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Le « Brexit » changerait le modèle géopolitique européen

China.org.cn | 22.06.2016 15h57

Le 23 juin sera pour l'Europe un moment important : durant cette journée, le Royaume-Uni organisera un référendum sur son maintien ou non dans l'Union européenne. Si ce grand pays de l'UE quitte l'Union, ce ne sera pas seulement un sérieux revers pour l'intégration européenne ; cette décision aura un impact significatif sur le paysage géopolitique européen.

Le Royaume-Uni toujours ambivalent envers l'UE

Le Royaume-Uni, situé dans les îles britanniques, fait partie de l'Europe, mais est plus enclin à se tourner de l'autre côté de l'Atlantique vers les Etats-Unis, avec lesquels une relation spéciale s'est formée. L'ancien premier ministre britannique Winston Churchill disait « nous sommes avec l'Europe, mais nous n'appartenons pas à l'Europe », et parlait de « splendide isolement ». Après la Seconde Guerre mondiale, un engouement pour l'intégration européenne est apparu, avec l'établissement en 1957 de la Communauté économique européenne réunissant six nations : la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Le marché commun du continent a attiré le Royaume-Uni, qui a déposé une première demande d'adhésion en 1961. Toutefois, le président français de l'époque, Charles de Gaulle, y était opposé, inquiet que le pays soit un « cheval de Troie » des Etats-Unis en Europe. Ce n'est qu'en 1970, après la mort de Charles de Gaulle, que le Royaume-Uni n'a pu insister sur sa volonté d'adhésion. En 1973, le pays a officiellement pu rejoindre la CEE.

Les « opposants » à la CEE au sein du Royaume-Uni ont alors commencé à faire entendre leur voix. En décembre 1991, le Traité de Maastricht a été adopté, signant la création officielle de l'Union européenne. Le traité annonçait la création d'une union monétaire européenne, que d'une monnaie unique, l'euro. Le Royaume-Uni y a clairement exprimé son opposition. Face à l'intransigeance britannique, l'accord final a permis au pays et à d'autres de ne pas rejoindre la zone euro en échange de l'adoption du traité. Ainsi, le Royaume-Uni et d'autres pays ont décidé de ne pas intégrer la zone euro.

En 2011, l'UE a subi l'impact de la crise de la dette souveraine et a adopté un certain nombre de mesures pour venir en aide aux pays de la zone euro touchés par la crise, les contraignant dans le même temps à procéder à des réformes structurelles. Au début de l'année 2012, l'UE a adopté un « pacte budgétaire » fixant une limite au déficit budgétaire de chaque pays. Le Royaume-Uni a catégoriquement refusé d'adopter le pacte, devant l'un des deux seuls pays de l'Union à prendre cette décision.

Comment expliquer l'ambivalence du Royaume-Uni envers l'UE ? Tout d'abord, il convient de rappeler que le pays avait voulu adhérer à la CEE avant tout pour avoir accès au grand marché européen, dans l'espoir que l'avenir de l'Union irait dans le sens de plus de libre-échange, et non pas d'intégration sur le modèle des « Etats-Unis d'Europe ». Pour cette raison, l'intégration politique vers une union monétaire et fiscale est hors de question, les Britanniques refusant tout transfert de souveraineté nationale à l'Union européenne. Deuxièmement, la livre britannique est un symbole de la solidité financière du pays, et la livre est arrimée au dollar, le Royaume-Uni étant réticent à renoncer à sa monnaie. Ces dernières années, alors que l'UE subissait une crise de l'euro, les Britanniques se sont réjouis de ne pas avoir rejoint la zone et d'être épargnés. Londres est un centre mondial des transactions financières, ce qui explique l'opposition britannique envers la volonté de l'UE de renforcer la régulation financière et d'opérer une réforme fiscale. Le Royaume-Uni craint que ces mesures puissent affaiblir sa place financière. Le pays envisage sa relation avec l'UE davantage comme la Suisse que comme un membre de l'Union. En outre, après la crise de la dette souveraine, l'économie européenne a fortement souffert, la croissance connaît une lente reprise, et le continent doit désormais une crise due à l'afflux de réfugiés qui remet en cause ses règles fondamentales. La crainte du Royaume-Uni d'être tiré vers le bas fait qu'un nombre sans précédent de Britanniques appelle au « Brexit ».

Si le pays sort de l'UE, l'impact sera multiforme. Du point de vue géopolitique, trois aspects seront particulièrement visibles.

Tout d'abord, la place internationale de l'Europe diminuera. Le processus d'intégration européenne entamé dans les années 1950 a fait de l'UE l'exemple le plus réussi d'une intégration régionale dans le monde. L'UE compte aujourd'hui 28 membres, dispose d'une grande influence politique dans la communauté internationale, et est devenue un pôle important du monde multipolaire actuel. Le « Brexit » marquerait une scission ouverte de l'Union européenne, et même un signe précurseur de désintégration. Les sondages d'opinion montrent que près de la moitié de la population des pays d'Europe veut imiter le Royaume-Uni et organiser un référendum sur le maintien de leur pays dans l'UE. L'ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine a déclaré récemment que « le vrai problème en Europe aujourd'hui, c'est le décrochage des peuples. » Il a souligné la nécessité d'aborder le problème de l'afflux de réfugiés et du risque terroriste, ainsi que d'aborder le scepticisme envers l'UE et l'euro d'un nombre croissant de citoyens. Aux Etats-Unis, le journal Wall Street Journal a prédit que « la crise de survie de l'Union européenne sera l'un des plus grands événements géopolitiques de l'année 2016 ».

Face à une profonde crise multiforme en Europe, la place en déclin de l'UE sur la scène internationale est un nouveau facteur à prendre en compte dans les relations entre les grandes puissances.

En deuxième lieu, les Etats-Unis craignent l'effondrement de la relation transatlantique.

En raison de la relation spéciale entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni, l'adhésion de ce dernier à la CEE est devenue un outil des Etats-Unis pour contrôler l'Europe. Pendant longtemps, la position du Royaume-Uni dans l'Union européenne a reflété en grande partie celle des Etats-Unis, ce qui a été particulièrement visible dans le projet européen en matière de défense. En raison de l'opposition des Etats-Unis à ce projet, le Royaume-Uni a repoussé l'ambition d'une défense commune le plus longtemps possible.

Si les Britanniques se retirent de l'UE, les Etats-Unis perdront leur « agent » au sein de l'Union, et leur capacité de contrôle des affaires européenne en sera grandement affaiblie. Le « front pro-américain » assuré par le Royaume-Uni et les pays d'Europe centrale et orientale au sein de l'UE laissera une plus grande place aux velléités d'indépendance des autres pays européens. Actuellement, en raison de la crise ukrainienne qui a provoqué une « nouvelle guerre froide » entre l'Occident et la Russie, le retrait britannique serait préjudiciable à l'action commune de l'UE et des Etats-Unis contre la Russie. Cela serait extrêmement défavorable à la stratégie de rééquilibrage des Etats-Unis vers l'Asie-Pacifique. Les Etats-Unis craignent même un affaiblissement, voire un effondrement, de la relation transatlantique.

Troisièmement, la position de la France sera renforcée. Un scénario « Brexit » serait catastrophique pour l'UE, mais pour la France, cela serait certes une mauvaise chose, mais pas la fin du monde. Si les Britanniques se retirent de l'UE, les voix d'opposition aux mesures politiques au sein de l'UE s'en trouveront affaiblies, et les grands pays comme la France et l'Allemagne auront moins de mal à obtenir un consensus, le processus de prise de décision de l'UE se fera plus en douceur. Les voix qui appellent à plus d'intégration européenne ou à adopter des positions communes en matière d'affaires étrangères et de sécurité seront plus écoutées. Au sein d'une Union européenne sans le Royaume-Uni, la position et l'influence de la France seront consolidées et renforcées.

Le retrait du Royaume-Uni ne nuira pas à ses relations bilatérales avec la France. Ces deux grands pays dotés d'armes nucléaires ont établi une alliance militaire qui s'est concrétisée durant la guerre de Libye. La stratégie européenne de la France est de promouvoir l'intégration européenne dans une alliance avec l'Allemagne, et de tirer parti de son alliance avec la Grande-Bretagne pour jouer un rôle de premier plan dans les affaires européennes de sécurité. Cette « double stratégie » ne changera pas, même en cas de retrait britannique de l'UE.

 

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)

(Rédacteurs :Guangqi CUI, Wei SHAN)
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