Dernière mise à jour à 08h18 le 25/01
Une nouvelle prolongation de l'état d'urgence annoncée par les autorités françaises fait polémique entre spécialistes, politiques et défenseurs des droits de l'Homme.
Si le gouvernement justifie cette nouvelle prolongation de l'état d'urgence qui devrait prendre fin le 26 février prochain, par le souci de sécurité face à la menace terroriste, les défenseurs des droits de
l'Homme y voient une "restriction des libertés qui n'a rien à voir avec une lutte efficace contre le terrorisme".
L'état d'urgence, décrété au lendemain des attentats du 13 novembre à Paris et prolongé, après un vote au Parlement, de douze jours à trois mois, peut à nouveau être prorogé, avait informé mardi le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, au sortir d'une rencontre avec le président français François Hollande.
Cette "probable" nouvelle prolongation de l'état d'urgence, qui fait déjà débat, a été confirmée par le Premier ministre français Manuel Valls vendredi au micro de la radio BBC.
"L'état d'urgence devrait rester en place aussi longtemps que la menace est présente. Nous devons utiliser tous les moyens nécessaires jusqu'à ce que nous nous débarrassions de Daech", a déclaré M. Valls.
Le président du parti Les Républicains (opposition), Nicolas Sarkozy, se dit également favorable à une nouvelle prolongation de l'état d'urgence afin de renforcer la sécurité des Français.
"Nous avons indiqué notre disponibilité à voter tout texte qui renforcerait sans ambigüité la sécurité des Français. Donc, nous sommes disposés à voter la réforme de la Constitution si cette réforme est centrée sur la question de constitutionnalisation de l'état d'urgence", a expliqué M. Sarkozy qui a été reçu vendredi par le président français.
Mais pour les spécialistes du droit, les défenseurs des droits de l'Homme et certains responsables politiques de gauche, la menace terroriste ne peut justifier une nouvelle prolongation de l'état d'urgence.
Selon Me Patrick Spinozi, avocat de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), l'état d'urgence est par nature un état temporaire, il doit donc pouvoir s'arrêter à un moment. "On ne peut pas justifier l'état d'urgence par l'existence de la menace terroriste car cette menace est évidente et elle continuera d'exister après le 26 février", a expliqué l'avocat sur BFMTV.
La LDH a saisi depuis le 19 janvier le Conseil d'Etat afin qu'il suspende ce régime de l'état d'urgence actuellement en vigueur. Car "un tel régime d'exception, par essence hautement attentatoire aux libertés fondamentales, ne saurait perdurer dans un Etat de droit (...) les dérives constatées lors de la mise en œuvre de ce régime, associées à sa perte d'efficacité naturelle au cours du temps, plaident encore incontestablement en faveur de sa suspension", indique dans un communiqué cette organisation de défense des droits de l'Homme.
Le projet de loi portant prolongation de l'état d'urgence de douze jours à trois mois, adopté par le Parlement, prévoit entres autres mesures, l'élargissement des assignations à résidence, des perquisitions administratives et la dissolution des groupes radicaux.
A cet effet, des centaines de perquisitions, des assignations à résidence ou encore des poursuites pénales ont été opérées, a rappelé sur Europe1, Pierre Tartakoswky, président d'honneur de la LDH. Mais, poursuit-il, "la plupart des gens qui ont été inquiétés, maltraités, n'avaient pas grand-chose à voir avec le terrorisme. Donc, tout cela n'a rien à voir avec une lutte efficace contre le terrorisme".
Selon Serge Slama, universitaire et spécialiste du droit public, les abus constatés dans le cadre de
l'état d'urgence s'explique par le pouvoir de l'exécutif et de la police.
"Il y a certes un contrôle juridictionnel mais un contrôle juridictionnel à un juge administratif qui est rattaché au conseil d'Etat et à l'exécutif. Donc on neutralise le rôle du juge judiciaire et les atteintes à la liberté sont beaucoup plus faisables de la part de la police", a dit M. Slama sur France Inter.
Cette nouvelle prolongation, comme la première, durera trois mois. Et le projet de loi sera discuté le 3 février prochain en Conseil des ministres par le gouvernement, a annoncé l'Elysée.