Des soldats des Forces de défense du Kenya patrouillent à Garissa le 3 avril, après l'attentat terroriste qui a frappé le Garissa University College. Photo: AP |
Elle avait quitté son domicile situé en milieu rural en 2014, à environ 800 km, afin de poursuivre ses études collégiales à Garissa, une ville éloignée se trouvant dans le nord du Kenya.
Elle était optimiste et pleine d'espoir et pensait que, après quatre ans, elle aurait un diplôme universitaire et obtiendrait un emploi qui apporterait du changement dans sa famille touchée par la pauvreté.
Mais le destin en a hélas décidé autrement : Stella Wamalwa a perdu la vie lors de l'odieuse attaque terroriste du Garissa University College le 2 avril dernier.
« Nous avions tous placé de grands espoirs en elle. C'était une jeune femme brillante, avec un avenir qui l'était tout autant. En elle, nous avions vu de l'espoir, nous espérions qu'un jour nous sortirions de la pauvreté, et que nous aurions au moins un repas par jour. Aujourd'hui, cet espoir a disparu », a déclaré un de ses parents.
L'attaque qui a été perpétrée avant l'aube a fait 147 morts ; ce fut l'un des pires cas de meurtre de masse au Kenya depuis août 1998, lorsque l'ambassade américaine à Nairobi fut touchée par un attentat à la bombe. L'attaque, dont le groupe terroriste Al-Shabaab a revendiqué la responsabilité, porté à 300 le nombre de personnes tuées par la terreur au Kenya depuis 2013.
Mais le Kenya n'est pas le seul à faire face à un tel défi. Beaucoup de pays d'Afrique sont plongés dans l'insécurité, qui, si elle n'est pas traitée, risque de faire connaitre au continent une autre vague d'instabilité à un moment où les investisseurs étrangers affluent.
Le Nigeria, qui est la plus grande économie d'Afrique, est ainsi aujourd'hui en guerre contre Boko Haram, un groupe de miliciens qui déchire littéralement le pays en deux. A la date de juin 2014, ce groupe avait tué plus de 5 000 civils dans des attaques qui se produisent principalement dans le Nord-est, le Centre-nord et le Centre du Nigeria.
« L'augmentation de l'insécurité a un impact énorme sur nos investissements en Afrique. Nous ne recherchons plus d'opportunités d'affaires en raison des avis aux voyageurs qui entravent nos actions », a confié un homme d'affaires chinois, qui a des intérêts au Kenya, en Zambie, au Zimbabwe, en Angola et au Nigeria .
Il y a des craintes unanimes que le continent, qui en est encore à ses balbutiements en termes de développement, ne soit débordé. Certains prétendent en effet que l'Afrique n'a pas la capacité de faire face au défi du terrorisme, toujours dynamique et prompt à adopter divers dispositifs de communication et armes modernes.
En 1980, le commerce sino-africain se montait au total à 1 milliard de Dollars US. A peine 20 ans plus tard, il était passé à 6,5 milliards de Dollars US, et en 2000, à 10 milliards de Dollars US. En 2005, le total des échanges entre l'Afrique et la Chine avait atteint 39,7 milliards de Dollars US, avant de monter à 55 milliards de Dollars US en 2006. Ces chiffres faisaient de la Chine le deuxième partenaire commercial de l'Afrique après les États-Unis. En 2010, le commerce entre l'Afrique et la Chine valait 114 milliards de Dollars US et, en 2011, 166,3 milliards de Dollars US. Aujourd'hui, la Chine est le plus grand partenaire commercial de l'Afrique.
Plus important encore, plus de 1 000 entreprises chinoises, qui ont investi dans les infrastructures, l'énergie, la banque et l'agriculture, sont présentes sur le continent africain.
« Avec l'insécurité croissante, ces chiffres du commerce ne pourront pas suivre la tendance des dernières années. Il est nécessaire d'investir dans la sécurité pour apporter la stabilité sur le continent, sinon des milliers d'Africains employés dans ces entreprises chinoises risquent de perdre leur emploi », explique Emmanuel Tugume, ingénieur en mécanique dans une entreprise de construction chinoise à Kampala, en Ouganda.
Aujourd'hui, les Africains appellent la Chine à la rescousse, et lui demandent de venir et soutenir son partenaire commercial dans sa lutte contre la menace du terrorisme. « La Chine a une riche expérience dans la lutte contre le terrorisme. Elle dispose de ressources suffisantes, avec des limiers de sécurité très bien entrainés et des armes. L'aide à l'Afrique peut s'avérer cruciale, en particulier maintenant que les investissements chinois sont menacés », affirme Richard Tutah, expert en sécurité intérieure et en lutte contre le terrorisme, formé en Israël.
Les troupes chinoises se sont rarement aventurées à l'étranger en raison d'un principe de longue date de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États. Mais maintenant, elles ne sauraient être passives dès lors que les intérêts de la Chine font face à des menaces terroristes à grande échelle de groupes comme Boko Haram, Al-Qaïda ou Al-Shabaab.
Une proposition pourrait bientôt permettre aux troupes chinoises d'aller à l'étranger pour des missions de lutte contre le terrorisme.
Rédigée en 2014, la proposition de lutte contre le terrorisme comprend des dispositions qui autoriseraient l'armée et la police paramilitaire à effectuer des missions de lutte contre le terrorisme au-delà de ses frontières si le déploiement a le consentement des pays concernés.
« L'Afrique a besoin d'approcher la Chine pour obtenir une aide à la formation des unités de lutte contre le terrorisme ainsi que dans l'approvisionnement du continent en armes les plus modernes », a déclaré M. Tutah.
Avec une Afrique stable, la Chine a tout à gagner en commerçant davantage avec le continent. Elle jouit déjà d'une présence remarquable en Afrique grâce à des investissements massifs dans l'énergie, le rail, les aéroports et les routes.
Au Kenya, les entreprises chinoises sont ainsi créditées de la construction d'une des routes les plus modernes d'Afrique, l'autoroute de Thika, qui a accéléré la circulation des marchandises et des services de Nairobi vers le centre du Kenya. C'est une route cruciale, qui fait partie de la grande artère qui va couper l'Afrique en deux, reliant Le Cap, en Afrique du Sud au Caire, en Egypte.
« L'Afrique connait une croissance rapide. Ce rythme, cependant, ne doit pas être freiné à cause de l'insécurité », a expliqué Emmanuel Manyasa, économiste à l'Université Kenyatta au Kenya.