants entre les deux rivaux. Nicolas Sarkozy plaide pour un "choc fiscal" en proposant une baisse générale de 10% de l'impôt sur le revenu dès 2017 tandis qu'Alain Juppé entend limiter d'abord aux seules familles une diminution de l'impôt sur le revenu et fait de la baisse des déficits la priorité avant la baisse de l'impôt sur le revenu.

Enfin, le slogan de "l'identité heureuse" porté par Alain Juppé n'est pas forcément très audible par tous dans le contexte de la menace terroriste et de la crise migratoire sur lequel surfe l'extrême droite. L'ex-Premier ministre a-t-il pris un risque politique en rejetant, haut et fort, parce que "ce n'est pas une attitude humaine", la proposition de Nicolas Sarkozy de suspendre le regroupement familial?

Reste encore le danger, qui guette tous les candidats dans des campagnes très médiatisées, du faux pas, de l'impair, de la "petite phrase" ou de l'image qui décrédibilise...

En attendant, Alain Juppé continue sur sa lancée, avec en ligne de mire, trois meetings d'importance (à Bordeaux, Paris et Lille) d'ici le 20 novembre, tandis que les spéculations vont déjà bon train sur l'après-présidentielle, avec notamment l'éventualité de la nomination d'une femme au poste de Premier ministre.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Wei SHAN)
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