Dernière mise à jour à 14h51 le 13/05
Au cours des deux derniers mois et demi, le monde a non seulement été témoin de la poursuite du conflit russo-ukrainien, mais a également vu Beijing repousser sans faiblesse les allégations de Washington qui visent à discréditer le rôle de la Chine dans la crise et sur d'autres questions.
Selon des responsables et des universitaires, la tactique de la guerre de l'information aide Washington à tenter de rejeter sur d'autres la responsabilité d'avoir attisé la tourmente actuelle, sert sa stratégie à long terme de coercition contre la Chine, sabote l'unité mondiale et réduit encore les perspectives que les États-Unis et la Chine fassent des efforts conjoints pour gérer les problèmes sensibles.
Dans un exemple récent qui a encore vu Washington calomnier Beijing, une déclaration du département d'État américain publiée sur son site Internet le 2 mai affirmant que les responsables et les médias chinois « ransmettent au public des points de discussion biaisés du Kremlin » sur la question ukrainienne. La déclaration a également attaqué les récentes critiques de la Chine à l'encontre des États-Unis, selon lesquels ils auraient soutenu des laboratoires biologiques en Ukraine, affirmant que Beijing « amplifie » la désinformation de la Russie.
Jia Qingguo, directeur de l'Institut pour la coopération et la compréhension mondiales de la Péking University, a rappelé que « pendant l'administration Trump, Washington a délibérément lancé une guerre de l'information contre Beijing » et la Chine n'a d'autre choix que d'y répondre. « Washington a sa propre part de responsabilité dans l'aggravation de l'attitude du public américain envers la Chine et vice versa, et la négativité qui obscurcit les interactions officielles sino-américaines ne se dissipera probablement pas à court terme », a-t-il noté.
Le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong a tiré la sonnette d'alarme le mois dernier sur le récent récit chinois de Washington concernant la crise ukrainienne, affirmant que les relations américano-chinoises « sont l'une des choses qui seront compliquées par l'Ukraine ».
« L'Amérique demande pourquoi la Chine ne la soutient pas. Vous devez faire très attention à ne pas définir le problème avec l'Ukraine de telle manière que la Chine soit déjà automatiquement du mauvais côté », a-t-il déclaré dans un dialogue avec l'éditorial du Wall Street Journal le 1er avril.
Le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Le Yucheng, a récemment dénoncé les voix calomniant la Chine, telles que celles diabolisant la coopération sino-russe ou accusant Beijing de « se tenir du mauvais côté de l'histoire » pour ne pas avoir adhéré aux sanctions américaines contre la Russie.
Lors d'un webinaire organisé le 6 mai, M. Le a noté que dans la crise ukrainienne en cours, certaines personnes ont ignoré la contribution de la Chine à la sécurité internationale et ont « essayé de faire porter à la Chine la responsabilité de leurs propres actions ». En exagérant la citation « l'amitié n'a pas de limites » d'une récente déclaration conjointe sino-russe, certains ont accusé Beijing d'avoir eu « une connaissance préalable » des opérations de Moscou en Ukraine, et ont affirmé que la Chine devrait en rendre des comptes.
La Chine n'est pas impliquée dans le conflit, et encore moins celle qui l'a créé, « alors comment la Chine pourrait-elle être responsable ? » a demandé le ministre, rappelant que la Chine « ne fixe jamais de limite » à la coopération avec divers pays, ajoutant qu'un grand pays « ne veut utiliser l'Ukraine que comme "chair à canon"pour épuiser la Russie et sacrifier des vies ukrainiennes pour atteindre sa propre ambition hégémonique et ses objectifs géostratégiques ».
La politique deux poids, deux mesures affichée par les campagnes de désinformation des États-Unis et de certains de leurs alliés tout au long de la crise ukrainienne ont suscité des critiques et se sont retournés contre eux quand de nombreux observateurs ont examiné les antécédents des États-Unis dans les guerres et conflits antérieurs.
Frank Gardner, correspondant sur la sécurité de la BBC, a noté le mois dernier dans une analyse qu'« il y a l'accusation, partagée par beaucoup, en particulier dans les pays à majorité musulmane, que l'Occident, dirigé par sa nation la plus puissante -les États-Unis- est coupable d'hypocrisie et de doubles standards », soulignant que, « en 2003, les États-Unis et le Royaume-Uni ont choisi de contourner l'ONU et une grande partie de l'opinion mondiale en envahissant l'Irak pour des motifs fallacieux, entraînant des années de violence ».
« Depuis le déclenchement du conflit russo-ukrainien, nous avons vu Washington -un belliciste qui a offert des armes et exacerbé les tension persistante- accuser de plus en plus la Chine tout en se présentant comme un gardien de la paix », a de son côté déclaré Xu Yicong, chercheur à la Fondation chinoise pour les études internationales et ancien ambassadeur de Chine à Cuba. Washington a passé des décennies à essayer de contenir la Russie et la Chine, et « tout au long de ce conflit, les États-Unis utilisent des tactiques de désinformation pour réprimer davantage la Chine, saper sa sécurité et ainsi renforcer sa propre hégémonie », a-t-il ajouté.
Une enquête publiée le mois dernier par le Pew Research Center montre que plus de 80% des Américains ont une opinion défavorable de la Chine, atteignant un niveau record. Pour le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian, « l'attaque sans scrupules et méprisable contre la Chine par certains politiciens américains en est la raison », et certains médias et groupes de réflexion emboîtent également le pas et calomnient la Chine.
« Nous espérons que vous pourrez faire plus de choses propices à l'amélioration des relations sino-américaines et éviter d'être utilisés comme un outil par des politiciens sans scrupules pour dénigrer la Chine », a-t-il déclaré aux journalistes lors d'une conférence de presse le 29 avril.
De son côté, Su Xiaohui, directeur adjoint du département des études américaines de l'Institut chinois des études internationales, a souligné que « chaque pays a le droit de décider indépendamment de sa propre politique étrangère », ajoutant que « poussés par une mentalité datant de l'ère de la guerre froide, les États-Unis ont profité de la crise ukrainienne pour salir la Chine, et derrière leurs attaques se cache le plan visant à attiser la confrontation basée sur les blocs, à renforcer leur clique et à créer davantage de divisions dans le monde ».
Face à des allégations et à des spéculations sans fondement, « la Chine ne reculera devant aucune coercition ou pression extérieure », et Beijing a demandé à plusieurs reprises aux États-Unis d'arrêter de détourner l'attention et de faire des reproches à la Chine et de repenser son rôle dans la crise ukrainienne, a assuré M. Su.
Reva Goujon, cadre supérieur chez Rhodium Group, a pour sa part récemment écrit dans un article publié sur le site Internet du magazine Foreign Policy que « l'administration Biden est soumise à une pression bipartite croissante pour aller au-delà d'un nettoyage des politiques de l'administration Trump vers une stratégie de confinement plus complète sur la Chine. »
Dans un récent article publié sur le site du magazine Foreign Affairs, Yan Xuetong, professeur émérite et doyen de l'Institut des relations internationales de l'Université Tsinghua, a affirmé que « les États-Unis n'assoupliront pas leur politique d'endiguement de la Chine » même si Beijing changeait de position sur la crise ukrainienne.