Dernière mise à jour à 08h41 le 06/02
Le Premier ministre français Manuel Valls à l'Assemblée nationale à Paris, le 5 février 2015. (Théo Duval) |
Le projet de loi portant révision de la Constitution qui a été discuté vendredi à l'Assemblée nationale, continue de diviser la classe politique française, malgré les assurances du Premier ministre Manuel Valls.
M. Valls a présenté vendredi aux députés pour discussion, le texte relatif à l'état d'urgence et à la déchéance de nationalité que le gouvernement veut inscrire dans la Constitution.
Dans ce nouveau texte, la déchéance qui ne visait que les binationaux nés français sera désormais applicable à tous les Français (binationaux et mononationaux) coupables de terrorisme et, la déchéance de nationalité, aujourd'hui prononcée par décret, deviendra une peine complémentaire prononcée par le juge pénal.
M. Valls a également assuré au sujet de l'état d'urgence en annonçant une possible restriction de sa durée de prorogation à une période maximale de quatre mois, renouvelable. Une avancée par rapport à la loi de 1955, qui ne prévoit aucune limite temporelle.
Mais malgré ces concessions, le Premier ministre français n'a pas réussi à faire l'unanimité autour de son projet de loi, les politiques étant plus que jamais divisés sur la nécessité ou pas, de constitutionnaliser l'état d'urgence et la déchéance de nationalité.
"Je ne vois pas l'utilité de constitutionnaliser l'état d'urgence. Nous avons une loi qui prévoit cette situation de crise. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs statué en disant que ce dispositif n'était pas anticonstitutionnel donc il n'y a aucun impératif à mettre l'état d'urgence dans notre Constitution si ce n'est de faire de l'esbroufe", a déclaré Marion Maréchal Le Pen, au nom du Front national (FN).
Sur la déchéance, la députée du FN souligne que l'objectif initial de cette réforme était d'élargir le périmètre de la nationalité, mais dit-elle, "on se rend compte qu'à l'état actuel de la rédaction du texte la conséquence directe c'est la restriction du droit existant. C'est-à-dire moins de possibilité de déchéance puisque le gouvernement dans le texte impose un préalable aux condamnations, ce qui n'est pas le cas dans une partie des dispositions du droit actuel... Je ne crois pas que le Front national votera cette réforme", a indiqué Mme Le Pen.
Au parti Les Républicains, principal parti d'opposition, les députés sont divisés sur la question.
Nathalie Kosciusko Morizet, présidente du groupe Les Républicains, a déclaré lors de sa prise de parole à l'Assemblée que "cette révision est inutile et elle est dangereuse" et que le gouvernement qui appelle à l'unité contre le terrorisme et est en train de "dissoudre dans cette réforme de surcroit inutile". Tout comme son collègue républicain François Fillon qui a qualifié ce projet de révision constitutionnelle de "bricolage précipité".
Quant à Eric Ciotti, également député du même parti (Les Républicains), il dit être en phase avec le texte présenté par Manuel Valls."Je reste dans ma position initiale de fidélité et de respect à des convictions. J'ai toujours défendu la déchéance de nationalité pour les terroristes y compris les terroristes binationaux nés français donc, personnellement je souhaite voter ce texte", a indiqué le député à BFMTV.
En ce qui concerne les députés socialistes qui s'étaient majoritairement opposés à la déchéance de nationalité parce que ne concernant que les seuls binationaux nés français, ils ont désormais décidé de voter le nouveau texte.
"Il y avait un point qui ne pouvait pas passer pour les députés socialiste : c'est de faire une différence entre les Français qui ont acquis la nationalité et ceux qui sont nés français. C'était une inégalité que nous n'approuvions pas. Aujourd'hui nous avons réussi à convaincre et la proposition de Manuel Valls est tout à fait convenable c'est pourquoi nous allons la voter", a dit le député socialiste Patrick Mennucci.
Selon M. Mennuci, la constitutionnalisation de l'état d'urgence garantie aux Français à la fois la sécurité et la liberté parce que la Constitution est protectrice. Et demander au juge de définir la déchéance de nationalité est également une garantie judiciaire à tous les Français.
Le Parti chrétien-démocrate ne votera pas ce projet de révision constitutionnelle.
"Je vais voter contre puisqu'il n'y a pas de nécessité à faire rentrer dans la Constitution une disposition de l'état d'urgence. Je ne vois aucune nécessité non plus de faire rentrer la déchéance de nationalité dans la Constitution car ce n'est pas le rôle de la Constitution d'incorporer une telle disposition", a expliqué le député Jean Frédéric Poisson du parti Chrétien démocratie, sur LCI.
Selon M. Poisson, la Constitution est un texte qui garantit les libertés fondamentales et qui doit assurer la cohésion de la nation. Donc, on ne doit pas y ajouter des dispositions comme l'état d'urgence qui réduisent les libertés fondamentales ou la déchéance qui modifie la manière d'appartenir à la nation.